Le président syrien a critiqué la politique française sur la Syrie qualifiant l’Etat français « d’aveugle » car il ne sait pas ce qui se passe réellement en Syrie.
« La France n’a pas d’ambassade en Syrie et les Français ne nouent aucune relation avec la Syrie. Donc, on peut dire que l’Etat français est aveugle et qu’il lui est donc impossible de mettre au point une politique à l’égard d’une région donnée sans voir ce qui s’y déroule”, a-t-il précisé lors d’un entretien accordé à des médias français, en l’occurrence la radio France Info et la chaîne LCP.
Selon lui, les médias principaux français et dans la plupart des pays occidentaux ont échoué dans leur couverture du conflit syrien, raison pour laquelle estime-t-il, les français feraient mieux de consulter les médias alternatifs, « pour au moins interdire aux hommes politiques de se baser dans leurs politiques sur des mensonges »
Avant son entretien, le président syrien avait accueilli une délégation parlementraire française présidée par Thierry Mariani, qui a ouvertement critiqué la couverture des médias français et occidentaux des évènements syriens.
Il s’est plaint devant eux de la politique de la France: » la politique actuelle de Paris est tout à fait déconnectée de la réalité de la guerre en Syrie. Elle a contribué à enflammer la situation à travers son soutien aux réseaux terroristes qui menacent non seulement les peuples de la région, mais également les peuples des pays occidentaux », leur a-t-il dit signifié.
Pour les médias français, le président syrien s’est dit déterminé à libérer « chaque pouce du territoire » de son pays, assurant avoir « la légitimité » et « le soutien populaire » pour mener à bien ces objectifs.
« Nous avons la légitimité pour libérer n’importe quelle zone contrôlée par les terroristes, quel que soit le nom qu’ils se donnent. Qu’ils s’appellent Daesh (Etat islamique), qu’ils s’appellent Al Nosra (branche syrienne d’Al Qaïda, ndlr), qu’ils se disent modérés ou bien Casques blancs (sauveteurs civils, ndlr), nous n’avons rien à faire des noms », a souligné le président syrien sur la radio privée RTL.
Damas qualifie de « terroristes » tous les opposants à son régime qui ont pris les armes pour renverser le pouvoir central.
Le numéro un syrien a affirmé que son pouvoir était « sur le chemin de la victoire », après la reconquête d’Alep, la deuxième ville syrienne, reprise entièrement fin décembre.
« C’est un moment critique dans cette guerre, et nous sommes sur le chemin de la victoire ». Mais « nous ne considérons pas cela comme une victoire car une victoire ce sera quand nous aurons éliminé tous les terroristes », a ajouté le président syrien, qui s’exprimait en anglais.
« Nous avons pour mission constitutionnelle de libérer chaque centimètre carré du territoire syrien, ça n’est même pas discutable », a déclaré M. Assad.
Toutes les guerres sont mauvaises
Interrogé sur les crimes de guerre attribués à son pouvoir , le président syrien a répondu: « si on avait fait des choses pareilles, nous n’aurions pas eu de soutien, je ne serais plus président, le gouvernement ne serait plus là. Nous avons pu résister durant toute la guerre parce que nous avons le soutien populaire. Et vous ne pouvez pas avoir le soutien populaire, si vous tuez vos propres citoyens. Donc toute cette histoire ne tient pas debout ».
« Bien entendu c’est très douloureux pour nous, Syriens, de voir une partie de notre pays détruite, et de voir un bain de sang » mais « je n’ai jamais entendu parler, dans l’histoire, d’une bonne guerre (…) Toutes les guerres sont mauvaises », a souligné le chef de l’Etat syrien.
« La question c’est comment libérer les civils des terroristes », a-t-il poursuivi.
« Est-ce que c’est mieux de les laisser sous leur pouvoir, avec les décapitations, les exécutions ?(…) Non, il faut les libérer(…) et c’est le prix à payer parfois », a conclu Bachar al-Assad.
Parti d’un mouvement de contestation qui réclamait des réformes en mars 2011, la rébellion syrienne s’est rapidement militarisée, sur l’instigation des pays du Golfe, de la Turquie et des puissances occidentales. Elle a aussi vite pris une tournure islamiste radicale, en accueillant le front al-Nosra, branche d’Al-Qaïda en Syrie, lequel s’est par la suite divisé en deux, avec la séparation de Daesh.
Plusieurs fois, les responsables syriens ont expliqué l’hostilité de certaines puisances régionales et nternationales contre leur pays car celui-ci est engagé dans l’axe de la Résistance, et pour des raisons d’ordre économique.
A la question de savoir s’il acceptait de quitter le pouvoir, il a répondu que cela dépendait de la volonté du peuple syrien et des termes de la Constitution.
