La Russie et les États-Unis ont réduit leurs arsenaux nucléaires jusqu’au niveau des années 1950, a annoncé Mikhaïl Oulianov, directeur du département pour la non-prolifération et le contrôle des armements auprès du ministère russe des Affaires étrangères.
« Nous remplissons progressivement nos engagements dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). La Russie et les États-Unis réduisent continuellement leurs arsenaux. Nos armements nucléaires sont cinq fois moins importants que pendant la phase la plus tendue de la Guerre froide, nous avons stoppé la course aux armements nucléaires et aujourd’hui les arsenaux russes et américains se trouvent au niveau de la fin des années 1950 ou du début des années 1960 », a indiqué M.Oulianov.
Selon le diplomate, les États-Unis ont du mal à formuler de manière précise leurs revendications concernant le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), contrairement à la Russie. « Nous sommes d’accord avec nos partenaires américains sur le fait que les contacts dans le cadre du Traité FNI doivent être confidentiels. Mais ce dialogue me laisse une étrange impression: les États-Unis sont incapables d’expliquer et d’argumenter leurs réclamations par rapport au Traité FNI », a noté M. Oulianov.
« À chaque fois ils disent: « Nous savons que vous êtes coupables et vous savez que vous l’êtes et que vous devez vous repentir ». Mais la discussion n’avance pas sans faits concrets. Nos réclamations, au contraire, sont parfaitement fondées, nous pouvons les présenter par écrit sur des dizaines de pages. Toutes les revendications russes sont appuyées par des faits concrets et sérieux », a poursuivi le diplomate.
D’après ce dernier, la Russie a l’intention de poursuivre ces contacts dans la mesure du nécessaire. « De notre point de vue, les drones d’attaque sont une violation du Traité mais les USA ne cessent de les mettre en service », a ajouté M. Oulianov. Selon lui, Moscou espère parvenir à un consensus avec la future administration américaine en matière de désarmement.
« Nos propositions restent sur la table des négociations. Nous espérons que la nouvelle administration américaine, qu’elle soit républicaine ou démocrate, réussira à analyser de manière impartiale l’essence de nos propositions (en termes de désarmement) et à revoir son approche », a-t-il noté.
« Si cela se produisait, je pense que nous parviendrions à un consensus total en seulement quelques semaines et que le dialogue pourrait démarrer », souligne le diplomate.
La dernière session de la Conférence sur le désarmement de 2016 s’est terminée le 16 septembre et la prochaine session s’ouvrira en janvier 2017.
« Les Américains pourraient continuer de formuler des objections sans explications en bloquant les initiatives russes. Mais les règles de la conférence sur le désarmement permettent d’entamer les négociations sans leur accord. Honnêtement, ce serait tout de même une occasion manquée », a estimé M. Oulianov.
L’ABM américain en Corée du Sud, une « atteinte aux intérêts de Moscou »
Le déploiement du bouclier antimissile américain (ABM) en Corée du Sud porte atteinte aux intérêts de la Russie et Moscou le prendra en compte dans sa planification militaire.
« Nous voyons que les autorités sud-coréennes et les États-Unis accroissent leurs activités militaires dans la région de la péninsule de Corée. Cela pousse Pyongyang à engager de nouvelles démarches déraisonnables. Le projet de déploiement de l’ABM américain en Corée du Sud se concrétise », affirme le diplomate.
« Au final nous assistons à un regain de tension. Les agissements d’un pays provoquent la réaction d’un autre, et on peut continuer ainsi indéfiniment jusqu’à la survenue d’un cataclysme. C’est très dangereux », a souligné le diplomate.
« Le déploiement de ces systèmes antimissiles porte atteinte non seulement aux intérêts de Pyongyang mais également à ceux de la Chine et, dans une certaine mesure, de la Russie. Bien évidemment, la Chine, la Russie et la Corée du Nord en tiendront compte dans leur planification militaire », a constaté M. Oulianov.
