L’atelier ‘De la paix à la prospérité’, qui s’est tenu les 25 et 26 juin à Manama, n’est que la dernière d’une longue série de propositions impossibles.
Le soi-disant « Accord du siècle » de Donald Trump, qui offre aux Palestiniens des pots-de-vin économiques en échange d’une soumission politique, est le but ultime du processus de paix de l’Occident, dont l’objectif réel est l’échec et non le succès.
Pendant des décennies, les plans de paix ont imposé des exigences impossibles aux Palestiniens, les forçant à rejeter les termes de l’offre et créant ainsi un prétexte pour qu’Israël s’empare toujours davantage des territoires de la Palestine.
Plus les Palestiniens ont fait des compromis, plus l’horizon de la solution diplomatique s’est éloigné – au point que l’administration Trump s’attend maintenant à ce qu’ils renoncent à tout espoir d’État palestinien ou de droit à l’autodétermination.
Même Jared Kushner, le gendre de Trump et l’architecte du plan de paix, ne croit pas sérieusement que les Palestiniens se laisseront acheter par leur part des 50 milliards de dollars qu’il espérait recueillir au Bahreïn la semaine dernière.
C’est pourquoi les dirigeants palestiniens sont restés à l’écart, refusant toute participation à ce processus considéré à raison comme un simulacre, une vaste supercherie.
Mais les responsables du marketing d’Israël ont depuis longtemps inventé un slogan pour masquer leur politique de dépossession progressive déguisée en processus de paix : « Les Palestiniens ne ratent jamais une occasion de rater une occasion. »
Il vaut la peine d’examiner en quoi consistaient réellement ces « occasions manquées » de parvenir à une « paix juste au Proche-Orient ».
La première fut le Plan de partition des Nations Unies à la fin de l’année 1947. Selon Israël, c’est l’intransigeance palestinienne quant à la division de la terre en États juifs et arabes séparés qui a déclenché la guerre, conduisant à la création d’un État juif sur les ruines de la plupart du territoire palestinien.
Mais la vraie histoire est plutôt différente.
L’ONU récemment formée était effectivement sous la coupe des puissances impériales de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de l’Union Soviétique. Tous trois voulaient voir l’établissement d’un État juif comme allié dépendant au Moyen-Orient dominé par les Arabes.
Alimenté par les braises mourantes du colonialisme occidental, le plan de partage offrait la plus grande partie de la patrie palestinienne à une population minoritaire de Juifs européens, dont l’immigration récente avait été effectivement parrainée par l’empire britannique.
Alors que les peuples autochtones d’autres pays se voyaient offrir l’indépendance, les Palestiniens se virent sommés de remettre 56 % de leurs terres à ces nouveaux arrivants. Il n’y avait aucune chance pour que de telles conditions soient acceptées.
Cependant, comme l’ont fait remarquer les historiens israéliens, les dirigeants sionistes n’avaient pas non plus l’intention de respecter le plan de partition de l’ONU. David Ben Gourion, le père fondateur d’Israël, a qualifié l’Etat juif proposé par l’ONU de « minuscule ». Il a averti que celui-ci ne pourrait jamais accueillir les millions d’immigrants juifs qu’il devait attirer pour que son nouvel État ne devienne pas rapidement un État arabe en raison du taux de natalité palestinien plus élevé.
Ben Gourion voulait que les Palestiniens rejettent le plan de partition, afin qu’il puisse utiliser la guerre comme une chance de s’emparer de 78% de la Palestine et de chasser la majeure partie de la population autochtone.
Pendant des décennies, Israël a eu tout le loisir de se retrancher sur ce territoire conquis par la force et d’y renforcer sa mainmise, puis, après 1967, d’étendre son emprise sur la Palestine historique en déclenchant une nouvelle guerre contre ses voisins.
En fait, c’est le dirigeant palestinien Yasser Arafat qui a fait les plus grandes concessions à la paix, sans réciprocité ni contrepartie. En 1988, il a reconnu Israël, et plus tard, avec les accords d’Oslo de 1993, il a accepté le principe de la partition dans des conditions encore plus lugubres que celles de l’ONU – un « État » sur seulement 22 % de la Palestine historique. Malgré cela, le processus d’Oslo n’avait plus aucune chance sérieuse de succès après qu’Israël ait refusé de se retirer des territoires occupés, en violation de ses engagements.
