Le nouveau Premier ministre Boris Johnson réunit jeudi les poids lourds de son gouvernement, fraîchement nommés, première étape de sa bataille pour résoudre le casse-tête du Brexit, une crise de trois ans qu’il compte régler en trois mois.
Après sa première nuit à Downing Street, M. Johnson réunit son premier conseil des ministres dans la matinée. Il s’est débarrassé d’une bonne partie de l’équipe de Theresa May, nommant aux postes clés de fervents eurosceptiques comme Dominic Raab, 45 ans, qui a hérité de la diplomatie britannique, ou Priti Patel, 47 ans, nouvelle ministre de l’Intérieur.
Parmi les ministres rescapés, Steve Barclay reste aux manettes du Brexit.
Fidèle à son style fougueux, Boris Johnson a promis de « sortir de l’UE le 31 octobre, sans conditions », lors de son premier discours devant Downing Street mercredi.
Cette nouvelle date butoir a été fixée après deux reports du Brexit, initialement prévu le 29 mars mais repoussé en raison du rejet par les députés de l’accord de divorce conclu par Theresa May avec Bruxelles.
Se moquant des opposants au Brexit, qualifiés de « rabat-joie » et de « pessimistes », Boris Johnson a répété qu’il était prêt à une sortie sans accord, se montrant déterminé à répondre à la frustration des 52% de Britanniques qui ont voté pour le Brexit en juin 2016 mais n’ont rien vu venir.
Il assure qu’il peut obtenir un « meilleur accord » que celui négocié par Theresa May, sans la disposition controversée du « filet de sécurité », solution de dernier recours destinée à éviter le retour de contrôles à la frontière entre la province britannique d’Irlande du Nord et sa voisine la République d’Irlande après le Brexit.
« La barre haut »
Notant dans une tribune au quotidien de gauche The Guardian que Boris Johnson « met la barre extrêmement haut », Anand Menon, professeur de politique européenne au King’s College de Londres, juge « difficile de voir, cependant, comme comment il peut atteindre ses prétentions ». « Et pratiquement impossible de voir comment il peut le faire dans les délais qu’il a fixés », ajoute-t-il.
Car l’échéance du Brexit est dans moins d’une centaine de jours et Boris Johnson a exclu tout nouveau report.
« Suggérer qu’il puisse y avoir un tout nouvel accord, négocié en quelques semaines ou mois n’est absolument pas réaliste », a réagi mercredi le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, attendant de voir si M. Johnson « peut fournir
quelques détails derrière certains de ses slogans ».
« J’ai hâte que l’on se rencontre afin de discuter – en détail – de notre coopération », a plus sobrement écrit Donald Tusk, qui chapeaute encore pour quelques mois le Conseil européen, l’institution regroupant les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, dans une courte missive adressée à M. Johnson.
Si Boris Johnson est très populaire parmi les membres du Parti conservateur qui l’ont élu à 66%, le chef du gouvernement britannique divise dans le reste de l’opinion publique.
Appel à des législatives anticipées
Estimant qu’il n’est pas légitime pour représenter les Britanniques, Jeremy Corbyn, le chef du Labour, principal parti d’opposition, appelle à une manifestation jeudi soir pour demander la tenue d’élections législatives anticipées.
Bien qu’il ne dispose que d’une majorité de deux voix au Parlement, grâce à l’appui des dix députés du petit parti unioniste nord-irlandais DUP, il est peu probable que Boris Johnson convoque ces élections.
John Curtice, professeur en politique à l’université de Strathclyde, estime que ce serait une « terrible erreur pour les Tories » dans une analyse publiée sur le site du quotidien conservateur The Telegraph.
Le Parti conservateur n’atteint qu’à peine 25% des intentions de vote selon de récents sondages, souligne-t-il, rappelant aussi qu’aux élections européennes, les électeurs ont plébiscité le Parti du Brexit de Nigel Farage, arrivé grand premier, suivi des europhiles du Parti libéral-démocrate.
« Peut-être que si M. Johnson tient sa promesse de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne avant le 31 octobre », il pourra affronter le verdict des urnes. « Mais il reste à savoir comment faire voter le Brexit à la Chambre des communes ».
Source: AFP