« La Constitution n’est pas la propriété du gouvernement, du président ou de l’opposition. Elle doit appartenir au peuple syrien, donc vous avez besoin d’un référendum pour n’importe quelle Constitution », a-t-il précisé. Assurant en même être disposé à tout négocier lors des discussion d’Astana.
Une trêve, globalement respectée, a été décrétée le 30 décembre en Syrie. Elle doit ouvrir la voie à des négociations de paix prévues fin janvier à Astana au Kazakhstan.
L’intégralité de l’interview du président syrien Bachar al-Assad, traduite par l’agence syrienne Sana.
Le président Bachar al-Assad a affirmé que tout dans le monde et à tous les niveaux locaux, régionaux et internationaux, change actuellement vis-à-vis de la Syrie, disant : “Notre mission, conformément à la constitution et aux lois, est de libérer chaque pouce du territoire syrien”.
Dans une déclaration qu’il a donnée à un certain nombre de médias français, le président al-Assad a émis l’espoir que toute délégation qui visite la Syrie constate la réalité de ce qui s’y était passé et de ce qui s’y déroule depuis le début de la guerre il y a six ans.
L’Etat français aveugle
Le président al-Assad a fait savoir que la France n’a pas d’ambassade en Syrie et que les Français ne nouent aucune relation avec la Syrie. “Donc, on peut dire que l’Etat français est aveugle et qu’il est impossible de mettre au point une politique à l’égard d’une région donnée sans voir ce qui s’y déroule”, a-t-il précisé.
Le président al-Assad a insisté sur l’importance de la visite des délégations en Syrie pour être les yeux de leurs Etats, assurant que tout dans le monde et à tous les niveaux locaux, régionaux et internationaux, change actuellement vis-à-vis de la Syrie.
“Jusqu’à présent l’administration française n’a pas changé sa position à l’égard de la Syrie et parlent toujours du même langage ancien qui n’a rien à voir avec notre réalité”, a-t-il dit, émettant l’espoir qu’il y a à l’Etat français des personnes qui veulent écouter les délégations qui visitent la Syrie.
A propos de la destruction qui a eu lieu dans la ville d’Alep, le président al-Assad a fait noter : “Nous, en tant que Syriens, nous regrettons de voir la destruction de n’importe quelle partie de notre pays. Mais pour moi en tant que président ou que responsable, la question est comment peut-on reconstruire nos villes ?”.
Et le président al-Assad de poursuivre : “Il n’y a pas de bonne guerre même si elle était pour des raisons nobles ou pour la défense de la Patrie. La guerre reste toujours mauvaise et ne constitue point une solution s’il y a toute autre solution. La question est la suivante : comment peut-on libérer les civils dans ces zones des terroristes ? Est-ce qu’il vaut mieux les laisser sous leur contrôle et leur oppression et les laisser à un sort qui sera déterminé par les terroristes par le biais de la décapitation et du meurtre à l’ombre de la absence de l’Etat ? Est-ce qui c’est ça le rôle de l’Etat de s’asseoir et d’observer ? Il faut les libérer, c’est ça le prix parfois, mais enfin tous les gens seront libérés des terroristes. La question qui se pose actuellement est de savoir si ces gens ont-ils été libérés ou pas ? Si la réponse est oui, donc c’est ça ce que nous devons faire”.
Pourquoi Wadi Barada
A la question de savoir pourquoi l’armée syrienne combat à proximité de Damas dans la zone de la vallée de Wadi Barada bien qu’un accord de cessez-le-feu ait été conclu le 30 décembre, le président al-Assad a fait savoir que le cessez-le-feu dépend de différentes parties et que le cessez-le-feu sera vivable lorsque toutes les parties arrêtent les combats. “Ceci n’est pas arrivé dans plusieurs zones en Syrie. Il y a des violations quotidiennes du cessez-le-feu en Syrie, dont Damas où les terroristes occupent sa source principale d’eaux et privent plus de cinq millions civils des eaux depuis trois semaines. Le rôle de l’armée syrienne est de libérer cette zone pour interdire aux terroristes d’utiliser les eaux en vue d’étouffer la capitale. C’est ça la raison”, a-t-il précisé.
Et le président al-Assad d’ajouter : “Le cessez-le-feu n’englobe pas “Nosra” ni “Daech”. La zone où nous combattons pour la libérer et qui englobe les sources hydriques de la capitale de Damas, est occupée par “Nosra” qui a officiellement proclamé son occupation de cette zone, c’est pourquoi il ne fait pas partie du cessez-le-feu”.
Quant à la date de la libération de Raqqa, le président al-Assad a indiqué que cette question est militaire et dépend de la planification militaire et des priorités militaires. “Mais, nationalement, il n’y a pas de priorités, parce que toute pouce de la Syrie est un territoire syrien et doit être sous le contrôle du gouvernement”, a assuré le président al-Assad.
