Il semble qu’à aucun moment, l’intelligentsia sécuritaire, politique et médiatique israélienne ne se désintéresse du numéro un du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah. En plus du nombre des missiles de la résistance au Liban, elle s’intéresse surtout à sa personne. « Son profil psychologique », selon le service des renseignements de l’armée israélienne, Aman qui a réalisé récemment un rapport sur lui.
Cet appareil, qui concentre son activité sur la collecte et l’analyse d’informations militaires à partir de plusieurs sources, dans le but de diagnostiquer au préalable les signes de guerre ou d’activités militaires, a pour la première fois, eu recours à certains membres de l’équipe qui ont participé à la rélisation de l’étude pour médiatiser ses conclusions. Ou une partie . Celles destinées à envoyer des messages. Reste à savoir à qui. Et pour quels objectifs.
Selon le quotidien israélien Yediot Ahronot qui a interrogé quelques uns des membres de ce noyau d’Aman, dont les rapports d’évaluation stratégique sont consultés par les décideurs israéliens, le titre choisi pour le rapport est « Dans la tête de Nasrallah ».
Une allusion que les renseignements israéliens ont pu s’y infiltrer.
Force est de constater que cette équipe y fait preuve d’une grande vantardise. Sa prétention de savoir tout sur S. Nasrallah, comme celle de connaitre le nombre exact des missiles entre les mains de la résistance , constitue la colonne vertébrale du rapport, laquelle traverse toutes les autres thématiques principales.
En tête de ces thèmes vient l’enfermement supposé du numéro un du Hezbollah, très cher aux médias et aux politiciens, lesquels ne cessent de matraquer leur opinion publique « qu’il vit dans un bunker », pour décrire les prescriptions sécuritaires rigoureuses qu’il observe depuis la guerre 2006.
Vantée comme un exploit de la guerre 2006 qui a été une débandade pour l’armée israélienne, cette thématique est maintenant accompagnée par celles de « son isolement » et de « son narcissisme » présumés. Le tout, accompagnant ce qui ne saurait être que les qualités de S. Nasrallah, auxquelles le public israélien semble bien sensible.
« Hantée par Nasrallah »
« C’est l’homme mystère, en apprentissage permanent, connaissant parfaitement les détails de la société israélienne, le seul stable dans une réalité en changement perpétuel au Moyen-Orient », le décrit l’étude d’Aman, dans ce qui semble être l’exposé de ses qualités.
Selon le quotidien israélien, une de ses chercheuses avoue « être hantée par Nasrallah ».
« Elle rêve et respire Hassan Nasrallah 7 jours la semaine, 24 heures par jour », rapporte le YA, à la foi de Dr. Q., docteure en Sécurité régionale, qui assure le faire depuis 10 ans.
Elle s’intéresse entre autres au profil physique de Sayed Nasrallah, à partir de « sa coupure de cheveux et sa barbe, avant chaque discours » elle scrute comment « il prend soin de sa tenue vestimentaire et à ne pas suer durant son discours pour ne pas sembler faible ou sous pression ».
Mais c’est surtout l’intérêt qu’il porte pour les médias israéliens qui l’intrigue. Et par derrière son discours, adressé au public israélien, et qui exerce une influence sur lui.
« Hassan Nasrallah vit les médias israéliens. Il connait tous les correspondants. C’est son moyen de connaitre la société israélienne, afin de correspondre avec elle. Dernièrement, ils lui ont accordé une tribune beaucoup plus importante que celle des médias chez lui au Liban. L’importance qui lui est offerte chez nous continue seulement à nourrir son narcissisme », ajoute-t-elle dit pour le YA.
L’art de transformer les qualités en défauts
Le rapport exerce un réel tapage sur cette notion de narcissisme présumé qu’il prétend déceler chez le chef du Hezbollah. On constate qu’elle est surtout utilisée pour déformer ses qualités de leader influent qui ne peuvent être occultées.
A peine Dr. Q. observe que « sa personnalité est très intéressante et complexe… on ne peut pas tout savoir sur lui…il jouit d’une compétence politique et stratégique unique… durant ces trois dernières décennies, il a développé son image en tant que leader incontestable », elle objecte : « Il est très égocentrique, secret, très circoncis dans ses consultations, et très préoccupé de lui-même jusqu’au narcissisme ».
En outre, elle aime voir une déchirure ou une contradiction qui se veut être douloureuse, là où il y a une contrariété, ou une simple nécessité de concordance.
Ainsi toujours selon la docteure Q, sayed Nasrallah « serait déchiré entre deux identités, religieuse islamique et politique pragmatique ». Quant à « sa conscience morale rigoureuse », elle devient d’après elle « la cause d’une tension structurelle entre son engagement religieux envers l’Iran et son pays le Liban ».
