Le théâtre des opérations ou le front d’une éventuelle guerre américaine contre la République Islamique d’Iran est tellement étendu et complexe que toute option militaire sérieuse exigera la mobilisation totale de l’ensemble des ressources des États-Unis et de leurs alliés comme lors de la seconde guerre mondiale (1939-1945).
Cette option risque de paralyser les approvisionnements mondiaux en hydrocarbures et de causer une hausse des prix du brut infiniment plus importante que celle du choc pétrolier de 1973.
Autre conséquence fort hasardeuse : Israël sera au centre d’une éventuelle guerre étendue de la mer d’Oman jusqu’en Méditerranée orientale.
En cas d’une éventuelle attaque US massive contre l’Iran, la République Arabe de Syrie et le mouvement politico-militaire libanais du Hezbollah seraient automatiquement aux prises avec Israël et cet affrontement ne se limitera pas à l’aspect balistique mais verra certainement l’intrusion d’unités militaires libano-syriennes en Galilée et une perte de territoire pour les israéliens.
Les médias ont passé sous silence un discours très important du Secrétaire général du Hezbollah libanais où il évoquait les capacités des unités militaires du Hezbollah à investir et occuper le terrain au nord d’Israël. Un mouvement de contournement du lac Tiberiade couplée avec une offensive de diversion au Golan n’est plus une vue de l’esprit. Le Hezbollah a acquis assez d’expérience dans la guerre en Syrie pour pouvoir avoir un avantage décisif au sol face à l’Armée israélienne dans un conflit futur.
Israël ne sera pas seul et il n’a jamais été seul dans ses guerres passées. Mais ce qui change cette fois est la multiplicité des fronts ouverts : une assistance US devra assurer la sécurité du flanc méridional du Royaume d’Arabie Saoudite contre les Houthis tout en protégeant ses bases et celles de ses alliés (France, Grande-Bretagne) aux Émirats Arabes Unis ou encore celle d’Al-Udaid au Qatar où sont déployés des bombardiers stratégiques lourds B-52H et des chasseurs F-35.
Pris en étau entre les bases US (forces spéciales, drones, opérations hybrides et guérilla par proxy) en Irak et en Afghanistan, l’Iran peut compter sur son impressionnant arsenal de missiles balistiques pour contrer une éventuelle attaque. Les missiles iraniens seraient particulièrement efficaces dans le détroit d’Hormuz mais sont capables d’atteindre l’ensemble des sites militaires ou stratégiques en Israël, en Arabie Saoudite et jusqu’à Chypre où se trouve une base militaire britannique fort importante.
En parallèle, la Syrie et le Hezbollah pourraient continuer le combat qu’ils mènent avec acharnement contre les alliés objectifs d’Israël depuis des années en Syrie à l’intérieur du territoire israélien. Une éventuelle incursion des forces du Hezbollah en Galilée serait une victoire symbolique totale pour l’axe de la résistance (Damas-Téhéran-Hezbollah) et par conséquent un risque trop élevé pour Tel-Aviv dont l’image d’invincibilité qu’il s’est efforcé de bâtir à coups de centaines de millions de dollars US de marketing ne cesse de se dégrader depuis le retrait militaire israélien humiliant du Liban-Sud en 2000 puis la guerre de juillet 2006 durant laquelle le mythe du char de bataille lourd Merkava vola en éclats. La guerre en Syrie a encore modifié les rapports de force au Moyen-Orient et profondément altéré l’équilibre stratégique pré-existant au début du conflit en 2011. La suprématie stratégique israélienne n’est plus.
Une attaque US limitée contre des objectifs iraniens n’auraient aucun résultat ni le moindre impact. Sauf si Washington mobilise toutes ses ressources pour peser de tout son poids dans un conflit suceptible de se transformer en une guerre mondiale généralisée.
La posture de l’Irak, voisin occidental de l’Iran et passage obligé du couloir stratégique reliant ce pays à la Syrie, demeure assez ambiguë. Si des factions irakiennes sont disposées à adhérer au combat de Téhéran, le Kurdistan irakien servira comme d’habitude à coup sûr de base-arrière à des opérations de déstabilisation US.
Ce qui demeure très dangereux dans ce genre de confrontation est la mainmise de l’émotionnel et de l’irrationnel. Une perte d’un porte-avion US pourrait avoir un impact psychologique dévastateur sur certaines élites US croyant aveuglément en la supériorité militaire absolue de leurs Armées et cela les conduira à opter promptement pour l’option nucléaire tactique puis stratégique.
Le talon d’Achille de l’Iran demeure son aviation mais cette faiblesse est compensée par sa force de frappe balistique et ses essaims de patrouilleurs maritimes de sa marine de guerre côtière asymétrique. Cependant, le principal élément déterminant sera le degré de cohésion interne en Iran.
Les exemples historiques démontrent à postériori que Washington n’a jamais attaqué un pays sans y avoir préalablement acheté ou corrompu 70 % de son commandement militaire et politique.
Source: Strategika51