L’ex Premier ministre et chef du courant du Futur Saad Hariri a une nouvelle fois été désigné jeudi Premier ministre. Mais cette fois-ci sans les voix du Hezbollah.
Selon le site web d’al-Manar, il a obtenu les voix de 65 députés, contre 53 qui n’ont désigné personne et deux abstentions.
M. Hariri avait démissionné il y a un an quasiment jour pour jour sous la pression d’un soulèvement populaire inédit, déclenché contre les manquements d’une classe politique quasi inchangée depuis des décennies, accusée de corruption et d’incompétence.
À l’issue des consultations parlementaires entreprises par le chef de l’Etat Michel Aoun, il a obtenu l’appui de la plupart des députés sunnites, dont celle de son bloc parlementaire al-Wasat, et de la formation du chef druze, Walid Joumblatt, Rencontre démocratique. Ainsi que celles des blocs Rassemblement national, Centre indépendant, National-social, Députés arméniens, et de 5 députés indépendants. Sans compter les voix du bloc du mouvement Amal du chef de la Chambre, Nabih Berri, Développement et libération.
Le bloc du Hezbollah, Fidélité à la résistance, poids lourd de la politique libanaise, fait partie de ceux qui n’ont pas émis de préférence.
Il en est de même pour les blocs République forte des Forces libanaises, Liban fort du courant patriotique libre fondé par président, de Sauvegarde de la montagne, et de 5 députés indépendants.
Peu après sa désignation par le président Michel Aoun, M. Hariri, 50 ans, a promis de former « rapidement » un gouvernement.
« Le temps presse (…) Le pays est confronté à son unique et dernière chance », a lancé M. Hariri dans une brève allocution télévisée, s’engageant auprès des Libanais « à œuvrer pour stopper l’effondrement » qui menace l’économie.
L’homme politique héritier d’une immense fortune a déjà dirigé trois gouvernements.
Il a promis « un gouvernement d’experts », qui ne seraient pas issus de partis politiques, et « dont la mission sera la mise en œuvre de réformes économiques, financières et administratives » en accord avec « l’initiative française ».
Une nouvelle bataille
« Dès que les consultations seront terminées, le coup de sifflet d’une nouvelle bataille sera donné, la bataille de la formation (du gouvernement) », a prédit le quotidien Al-Akhbar, proche du Hezbollah, qui pronostique encore plus de « tensions politiques ».
La nomination intervient dans un contexte de crise économique, la pire depuis l’indépendance du Liban.
Il y a un an, le pays a été le théâtre d’un soulèvement populaire inédit, condamnant la corruption endémique qui sévit au pays du cèdre, réclamant pêle-mêle le renouvellement de la classe politique, des services publics dignes de ce nom dans un pays abonnés aux coupures d’électricité quotidiennes.
M. Hariri étant toutefois tenu pour responsable du fait que c’est sa formation qui a dirigé la plupart des gouvernements libanais depuis la fin de la guerre civile en 1990.
Depuis un an, la situation économique et sociale n’a fait qu’empirer en un an s’illustrant par une dépréciation historique de la monnaie nationale.
A cela s’ajoutent des dizaines de milliers de licenciements et des coupes salariales. Désormais la moitié de la population vivant dans la pauvreté.
La crise est exacerbée par les retombées de l’explosion du port de Beyrouth, qui a détruit ce dernier, tué plus de 200 personnes et blessé des milliers. Des quartiers proches de la zone du port ont été ravagés ou fortement endommagés.
Le gouvernement actuel de Hassan Diab a démissionné dans la foulée de cette tragédie.
Au lendemain du drame du à l’explosion d’une énorme quantité de nitrate d’ammonium stockée étrangement sans mesures de précaution et aux origines encore non élucidées, le président français Emmanuel Macron est venu en personne au Liban, et proposé une initiative de sortie de crise.
Lors de sa première visite, il a adopté un ton réconciliant avec le Hezbollah, invitant pour la première fois le chef de son bloc parlementaire Mohamad Raad à sa rencontre avec les représentants des principales forces politiques au Liban.
Par la suite, M. Hariri s’est porté candidat au poste de Premier ministre, après avoir longtemps refusé de le faire, et a tenté d’imposer sa version de l’initiative française sur la formation d’un cabinet ministériel formé d’experts non partisans. Ce que le tandem chiite a rejeté catégoriquement. Infligeant un revers à sa démarche.
Et lorsque le président français est venu une deuxième fois, fin septembre, il s’en est pris aux différentes forces politiques libanaises, leur incombant la responsabilité de l’échec, tout en prenant à parti le Hezbollah, nommément et spécifiquement.
« Plus on tarde, plus le bateau coule. Si le Liban ne mène pas les réformes qu’il convient de mener, alors c’est le pays lui-même qui risque la dislocation », a averti mercredi 21 octobre le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian.
En mai, le gouvernement Diab avait entamé des négociations avec le Fonds monétaire international, en vue d’un plan de sauvetage d’environ 10 milliards de dollars. Depuis ce processus est totalement au point mort.
Lors d’une récente rencontre, le bloc parlementaire du Hezbollah a assuré qu’il n’est pas question pour lui de donner son accord préliminaire à ses conditions. Craignant surtout celles préconisant la privatisation du secteur public et la mainmise sur les biens de l’Etat.
Source: Divers