Enfin, en 2000, le Président Bill Clinton a convoqué Arafat et le Premier ministre israélien Ehud Barak à un sommet de paix à Camp David. Arafat savait qu’Israël n’était pas disposé à faire le moindre compromis significatif et avait dû être intimidé et cajolé pour accepter d’y assister. Clinton a promis au dirigeant palestinien qu’il ne serait pas tenu pour responsable si les pourparlers échouaient.
Israël a veillé à ce qu’ils échouent. Selon ses propres conseillers, Barak a « fait capoter » les négociations, insistant pour qu’Israël maintienne l’occupation de Jérusalem-Est qui serait annexée, y compris la mosquée Al-Aqsa, ainsi que de grandes parties de la Cisjordanie. Washington blâma Arafat malgré tout, et refaçonna l’intransigeance israélienne en la décrivant comme une « offre généreuse ».
Peu de temps après, en 2002, l’Initiative de paix de l’Arabie Saoudite a offert à Israël des relations normales avec le monde arabe en échange d’un État palestinien minimal. Israël et les dirigeants occidentaux l’ont précipitamment jetée dans les poubelles de l’histoire.
Après la mort d’Arafat, les pourparlers secrets en 2008-2009 – révélés dans les fuites des Palestine Papers – ont montré que les Palestiniens faisaient des concessions sans précédent. Il s’agissait notamment d’autoriser Israël à annexer de vastes étendues de Jérusalem-Est, la capitale attendue des Palestiniens.
Le négociateur Saeb Erekat a dit devant les caméras qu’il avait accepté « la plus grande [Jérusalem] de l’histoire juive », ainsi que le retour d’un « nombre symbolique de réfugiés[palestiniens] [et un] Etat démilitarisé… Que puis-je concéder de plus ? »
C’était une bonne question. Tzipi Livni, la négociatrice d’Israël, a répondu : « J’apprécie vraiment »quand elle a vu tout ce que les Palestiniens avaient concédé. Mais sa délégation s’est quand même retirée.
Le plan de Trump, voué à l’échec, marche sur les traces d’un tel « processus de paix ».
Dans un commentaire paru la semaine dernière dans le New York Times, Danny Danon, l’ambassadeur d’Israël auprès de l’ONU, a résumé avec franchise les grandes lignes de cette approche diplomatique qui dure depuis des décennies. Il a appelé les Palestiniens à « se rendre », en ajoutant ceci : « La capitulation est la reconnaissance que dans ce match, continuer à lutter coûtera plus cher que de déclarer forfait. »
Le processus de paix a toujours conduit à ce moment. Trump a simplement coupé à travers les évasions et les équivoques du passé pour révéler clairement où se situent vraiment les priorités de l’Occident.
Il est difficile de croire que Trump ou Kushner aient cru que les Palestiniens accepteraient une promesse d’argent pour se tenir tranquilles à la place d’un État fondé sur l’équation de « la terre contre la paix ».
Une fois de plus, l’Occident tente d’imposer aux Palestiniens un accord de paix inéquitable. La seule certitude, c’est que les Palestiniens le rejetteront – c’est la seule question sur laquelle les dirigeants du Fatah et du Hamas sont unis. Ainsi, et c’est le but, ils pourront encore être présentés comme l’obstacle à tout progrès sur la voie de la résolution du conflit.
Les Palestiniens ont peut-être refusé de tomber dans le piège cette fois-ci, mais quoi qu’il arrive, ils seront le dindon de la farce.
Lorsque le plan de Trump s’effondrera, ce qui est inévitable, Washington saisira l’opportunité et exploitera ce prétendu rejet palestinien pour justifier l’approbation de l’annexion par Israël de tranches supplémentaires des territoires occupés.
Les Palestiniens se retrouveront avec une patrie disloquée. Pas d’autodétermination, pas d’État viable, pas d’économie indépendante, juste une série de ghettos tributaires de l’aide internationale. Et des décennies de « diplomatie » occidentale seront enfin arrivées à destination.
Par Jonathan Cook
Source: le cri des peuples