Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a effectué mardi 17 novembre à Istanbul une visite axée sur « la liberté religieuse », mais aucune rencontre n’est prévue avec les dirigeants turcs, qu’il affirme pourtant vouloir « convaincre » de cesser leurs actions « très agressives ».
M. Pompeo, dont le programme a suscité des critiques d’Ankara, a rencontré dans la matinée le patriarche Bartholomée de Constantinople, chef spirituel de l’Eglise orthodoxe, au siège du patriarcat, avant un tour guidé de la mosquée proche de Rüstem Pacha.
Accompagné de son épouse et de l’ambassadeur américain à Ankara David Satterfield, il s’est ensuite entretenu dans son hôtel avec le nonce apostolique en Turquie, Paul Russel.
Le secrétaire d’Etat devait discuter lors de ces rencontres des « questions religieuses en Turquie et dans la région » et affirmer « la position ferme » des Etats-Unis sur ces sujets, dont Mike Pompeo a fait sa principale priorité en matière de droits humains.
« Il y a certainement des choses dont on peut discuter » en matière de liberté religieuse en Turquie, a glissé à des journalistes un responsable américain, critiquant en creux le bilan turc.
La Turquie avait suscité une vague de critiques dans le monde chrétien en juillet en transformant en mosquée l’ex-basilique Sainte-Sophie, classée au patrimoine mondial de l’humanité, révoquant son statut de musée.
Un petit groupe de manifestants, répondant à l’appel d’une association nationaliste, ont protesté près du patriarcat contre la visite de M. Pompeo aux cris de « Yankee, rentre chez toi », selon un photographe de l’AFP sur place.
La diplomatie turque a d’ores et déjà exprimé son courroux au sujet du programme de M. Pompeo en assurant que la liberté religieuse était « protégée » en Turquie. « Il serait plus approprié pour les Etats-Unis de se regarder dans un miroir et de se pencher sur le racisme, l’islamophobie et les crimes de haine dans leur pays », a protesté Ankara.
Washington risque donc d’ouvrir un nouveau front alors que les points de friction avec les autorités turques sont déjà légion.
Sanctions « très possibles »
Faute de rencontres bilatérales, Mike Pompeo ne pourra pas aborder avec les autorités turques les nombreuses divergences qu’il a lui-même énumérées lundi à l’issue d’un entretien à Paris avec le président français Emmanuel Macron.
« Le président Macron et moi avons passé beaucoup de temps à discuter des actions récentes de la Turquie et nous sommes tombés d’accord pour dire qu’elles étaient très agressives », a-t-il déclaré dans le quotidien français Le Figaro.
Il a cité le « soutien » de la Turquie à l’Azerbaïdjan dans le conflit au Nagorny Karabakh ou le « fait qu’elle avait implanté des forces syriennes dans la région également ». « Nous avons aussi évoqué son action en Libye, où ils ont aussi inséré des forces de pays tiers, ou encore son action dans la Méditerranée orientale, et je pourrais continuer cette liste », a poursuivi Mike Pompeo.
Selon lui, « l’Europe et les États-Unis doivent travailler ensemble à convaincre M. Erdogan que de telles actions ne sont pas dans l’intérêt de son peuple ».
Ces sujets s’ajoutent au contentieux autour de l’acquisition par Ankara du système de missiles russes S-400. Son achat devait déclencher, selon une loi américaine, des sanctions de Washington, mais la Turquie a reçu un sursis de Donald Trump, visiblement soucieux de maintenir sa bonne relation avec le président Recep Tayyip Erdogan — qui fait l’objet de critiques de plus en plus vives dans le camp occidental.
Or, l’armée turque est maintenant passée à l’acte en testant le S-400. Pour les Etats-Unis, cela devrait représenter une ligne rouge.
« Les sanctions sont tout à fait envisagées », c’est une possibilité « très réelle », a prévenu récemment le département d’Etat.
Reste à savoir si le milliardaire républicain voudra mettre cette menace à exécution d’ici la passation de pouvoirs, le 20 janvier, ou laisser le futur
président Joe Biden gérer cette situation délicate.
Après la Turquie, le secrétaire d’Etat doit poursuivre sa tournée en Géorgie, à Jérusalem occupée puis dans des pays du Golfe dont l’Arabie saoudite et les
Emirats arabes unis, hostiles à l’Iran. Selon le New York Times, Donald Trump a sondé la semaine dernière de hauts responsables américains sur la possibilité de frapper un site nucléaire iranien, mais ils l’en auraient dissuadé.
Source: Avec AFP