L’ancien président égyptien Mohamed Morsi a été enterré mardi au Caire en toute discrétion, après s’être effondré la veille au tribunal et environ six ans de détention.
Des organisations de défense des droits humains comme Amnesty International ont demandé une enquête sur la mort de Mohamed Morsi, 67 ans, emprisonné par les autorités depuis sa destitution en juillet 2013 Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’armée à l’époque et actuellement président d’Egypte.
Issu de la confrérie interdite des Frères musulmans, Mohamed Morsi « a été enterré le matin à Medinat Nasr, dans l’est du Caire, en présence de sa famille », a indiqué à l’AFP l’un de ses avocats, Abdelmoneim Abdel Maksoud. « La prière funèbre a été faite à l’hôpital de la prison de Tora ».
Premier président démocratiquement élu en Egypte après le Printemps arabe de 2011 qui avait poussé au départ l’ancien chef de l’Etat Hosni Moubarak après 30 ans de pouvoir, Mohamed Morsi avait été destitué après une vague de manifestations et faisait depuis face à des poursuites dans plusieurs affaires.
C’est lors d’une audience lundi au complexe pénitentiaire de Tora au Caire, qu’il s’est effondré.
« Le tribunal lui a accordé le droit de parler pendant cinq minutes. Il est tombé sur le sol dans la cage des accusés et a été immédiatement transporté à l’hôpital » où il est décédé, a indiqué le parquet général. « Il est arrivé à l’hôpital et il n’y avait pas de nouvelles blessures visibles sur le corps ».
Selon la télévision d’Etat, il est mort « à cause d’un arrêt cardiaque ». Sa famille a confirmé sa mort mais sans en donner la cause.
« Nous n’avons même pas pu le voir au tribunal à cause des parois de verre blindé (du box) insonorisé. Mais d’autres détenus nous ont fait signe qu’il n’avait plus de pouls », a raconté à l’AFP l’un de ses avocats, Me Maksoud.
« Je l’ai vu emporté sur une civière dans le complexe judiciaire » de la prison de Tora, a-t-il ajouté, précisant que ni lui ni la famille du président ne savaient vers quel hôpital il avait été transporté.
Dans un message posté sur Facebook, Ahmed, le fils de M. Morsi a confirmé la mort du président déchu.
« Le tuer à petit feu »
Le Parti de la liberté et de la justice de M. Morsi, bras politique des Frères musulmans, a parlé d’un « assassinat », dénonçant dans un communiqué de mauvaises conditions de détention dont « le but était de le tuer à petit feu ».
En mars 2018, une commission britannique indépendante avait condamné son maintien à l’isolement 23 heures par jour, dans des conditions de détention pouvant « relever de la torture ou du traitement cruel, inhumain ou dégradant ».
« Le refus d’un traitement médical de base auquel il a droit pourrait entraîner sa mort prématurée », avait déclaré devant le Parlement britannique le député Crispin Blunt, président de cette commission.
Le chef de l’Etat turc Recep Tayyip Erdogan, allié de l’ancien président, lui a rendu hommage en le qualifiant de « martyr ». L’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a exprimé « sa profonde tristesse ».
Le mouvement palestinien Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, s’est déclaré en deuil.
Répression sans merci
Dans un communiqué, l’ONG Amnesty International a demandé aux autorités une « enquête immédiate » sur la mort de M. Morsi, qualifiée de « profondément choquante ».
L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a également réagi. Sa directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Sarah Leah Whitson, a dénoncé sur Twitter « l’échec du gouvernement à lui accorder des soins médicaux adéquats, encore moins des visites de sa famille ».
M.Morsi était emprisonné depuis sa destitution par l’armée. Il avait été jugé par la suite dans plusieurs affaires dont un dossier d’espionnage au profit de l’Iran, du Qatar et de groupes comme le Hamas à Gaza.
Il avait été condamné à un total de 45 ans de prison dans deux affaires, incitation à la violence contre des manifestants fin 2012 et espionnage au profit du Qatar. Il était aussi jugé dans deux autres procès après l’annulation de deux verdicts prononcés contre lui – une condamnation à mort et une réclusion à perpétuité.
Depuis sa destitution, son tombeur et ancien ministre de la Défense Abdel Fattah al-Sissi a mené une répression sans merci contre l’opposition islamiste et en particulier les Frères musulmans, dont des milliers de membres ont été emprisonnés. Plusieurs d’entre eux sont décédés en détention.
Après la destitution de Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1.400 manifestants pro-Morsi en quelques mois. Des centaines ont été condamnés à mort, dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l’ONU de « sans précédent dans l’Histoire récente ».
Source: Avec AFP