Encore un massacre au Yémen après tant d’autres massacres depuis plus de trois ans, dans une guerre dont les objectifs ne paraissent toujours pas clairement définis et qui pourrait durer encore longtemps, tout simplement parce que son règlement ne semble pas faire partie des priorités du moment et certainement pas parce que les yéménites ne se sont pas défendus ou n’ont pas su se défendre.
Nous parlons du Yémen, là où toute parole devient muette devant l’horreur des massacres commis par les avions de la coalition américano-saoudienne contre de pauvres gens, des va-nu-pieds, mais de fiers va-nu-pieds.
Nous parlons du Yémen, là où toute parole perd de son sens devant les petits corps d’écoliers déchirés et déchiquetés par les missiles d’une haine aveugle larguée sur ceux-là qui ont osé refuser leur hégémonie, ceux-là qui ont osé les affronter jusqu’à exceller dans leur résistance et leur résilience.
L’épopée de la résistance yéménite suscite admiration et respect. Mais elle suscite aussi de l’embarras devant sa persistance en dépit du manque de moyens et du peu de soutien, face à un blocus criminel marqué du sceau d’États petits et grands ; certaines capitales étant criminelles pour avoir organisé cette agression barbare afin d’affamer les Yéménites et les mettre à genoux, d’autres capitales étant criminelles pour avoir couvert les agresseurs assassins ne serait-ce qu’en gardant le silence et en fermant les yeux sur leurs crimes.
En effet, nombre de gouvernements ont témoigné de leur honteuse décadence morale en s’abstenant de réagir, même timidement, devant ces massacres à répétition. Des massacres qui ont pourtant utilisé les dernières armes et munitions sorties des usines américaines, britanniques et françaises et ont transformé le Yémen, au vu et au su du monde entier, en terrain d’essai d’armes nucléaires dites «tactiques» et de toute une série d’instruments de propagation de la mort et des épidémies par mer, par air et par terre : guerre bactériologique, éradication des récoltes et de toutes sortes de plantes et d’arbres, interdiction de la pêche en mer et du transfert de toute nourriture par les ports bloqués.
Mais malgré tous les radars et cuirassés des assaillants massés devant leurs rivages sinueux, les Yéménites arrivent toujours à briser leur siège avec leurs petits bateaux primitifs habitués à chuchoter aux oreilles des vagues pour qu’elles se calment ; ce qu’elles font, accueillant leurs filets et accompagnant leurs pagaies selon une tradition respectée depuis des siècles et des siècles.
Ces gens démunis de tout ne s’agenouilleront pas. Collés à leur terre rocailleuse depuis la nuit des temps, ils teintent leurs habits de la couleur de ses poussières qui s’enfoncent dans les pores de leur peau brunie, tandis que leurs pieds nus la foule comme s’ils traversaient un champ fleuri. Et aujourd’hui, les pieds nus de ces amoureux de leurs montagnes et de leurs chemins escarpés s’acclimatent avec les pierres colorées du sang versé par des criminels de guerre venus jouer aux plus forts en usant des technologies les plus récentes pour tirer sur un bus scolaire, transformé en mare de sang.
Dans leur communiqué militaire, ils disent avoir ciblé les ingénieurs et les lanceurs de missiles balistiques, mais manque le mot « futurs » pour que ce communiqué corresponde à la vérité. Car il est certain que parmi les enfants yéménites, assassinés dans ce bus, se trouvaient quelques-uns qui seraient devenus, dans une quinzaine d’années environ, des ingénieurs en missiles balistiques conçus pour défendre leur patrie contre les tyrans agresseurs, les repousser et les écraser.
C’est donc la même logique de la rhétorique sioniste justifiant l’assassinat des enfants palestiniens afin d’éviter la confrontation avec leurs pères, leurs frères adultes parmi les « Fedaiyine » et les héros des champs de bataille. La signature saoudienne, reconnaissant avec arrogance cette agression, n’est là que pour exécuter l’ordre reçu par les véritables acteurs du massacre : les États-Unis, Israël et les membres de l’OTAN associés à ce crime.
Mais le sang des enfants est indélébile. En terre yéménite et sur ses montagnes pousseront des forêts de bras prêts à se battre ; puisque, de l’Océan au Golfe, il est peu probable que ceux qui sont restés silencieux sur tous ces crimes, leurs fronts marqués du stigmate du déshonneur, se mettent à parler alors que les pétrodollars, trempés du sang de ces enfants, continuent à affluer dans les poches des dirigeants, des fonctionnaires, des scribes et orateurs. Les montagnes finiront par parler tandis qu’ils continueront à se taire, car le pétrole lie les langues et empoisonne les esprits. Mais le scandale s’amplifie et leur prostitution se découvre devant les rêves brûlés d’une enfance trahie dans son bus scolaire, devant les petits corps déchiquetés en prévision du festin de partage de sordides intérêts.
Sont marqués du même stigmate du déshonneur tous ceux qui les ménagent en bégayant de peur, et tous ceux qui échangent la morale et les valeurs contre l’argent et la bienveillance des Saoudiens en inventant des prétextes, tantôt au nom d’un prétendu réalisme, tantôt au nom d’une arabité qu’ils ont assassinée et dont leurs élites ont bu le sang lorsqu’elles se sont tues sur les massacres des Yéménites.
Quant aux pédants bavards sur les droits de l’homme, ils sont les professionnels de la négation de ces mêmes droits et, par leur odieux silence sur ces crimes, ils ne font que tuer toute personne humaine arabe sur toute terre arabe.
Vous les complices silencieux… les massacres des enfants du Yémen révèlent votre scandale, le scandale de votre asservissement aux réseaux du renseignement et de l’esclavagisme mondial des Temps modernes, lequel recrute des leaders d’opinion pour des armées d’esclaves. Des armées d’esclaves destinées à couvrir des criminels assassins de millions de gens et motivées par la haine du moindre souffle de liberté, du moindre râle de protestation, sortis de la gorge d’un enfant immolé ou d’une mère blessée.
En conséquence, le sang yéménite triomphera de vos monstres métalliques, de vos cœurs de pierre et de vos esprits diaboliquement criminels. Les enfants du Yémen vous poursuivront dans vos chambres à coucher et vos horribles cauchemars. Ils finiront par écraser vos prétextes fallacieux et vos gueules « pétrolisées » [3].
Par Ghaleb Kandil : homme politique libanais
Source : New Orient News ; Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal; Réseau international