Un autre interlocuteur du YA et membre de l’équipe d’Aman, le capitaine ‘A’, prend le relais sur la thématique du dirigeant narcissique, lui projetant des caractéristiques qu’il lui attribue arbitrairement, en misant sur la notion de l’isolement en plus.
S. Nasrallah « est très fanatique pour sa personne, ne permettant pas aux autres qui sont proches de lui de grandir, il n’a toujours pas construit d’héritier pour le jour où il ne sera plus. Il sauvegarde le monopole de la domination militaire. C’est à lui de prendre tout seul ses décisions et il détient le dernier mot », dit-il. Sachant que S. Nasrallah a, lors de l’un de ses anciens discours, expliqué que la prise de décision au sein de la direction du Hezbollah est le fruit d’une consultation avec un parterre de dirigeants et qu’il ne prend jamais ses décisions tout seul. Dans ses nombreux discours, il dit souvent « mes frères et moi avons pris la décision de … »
De l’imaginaire à l’effectif
Dans certaines de ses séquences, relayées par le journal israélien, le rapport puise dans l’imagination des comportements prévisibles de quelqu’un qui est soumis à des restrictions d’ordre sécuritaire pour les présenter comme s’ils sont effectifs : « il ne sort pas de sa maison, il ne s’approche pas des fenêtres, il ne voit pas la lumière ».
De même pour les séquelles qui en découleraient : « Nasrallah paie un lourd tribut de sa propre santé. Nous voyons durant ses discours qu’il se comporte avec lourdeur… dans l’endroit où s’enferme il n’a pas de vie sportive, et comme il ne s’expose pas au soleil, il doit souffrir d’une carence en vitamine D ».
Comme ces allégations ne reposent sur aucun fait palpable, pour y remédier, les membres d’Aman recourent à la vantardise, en misant sur l’impression qu’il sont au courant de tout, et savent même où il se trouve : « il comprend très bien que le moment où il sortira la tête, Israël saura où il est », avance l’un d’entre eux, la capitaine ‘A’. Et d’en conclure : « Ce qui fait de lui un personnage très isolé ».
« L’isolement de Nasrallah s’est accentué avec les ans. Aussi bien de point de vue politique que personnel. Il n’a personne sur qui il peut compter. Il craint que quelqu’un ne grandisse et ne menace son hégémonie. Son égocentrisme immense et le fait qu’il ne peut compter sur personne exacerbent son narcissisme », énumère un certain lieutenant ‘Ch’.
A la question de savoir comment peut-il gérer une organisation aussi complexe, en dépit de sa présumée vie en isolement, il évoque l’esprit du leader incarné chez ses adeptes au sein de la résistance. « Il lui suffit de donner ses prescriptions et ils sauront ce qu’il veut ».
«Ses directives à l’organisation sont très claires », croit analyser la lieutenant ‘H’, directrice de la cellule Front qui s’intéresse aux questions militaires du Hezbollah contre Israël : « la riposte à chaque tué du Hezbollah, tout ce qui a trait à la souveraineté, la préservation de la proportionnalité… ». Des thèmes que sayed Nasrallah répète en boucle dans ses discours. « Et ils savent comment il conçoit la riposte », croit-elle deviner.
Niaiseries et vantardise
Dans cet amalgame entre faits connus de tous, comportement imaginé à la base de prévisions évidentes, présenté comme effectif, et comportements entièrement fabriqués, les niaiseries ont aussi leur place.
Comme lorsque l’un de ses interlocuteurs évoque des évidences en disant que « Nasrallah est un homme de religion. Il prie comme tous les chiites ». C’est comme si c’est adressé à un public musulman non chiite!
Et losqu’un autre se targue de savoir que « dans les conditions de cachette où il vit il y a quelqu’un qui s’occupe de lui couper les cheveux et de raser sa barbe avant chaque discours ».
La vantardise de cette supposition aussi subalterne que stupide n’a pas échappé au journaliste chevronné et ancien animateur de la chaine de télévision israélienne KAN, Yaacov Akhmaïr.
« Pure vantardise », s’est-il offusqué lors d’un débat sur la chaine israélienne 12. « Chaque semaine il y a une mise en scène qui dit que nous avons gagné, et nous avons gagné en ouvrant le dossier de Nasrallah. Ça suffit vraiment ça suffit », a-t-il lancé, avec irritation devant le général Avi Peniahou, le porte-parole de l’armée israélienne.