L’opposition a-t-elle une base populaire?
Questionné sur la disposition à négocier directement avec les groupes opposants lors des pourparlers d’Astana, prévus à la fin du mois en cours, pour réinstaurer la paix en Syrie, le président al-Assad a répondu : “Certainement, nous y disposons. Nous sommes prêts à négocier toutes les questions. Tout est permis lorsqu’on parle des négociations sur l’arrêt du conflit en Syrie ou sur l’avenir de la Syrie. Il n’y a pas de limites à ces négociations. Mais, on ne sait pas jusqu’à présent qu’elle sera l’autre partie. Est-ce qu’il y aura une opposition syrienne réelle qui a des bases populaires en Syrie ? Il faut qu’il y ait une opposition syrienne pour examiner les questions syriennes, car le succès de cette conférence dépend de ce point”.
Le président al-Assad a ajouté qu’il est disposé à débattre son poste en tant que président, “mais ce poste dépend de la constitution qui est très claire à propos du mécanisme via lequel le président accède au pouvoir ou le quitte. S’ils veulent débattre ce point, il leur faut débattre la constitution dont le gouvernement, le président ou l’opposition ne disposent pas. C’est le peuple syrien qui doit disposer de la constitution, c’est pourquoi il faut qu’il y ait un référendum sur toute constitution. On peut examiner ce point lors de la réunion. Mais, ils ne peuvent pas dire “on veut ce président ou pas”, car le président accède au pouvoir par le biais des urnes et s’ils ne le veulent pas, on doit aller aux urnes. Tout le peuple syrien doit choisir son président, non pas uniquement une partie du peuple syrien”.
Concernant le sort des combattants de l’opposition dans ces négociations, le président al-Assad a souligné que partant de ce qu’on avait exécuté pendant les trois dernières années et de notre souhait d’instaurer la paix en Syrie, le gouvernement a accordé une amnistie à tout homme armé qui dépose son arme, assurant que ceci avait réussi et que le choix reste toujours disponible pour eux s’ils veulent revenir à la vie normale.
L’administration française doit voire la réalité
A la question de savoir quel est son candidat préféré à la présidentielle française, le président al-Assad a dit :”Nous n’avons aucun contact avec eux et nous ne pouvons pas s’appuyer beaucoup sur les déclarations et les discours qu’ils font pendant leurs campagnes électorales. Il faut attendre pour voir la politique qu’ils adopteront après leur accès au pouvoir. Mais, nous espérons toujours que la prochaine administration aura le désir de traiter avec la réalité et de se mettre à l’écart des politiques qui n’ont rien à voir avec notre réalité. Nous espérons qu’ils œuvreront pour l’intérêt du peuple français”.
Questionné sur François Fillon, un des candidats à la présidentielle, qui veut renouer le dialogue avec la Syrie, le président al-Assad a favorablement accueilli le discours de M. Fillon sur le fait d’accorder la priorité à la lutte antiterroriste et de ne pas intervenir dans les affaires internes des autres pays, soulignant la nécessité d’être vigilant car de nombreux responsables disent quelque chose et font le contraire. “Je ne dis pas que M. Fillon fera ça, j’espère qu’il ne le fera point. Mais, il faut attendre pour voir, car il n’y a aucun contact jusqu’à présent et s’il exécute ce qu’il dit, ceci sera très bien”, a-t-il fait noter.
S’adressant aux politiciens français, le président al-Assad a dit : “Vous devez œuvrer au profit des citoyens français. Pendant les six années passées, la situation va dans le sens inverse, car la politique française a nui aux intérêts français “.
Les médias ont échoué
Et le président al-Assad de poursuivre : “Je voudrais dire au peuple français que les médias principaux ont échoué dans la majorité des pays occidentaux et que la réalité contredit leurs histoires. Il y a des médias alternatifs par le biais desquels tout citoyen français peut trouver la réalité. Ainsi, ils pourront être plus efficaces dans leur comportement avec leur gouvernement ou au moins ils pourront interdire à certains politiciens de se baser dans leurs politiques sur des mensonges”.
A la question de savoir s’il abandonnerait un jour le poste du président, le président al-Assad a répondu : “Oui, si je sens que le peuple syrien ne veut plus de moi, je ne serai plus président. Donc la question ne dépend pas de moi d’une manière principale, mais du peuple syrien s’il me veut ou pas”.
En outre, le président al-Assad a qualifié de “très prometteuse” la déclaration de Donald Trump sur l’amélioration des relations entre les Etats-Unis et la Russie, laquelle se reflètera positivement sur tout problème dans le monde, dont le conflit syrien.
Sources: Sana, AFP