La croissance économique bouillonnante dont s’enorgueillit Donald Trump a aussi un coût: les emprunts de l’Etat fédéral pour se financer n’ont jamais été aussi massifs depuis la récession.
Le Trésor américain a divulgué cette semaine un volume d’émission de dette record pour le dernier trimestre de 2018: 425 milliards de dollars.
Ce sont au total 1.338 milliards de dollars de fonds qui vont être levés sur un an, un sommet depuis 2010.
L’orthodoxie économique commande de rembourser la dette quand l’économie va bien –dans le cas des Etats-Unis elle tourne à plein régime–, mais l’administration Trump emprunte autant que celle de Barack Obama quand il s’agissait d’arracher le pays à la pire récession depuis les années 30.
Le président a drastiquement réduit les impôts en particulier pour les entreprises et augmenté les dépenses (surtout de défense) ce qui creuse le déficit budgétaire.
Celui-ci a enflé de 17% pour l’exercice fiscal clos en septembre à 779 milliards de dollars. Il va avoisiner les 1.000 milliards l’année prochaine.
Le montant total de la dette de l’Etat égale désormais celui du Produit national brut de la première économie mondiale, à plus de 20.000 milliards de dollars.
Lors d’une réunion mercredi du Comité consultatif des opérations d’emprunts, le Trésor a expliqué que si les recettes des impôts sur le revenu avaient augmenté dans les caisses du ministère du fait de la croissance économique, ces gains avaient « largement été effacés par une chute des recettes provenant des entreprises ».
L’impôt des sociétés collecté par l’Etat est passé de 297 milliards de dollars en 2017 à 205 milliards en 2018 (-31%). Dans le même temps, les dépenses budgétaires totales ont grimpé de 5% à 4.198 milliards de dollars.
Le vieillissement de la population qui fait gonfler les dépenses de retraite et de santé, la hausse des investissements dans la défense (+36 milliards) et aussi la recrudescence de catastrophes naturelles (18 milliards d’aide) expliquent ce gonflement des dépenses.
Les intérêts plus chers
Mais le plus gros déboursement supplémentaire vient de la dette elle-même et de la hausse des taux d’intérêt. A cause de la montée du rendement sur les bons du Trésor, l’Etat a dû allonger 83 milliards de dollars supplémentaires pour suivre l’augmentation du service de la dette.
On comprend mieux l’ire du président Trump qui n’a de cesse de reprocher à la banque centrale ses hausses des taux qui renchérissent tous les emprunts, ceux des consommateurs, qui sont aussi des électeurs à la veille du scrutin législatif important du 6 novembre, comme ceux de l’Etat.
La Fed qui a relevé le coût de l’argent d’un quart de point de pourcentage (0,25%) trois fois cette année et six fois depuis l’élection de Donald Trump, est en passe d’opérer un nouveau tour de vis en décembre. Mais elle est aussi en pleine phase de réduction de ses réserves en bons du Trésor, ce qui fait également monter les taux.
Pour soutenir la reprise après la crise de 2008, la Banque centrale a massivement acquis des bons du Trésor et des obligations appuyées sur des créances immobilières, une façon d’injecter des liquidités dans le système financier et de doper investissements et prêts.
Mais désormais, elle fait le chemin inverse pour alléger son bilan et a atteint un pic dans cette démarche en cessant de réinvestir dans 50 milliards de dollars de titres par mois (dont 30 mds USD de bons du Trésor).
Pour financer ses besoins dans un environnement plus coûteux, l’administration américaine va avoir recours ce trimestre à davantage de bons à court terme (2, 3 et 5 ans) et surtout à de nouveaux bons indexés sur l’inflation (TIPS à 5 ans), une offre qui veut allécher les investisseurs alors que l’inflation commence à remonter.
Dans un pays profondément divisé sur des questions de société comme l’immigration à la veille d’élections législatives importantes, l’inquiétude sur l’endettement des Etats-Unis ne fait pas recette.
Mais une large majorité des électeurs (74% des démocrates et 77% des républicains), selon un sondage sur un millier de personnes de l’institut Peter Peterson, estime que résoudre le gonflement de la dette devrait être une priorité du gouvernement.
Le parti républicain, chantre de l’orthodoxie budgétaire sous Obama, envisage de couper dans les programmes sociaux pour réduire les dépenses à l’avenir.
L’administration Trump quant à elle continue d’affirmer que les baisses d’impôts vont se financer elles-mêmes.
Source: Avec AFP