Le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault a mis en garde ce dimanche contre le projet « lourd de conséquences » du président élu américain Donald Trump de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem (al-Qods), en marge d’une conférence internationale à Paris sur le conflit israélo-palestinien.
« Aucun président américain ne s’est laissé aller à prendre cette décision », s’est inquiété Ayrault, interrogé sur la télévision publique France 3. « Ce serait extrêmement lourd de conséquences. Quand on est président des Etats-Unis, sur cette question on ne peut pas avoir une position aussi tranchée, aussi unilatérale, il faut chercher à créer les conditions de la paix », a-t-il ajouté.
Ces propos reflètent l’inquiétude provoquée dans la communauté internationale par la stratégie imprévisible de Trump sur le dossier israélo-palestinien.
Le président élu américain, qui entrera dans cinq jours à la Maison Blanche, s’est distingué durant sa campagne par des positions très pro-israéliennes et a promis de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.
Une telle mesure romprait avec la politique historique des Etats-Unis et irait à l’encontre de la position de l’ONU, pour laquelle le statut de Jérusalem, également revendiquée par les Palestiniens comme capitale de leur futur Etat, doit se régler par la négociation.
Les Palestiniens ont d’ailleurs vivement réagi, le président Mahmoud Abbas menaçant de revenir sur la reconnaissance d’Israël si une telle décision était appliquée.
Le transfert de l’ambassade « non seulement priverait les Etats-Unis de toute légitimité à jouer un rôle dans la résolution du conflit, mais elle réduirait à néant la solution des deux Etats », a déclaré ce week-end Abbas au quotidien français Le Figaro.
Conférence futile
La conférence de Paris, qui réunit plus de 70 pays et organisations internationales, devait réaffirmer solennellement l’engagement de la communauté internationale pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, vivant côte à côte en paix et en sécurité.
Les deux principaux intéressés, dont le dialogue sur la paix est interrompu depuis plus de deux ans, n’y participent pas. Si les Palestiniens sont favorables à l’initiative française, Israël, violemment opposé à toute approche multilatérale du dossier, n’a de cesse de la dénoncer.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui avait fustigé vendredi une « imposture », est revenu dimanche à la charge, jugeant la conférence « futile ».
Le gouvernement israélien ne cache pas compter sur la future administration américaine.
Dans ce contexte, la réunion de Paris vaut surtout pour le symbole, à un moment où la perspective de deux Etats s’évapore compte tenu de la situation sur le terrain, marquée par la poursuite de la colonisation israélienne, les attaques et attentats palestiniens, la radicalisation des discours et la montée des frustrations.
Message à Trump?
La conférence rappellera dans son communiqué final les textes internationaux de référence sur le conflit, particulièrement ceux de l’ONU.
Mais la question de savoir si le communiqué final abordera la question de Jérusalem et lancera ainsi un message à Trump faisait l’objet d’âpres discussions, selon des sources diplomatiques.
Car la communauté internationale, même si elle réaffirme son engagement pour les deux Etats, ne fait pas bloc pour autant. Que ce soit au sein de l’Union européenne ou des pays arabes, certains pays ont d’autres priorités ou ne veulent pas s’aliéner la future administration Trump.
Plusieurs sources diplomatiques ont ainsi exclu que les conclusions de Paris soient ensuite gravées dans le marbre d’une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, comme s’en est inquiété Israël.
La réunion de Paris s’annonce néanmoins comme le dernier acte d’une série de gestes remarqués sur la question israélo-palestinienne, dont le plus important s’est produit à l’ONU le 23 décembre.
Un mois avant son départ de la Maison Blanche, l’administration du président sortant Barack Obama a en effet marqué le coup en s’abstenant sur une résolution condamnant la colonisation israélienne, la première depuis 1979. Au grand dam du président élu Trump qui avait exhorté Washington à mettre son veto.
Quelques jours plus tard, dans un discours en forme de testament politique, le secrétaire d’Etat américain John Kerry, qui était présent dimanche à Paris, avait à nouveau dénoncé la colonisation et énoncé des paramètres pour la solution du conflit.
Source: AFP