Les bombes polyvalentes américaines
Selon le diplomate, les bombes polyvalentes américaines à puissance variable réduisent le seuil d’utilisation de l’arme nucléaire. Cela est loin de contribuer au renforcement de la sécurité européenne.
« Fait paradoxal: le président américain Barack Obama a promis d’assurer un progrès important en matière de désarmement nucléaire au début de son mandat présidentiel. Mais il a finalement procédé à la modernisation de ces forces. Cette modernisation n’a pas pour but d’éliminer les armes et de construire un monde dénucléarisé. Ces armes arriveront en fin de vie au début des années 2080 », indique Mikhaïl Oulianov.
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D’après ce dernier, les bombes nucléaires polyvalentes réduisent le seuil d’utilisation et augmentent la tentation.
« Certains disaient même que ces bombes seraient « plus éthiques ». Cette thèse est très originale (…). Les nouvelles bombes universelles entreront en service en 2020, ce qui ne renforcera pas la sécurité européenne », a souligné le diplomate.
Le désarmement nucléaire La Russie juge impossible de poursuivre le désarmement nucléaire de manière unilatérale. « Il n’est plus possible de poursuivre le désarmement nucléaire unilatéralement — la Russie a réduit son potentiel nucléaire stratégique d’environ 85%. Le fait que nous l’avons fait jusqu’à présent […] est un geste de bonne volonté. Mais maintenant que nous avons réduit notre arsenal jusqu’à un niveau très bas, on ne peut plus continuer », a déclaré le diplomate.
Les USA testent leurs missiles
« La France prend ses distances, au moins partiellement, avec le potentiel nucléaire de l’Otan. Par contre, le Royaume-Uni fait partie du groupe de planification nucléaire de l’Alliance. La Russie ne peut plus fermer les yeux là-dessus », a expliqué M. Oulianov. Le déploiement d’armes nucléaires à l’étranger Selon le diplomate, la Russie ne déploiera pas ses armes nucléaires à l’étranger, tous ses arsenaux se trouvent sur le territoire russe.
« La Russie a retiré ses armements nucléaires des territoires étrangers en 1989 et 1990. Toutes nos armes nucléaires, tactiques y compris, se trouvent uniquement sur notre territoire national. Nous n’envisageons pas de les déployer dans d’autres régions », a-t-il dit.
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« Ce n’est pas du tout le cas des États-Unis qui ont déployé leurs bombes de ce côté du Pacifique. De plus, plusieurs pays non nucléaires, qui ont accueilli ces bombes, se joignent au potentiel nucléaire des États-Unis et de l’Otan. C’est le cas des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie et de la Turquie. C’est absolument contraire aux deux premiers articles du TNP concernant le non-transfert des armes nucléaires sous le contrôle d’États non nucléaires », a souligné le diplomate.
Vers une interdiction totale de l’arme nucléaire?
Selon M. Oulianov, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, lors de sa 71e session, un rapport « contenant la recommandation de convoquer en 2017 une conférence qui permettra de négocier une convention internationale pour l’interdiction totale de l’arme nucléaire ».
Un projet de résolution conjointe sera probablement soumis pendant cette session. Selon Mikhaïl Oulianov, Moscou qualifie cette initiative de non réaliste et appelle à respecter plutôt le TNP.
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« Nous partageons l’objectif de construction d’un monde sans armes nucléaires, mais la question est de savoir comment avancer vers ce but. La solution consistant à prendre une décision pour interdire l’arme nucléaire est audacieuse. Il est évident que ni la Russie ni d’autres puissances nucléaires ne participeront aux négociations pour interdire l’arme nucléaire », dit-il.
Le TNP prévoit « une évolution par étapes vers la construction d’un monde non nucléaire, qui permettrait de garantir la stabilité stratégique et une sécurité égale pour tous. Nous sommes entièrement attachés à cette idée. L’oublier ou la modifier est contre-productif », a conclu Mikhaïl Oulianov.
Source: Sputnik