Les réalités géopolitiques en Syrie sont les suivantes :
Israël occupe le Golan syrien depuis 1967, et les États-Unis occupent de vastes zones syriennes dans le sud-est, Al-Tanf et dans le nord-est, Raqqa et Hassaké, depuis 2016.
Israël a annexé le Golan et a refusé ensuite de s’en retirer, exige même que les Etats-Unis reconnaissent la légitimité de l’annexion.
Les Etats-Unis refusent de se retirer des zones d’occupation en Syrie, sous prétexte de s’assurer de la défaite de « Daesh » au Levant et en Mésopotamie.
Israël est préoccupé par la présence de l’Iran en Syrie et considère le prolongement de cette présence comme une menace pour sa sécurité nationale, puis exige son retrait, ainsi que les forces de résistance du Hezbollah luttant contre le terrorisme, de tout le pays.
Après leur retrait de l’accord nucléaire, les Etats-Unis ont choisi de faire pression sur l’Iran et de l’épuiser dans l’arène syrienne par Israël. La Syrie et les forces de résistance ont riposté à leurs ennemis agresseurs en libérant la Ghouta de Damas-Est et ensuite les zones du Sud-Ouest le long du Golan occupé, et se préparent à la libération de la province d’Idlib sous le contrôle du Front Al-Nosra et des factions pro-Turques.
Israël perçoit comme une menace le succès de l’armée syrienne à Idlib et les conséquences du rétablissement de l’unité et de la souveraineté de la Syrie sur l’ensemble de son territoire national et leurs répercussions sur l’équilibre régional des forces. Les États-Unis ont été instamment priés d’accroître leur pression sur l’Iran et ses alliés. Comme d’habitude, l’administration Trump, de concert avec les gouvernements français et britannique, a réagi en menaçant publiquement la Syrie de frappes de représailles si elle recourait à l’utilisation d’armes chimiques contre ses ennemis à Idlib…
La Syrie, soutenue par la Russie, l’Iran et la résistance, a ignoré cette menace et a poursuivi ses préparatifs pour la libération d’Idlib ; ce qui a conduit Trump à envoyer son conseiller à la sécurité nationale John Bolton en Israël pour discuter des modalités de l’affrontement, ainsi qu’à Genève pour discuter avec le secrétaire du Conseil de sécurité nationale russe Nikolaï Patrouchev la question des pressions pour le retrait iranien de Syrie en échange de la levée des sanctions économiques américaines sur la Russie.
Patroushev a déclaré franchement à Bolton que son pays ne pouvait forcer l’Iran à se retirer de Syrie. L’Iran est présent à la demande de la Syrie et ne peut être expulsé qu’avec le consentement de l’État qui l’a autorisé à entrer.
Des milieux israéliens et américains ont propagé la rumeur que la Russie a proposé aux Etats-Unis de limiter la présence de l’Iran en Syrie en forçant Téhéran à retirer ses forces à 85 kilomètres d’Israël, c’est-à-dire les frontières de la Palestine occupée, et que Tel-Aviv a rejeté l’offre.
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a démenti les allégations israéliennes et américaines à propos de l’offre tout en demandant aux États-Unis de retirer leurs troupes de Syrie parce que leur entrée et leur présence n’avaient pas été approuvées par le gouvernement syrien et ne le seront pas.
C’est vraiment un théâtre insolite et un discours étrange : un État, les États-Unis, occupant le territoire syrien, exige d’un autre État, l’Iran, autorisé par la Syrie à déployer ses conseillers et ses équipements dans des endroits spécifiques de son territoire, de se retirer sous prétexte que sa présence menace la sécurité d’un autre État, Israël, occupant déjà et à ce jour une terre syrienne !
Encore plus étrange est l’offre russe, si elle est avérée : que les forces iraniennes se retirent à des dizaines de kilomètres des limites du Golan syrien, occupé par Israël, en échange d’une promesse américaine de lever les sanctions contre la Russie.
Quels que soient la teneur de la proposition et l’auteur de l’offre, le fait évident est qu’Israël s’accroche à son occupation du Golan et que les États-Unis tiennent à occuper des zones syriennes, et tous deux menacent la Syrie de prolonger la guerre contre elle et sur son sol, guerre qui continue à l’Est et à l’Ouest. En outre, les Etats-Unis réarment et équipent les terroristes de Daesh en Syrie et en Irak, comme ils préparent des éléments d’Al-Nosra et des Casques blancs à Idlib à rejouer la scène de l’utilisation d’armes chimiques et d’en accuser l’armée syrienne, prétexte à des frappes sur des positions syriennes sensibles.
N’est-il pas temps de sortir de ce tourbillon ?
Je vois qu’il existe une approche, et donc une résolution, qui retournerait les machinations américaines et israéliennes contre eux. C’est Israël qui est derrière toute cette arrogante férocité américaine contre l’Iran et la Russie. C’est Israël qui réclame l’exclusion de l’Iran et des forces de la résistance de Syrie. C’est Israël qui incite les Etats-Unis à bombarder les sites et les institutions syriens, prétendant « corriger» la Syrie pour l’usage d’armes chimiques.
Les choses étant ce qu’elles sont, pourquoi les autorités russes ne se décident-elles pas à respecter un vieil accord en fournissant à la Syrie le système de défense aérienne S-300 ? Et pourquoi pas le système S-400 comme celui livré à la Turquie, et sans attendre ?
La Russie ne craint ni les Etats-Unis ni l’OTAN et n’a pas tenu compte de leurs récriminations lorsqu’elle a décidé de fournir à la Turquie, membre de l’OTAN, le système S-400. Est-il concevable que la Russie redoute Israël ou les Etats-Unis si elle décide de fournir à la Syrie, son alliée qui héberge des bases aérienne et maritime russes à Hmeïmim et à Tartous, un système de défense aérienne comme celui aux mains des Turcs ?
La simple annonce par Moscou de sa décision de livrer sans délai le système S-400 à la Syrie est en soi suffisante pour obliger Israël et les Etats-Unis à renoncer à la politique des voyous dans le ciel et sur le sol syriens. Tel Aviv sait parfaitement bien que la possession de ce système avancé et très performant par la Syrie suffit pour neutraliser le rôle de l’aviation israélienne dans les espaces aériens de Syrie, du Liban et d’Irak ; plus encore, elle est de nature à enraciner la présence de l’Iran en Syrie et la sécuriser de toute agression sioniste et, par conséquent, réduire le rôle d’Israël dans la région.
La Russie connaît ces faits, alors pourquoi cette hésitation et cette réticence ?
Par Issam Naaman : avocat et homme politique libanais, auteur, conférencier, ancien député et ministre des télécommunications.
Sources : article en arabe : journal libanais al-binaa. Traduit par Rania Tahar