Avant le siège imposé à ces deux localités et l’évacuation de centaines de personnes selon certaines conditions, suite à la prise de la ville de Idlib et ses environs, en mars 2015, par ce qu’on appelle « l’armée de conquête » (جيش الفتح), la population de Kafrya et Fou’a était estimée à 40 000 habitants occupant une superficie d’environ 25 km2.
Depuis la formation de la soi-disant « armée de conquête », le terroriste saoudien Abdullah al-Muhaysni n’a cessé de clamer son désir de prendre d’assaut les deux localités, de tuer leurs hommes et de massacrer leurs femmes et leurs enfants (selon certaines vidéos diffusées par des terroristes).
Les groupes armés, encerclant les deux localités, ont continuellement ciblé la population avec tous les types d’armes lourdes et de roquettes et de tirs de précision, entraînant la mort d’environ 1923 personnes, pour la plupart des civils, et blessant plus de 3388 autres, principalement des femmes et des enfants.
Le siège imposé a provoqué une grande paralysie qui a affecté tous les aspects de la vie dans les deux enclaves. Les terroristes ont empêché tout approvisionnement alimentaire et médical, ce qui a entraîné la perte de la principale base de la résistance avec la privation en nourriture et en médicaments qui a touché les enfants, les personnes âgées et les malades en particulier.
En matière énergétique, avec la coupure de l’électricité par les terroristes et les pénuries en combustible, seuls des générateurs de taille petite et moyenne ont pu fournir de l’électricité une heure par jour lorsque ça a été possible. Ces machines ont été endommagées au fil du temps en raison des pannes fréquentes et de l’impossibilité de les entretenir ou de les remplacer.
Quant à l’eau, le rationnement sévère n’a permis son accès aux deux localités qu’une fois tous les deux mois, ce qui ne suffisait pas à tenir plus de 15 jours, obligeant les gens à acheter l’eau à des prix exorbitants en cas de disponibilité.
Les écoles ont cessé de fonctionner à cause des bombardements quotidiens, de crainte que les enfants ne soient blessés. Les étudiants universitaires et les lycéens ont été empêchés de poursuivre leurs études en dehors des deux localités.
Sur le plan sanitaire, il y a de quoi pleurer avec les souffrances quotidiennes qui laissaient indifférentes toute la communauté internationale et ses institutions. Il n’y a qu’un seul hôpital dans la localité de Fouaa et peu de médecins y exercent avec très peu d’installations. Les fonctions du personnel hospitalier se limitent à fournir les premiers secours par manque de moyens à traiter les cas critiques suite aux bombardements terroristes quasi quotidiens, ce qui a contribué à l’augmentation du nombre de martyrs.
L’État syrien, par l’intermédiaire de l’armée de l’air et à chaque fois qu’il en avait l’opportunité, procédait au largage aérien de quelques aides, mais peu de colis arrivaient indemnes à cause de leur ciblage par des tirs terroristes ou à cause des dégâts subis lorsqu’ils touchaient le sol, entraînant la perte d’environ la moitié des denrées.
Malgré le siège et le déplacement de la moitié de la population de Fouaa et de Kafrya, les comités de défense populaires ont réussi à contrecarrer toutes les tentatives des terroristes pour pénétrer dans les deux localités où les attaques les plus violentes ont été menées par l’armée de la conquête en août 2015 sur la zone d’al-Suwaghiyah à l’est de Fouaa. Les agresseurs y ont subi de lourdes pertes en vies humaines, estimées à des centaines de morts et de blessés, et la destruction d’un certain nombre de chars et de blindés (près de 20 blindés).
La deuxième attaque a eu lieu en février 2016 en direction de Deir al-Zughb au sud de Kafrya, une zone adjacente à la ville de Binnish. L’ armée de conquête y a également subi plusieurs pertes avec des dizaines de tués et de blessés.
Avec la mise en œuvre de l’accord de sortie des cas humanitaires de Fouaa et Kafrya, deux groupes de blessés ont quitté les deux enclaves ; le premier à la fin de 2016 par voie terrestre via la Turquie, puis par voie aérienne jusqu’au Liban et de là à Damas, et le deuxième au début de 2017 par la route de Idlib puis Hama jusqu’à Damas, et ce, après l’entrée en vigueur de l’accord de Fouaa et Kafrya dans la région de Idlib et de Madaya et Zabadani dans la région de Damas.
Des dizaines de cas humanitaires ont été évacués de Fouaa et de Kafrya conformément aux accords conclus avec les sponsors des groupes armés de 2017 à 2018, dont l’accord du 11 avril 2017 qui stipulait l’évacuation, par quatre points de passage, de 3.800 hommes armés et leurs familles des localités de Madaya, Baqin, Zabdani, et al-Jabal al-Charqi (la montagne orientale) dans le Rif de Damas vers la province d’Idlib, en contrepartie de l’évacuation de 8000 personnes de Fouaa et de Kafrya de la région d’Idlib vers la province d’Alep comme première étape. Et avec la sortie de groupes des habitants de Fouaa et de Kafrya le 15 avril 2017, un attentat-suicide a frappé leur convoi de bus dans la zone d’Errachidin à l’ouest d’Alep, entraînant le martyr d’au moins 100 personnes principalement des femmes et des enfants et de dizaines de blessés et disparus; ce qui a entraîné la suspension de l’accord pour une courte durée avant la reprise de l’évacuation des survivants vers les zones de contrôle de l’État syrien à Alep à travers le corridor de Ramoussa.
Quelques mois après la conclusion de l’accord global, la deuxième phase a été achevée avec la sortie de 45 bus transportant 3.000 personnes de Fouaa et Kafrya assiégés dans la province de Idlib en échange de la sortie de 11 autobus de Zabadani, Serghaya et de la montagne orientale avec à leur bord 500 rebelles armés et leurs familles.
A la fin du mois d’avril 2018, un autre accord a été conclu pour évacuer environ 1200 personnes de Fouaa et de Kafiya en échange du retrait des terroristes du « Front Nosra » du camp de Yarmouk au sud de Damas. Mais les habitants des deux localités ont rejeté cet accord du fait du nombre des évacués jugé insignifiant et ont exigé l’évacuation totale de toute la population ; ce qui a conduit au maintien du statu quo dans les deux enclaves jusqu’à la conclusion d’un accord daté du 17 juillet 2018 stipulant l’évacuation de près de 9.600 personnes de Fouaa et Kafrya sous garanties internationales. Trois convois de 121 autobus sont entrés dans les deux localités le 18 juillet 2018 pour évacuer toute la population à travers le passage d’al-Eis jusqu’au centre d’accueil provisoire de Jibrin en échange de la libération de près de 1500 rebelles armés et de prisonniers et leur déplacement vers Idlib.
Après la fin de toutes les procédures d’évacuation et l’arrivée du dernier convoi de Fouaa et Kafrya à Alep, ces deux localités seront complètement vidées de leur population et de leurs comités de défense.
Par Kamal Jafa : analyste politique Syrien habitant Alep, docteur en Economie politique internationale
Traduit par Rania Tahar
Sources : Facebook ; Réseau international