Et ce dernier de tenter de sauver la situation : « c’est possible que nous voulions lui montrer à quel point les est à découvert. Et il est possible que d’autres choses aient été découvertes. Pour qu’il sache qu’il n’a pas à traiter avec nous. Tout ceci est un travail des renseignements. Réduire la classification sécuritaire des informations des renseignements pour des besoins opérationnels. Je suppose qu’il y a une considération de ce genre. Personne n’a fait quelque chose de politique ».
Sans toutefois persuader son interlocuteur : « je déteste cette vantardise. Certainement la semaine prochaine, il y aura un autre « nous avons gagné » ».
« Les mains de Nasrallah touchent les arbres »
Selon Ibrahim al-Amine, le rédacteur en chef du quotidien libanais proche du Hezbollah, les conclusions du rapport d’Aman ne comportent aucune information des renseignements qui mérite ce nom.
Il estime qu’elles ne sont pas non plus à la hauteur d’un service des renseignements militaires, considéré être l’un des plus importants et les plus coûteux, et dont les membres sont les diplômés d’un programme spécifique qui assemble les services continus sur des études en sciences politiques et en sciences du MO dans une synergie avec les sciences de l’informatique, les mathématiques, l’économie et la politique.
Al-Amine considère aussi qu’il n’est pas non plus à la hauteur des journalistes qui ont publié l’article.
« Que dire d’un reportage au cours duquel ont été interviewés 15 officiers, experts et chercheurs, qui travaillent nuit et jour pour collecter des informations sur Nasrallah et les analyser et qui n’accèdent qu’à des données dont disposent les médias arabes sur le Hezbollah, son secrétaire général , sa famille et d’autres choses qui lui sont liées, -dont une interview qu’al-Akhbar avait réalisée en 2014, qu’elles soient vraies, fabriquées ou déviées, pour les exposer à un public israélien dans un contexte précis et orienté pour donner l’impression d’être capable de savoir et d’analyser les choses », a-t-il écrit dans un article publié ce samedi 13 mars.
Et de le conclure en révélants certains faits : «Je vais vous ajouter certaines choses. Nasrallah ne vit pas sou terre. Et il voyage hors du Liban. Et il se déplace entre les villes, les villages, les rues et les quartiers. Et il dispose d’équipes d’experts en toute chose. Dans son agenda il y a Joe Biden en passant par le maire de Mays al-Jabal (village à l’extrême sud du Liban aux confins avec la Palestine occupée) et jusqu’au chef du conseil local de la colonie Shlomy … A vous dire, ses mains touchent les arbres… ».
Nasrallah face aux dirigeants israéliens
Selon l’expert des questions israéliennes Rassem Abidate, interviewé par la télévision libanaise d’informations al-Mayadeen Tv, les dirigeants israéliens son hantés par la personnalité du chef du Hezbollah pour la simple raison que « les Israéliens croient S. Nasrallah plus qu’ils ne croient leurs dirigeants ».
Le rapport israélien aussi peut sembler être sous le charme.
« C’est un personnage familial… Mais il se préoccupe beaucoup plus d’une maison qui s’effondre au Liban que des questions de sa famille… Il n’a pas de biens propres à lui. Il a pleinement confiance en la base populaire », sont aussi les conclusions du profil psychologique d’Aman sur Sayed Nasrallah. Elles peuvent paraitre contraster avec l’orientation du rapport, si ce n’est qu’elles évoquent « la pauvreté chiite », pour justifier insidieusement son manque de moyens présumé. Et lorqu’il conclut « qu’il n’est pas corrompu personnellement », il laisse supposer que les autres le sont.
N’empêche que ces conclusions sur le profil du chef de la résistance libanaise touchent à ce qui fait défaut à la classe politique israélienne, embourbée dans des affaires de corruption, de népotisme et d’affairisme, depuis Ariel Sharon, en passant par Ehud Olmert et jusqu’à Benjamin Netanyahu. Sans oublier l’ex président Moshé Katsav, condamné dans des affaires de viols.
En s’efforçant d’altérer les qualités de leader du secrétaire général du Hezbollah, Aman aspire à dissimuler les défauts des dirigeants israéliens, aux yeux du public israélien. Ou à les minimiser. Dans toute cette mise en scène médiatique diligentée par l’appareil des renseignements de Tsahal, c’est ce public qui en est la cible. Sans exclure catégoriquement les autres publics, par extension. Le recours à ses experts eux-mêmes pour diligenter ses conclusions illustre profondément cette velléité de remédier à cette crise de confiance. Elle semble très profonde.
Une lecture approfondie du rapport « Dans la tête de Nasrallah » montre bien que c’est plutôt la tête du public israélien qui est visé…
Source: Divers