Une source diplomatique anonyme à Bruxelles a révélé à RIA Novosti que l’Union Européenne avait l’intention de cesser de payer en dollars américains pour le pétrole iranien. C’est une évolution majeure qui confirme une série d’articles dans les médias mondiaux qui révèlent les développements de plus en plus positifs indiquant que l’Atlantisme est dans une crise grave. Il s’est fissuré. Les analyses effectuées par les experts de la CSS et de la FRN depuis un certain nombre d’années ont permis de prévoir que ces événements se produiraient.
Cette décision vient du fait que l’euro-troïka, constituée de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, a convenu avec l’Iran de développer un programme de soutien et de renforcer les liens économiques en réponse au retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire iranien de 2015 proclamé par Trump le 8 mai.
Pour rappel, le plan d’action global conjoint, qui a été conclu avec l’Iran par six médiateurs internationaux – la Russie, les États-Unis, le Royaume Uni, la Chine, la France et l’Allemagne – signifiait la levée des sanctions économiques en échange de la limitation par Téhéran de ses activités d’enrichissement d’uranium et éliminer ou réglementer les ressources connexes. L’accord était strictement volontaire et multipolaire.
Si ce que dit la source de RIA Novosti s’avère exact, cela signifie que l’UE maintiendra l’accord en rejetant le dollar dans les transactions avec l’Iran pour les contrats pétroliers, gaziers et dérivés, les contrats de transport aérien, naval et terrestre et les crédits à l’exportation. Selon la source, les dimensions pratiques de ce plan doivent être décidées dans les prochaines semaines.
Cette nouvelle arrive également juste avant la visite en Iran de Miguel Arias Cañete, commissaire européen à l’énergie et au climat, prévue du 19 au 20 mai.
Qui plus est, si Trump donne suite à ses annonces, les nouvelles sanctions américaines ne toucheront pas seulement l’Iran, mais aussi les pays qui font des affaires avec l’Iran.
En d’autres termes, l’UE pourrait faire l’objet de sanctions américaines pour avoir refusé de suivre aveuglément le retrait soudain des États-Unis d’un traité international méticuleusement négocié. C’est un autre témoignage du fait que l’Iran est un pilier de la géopolitique mondiale dont le traitement est une formidable épine dans les relations Europe-Amérique. D’où aussi, et ce n’est pas un hasard, l’importance de l’évolution de l’alliance russo-iranienne.
Le rédacteur en chef de Fort Russ News, Joaquin Flores, a suggéré dans une entrevue en 2015 que « la pression sur l’Iran pour qu’il abandonne son programme nucléaire allait être une question sans fin qui avait pour but ultime de renverser l’Iran ».
Pour reprendre les mots de Flores, « l’essence de l’accord était de permettre à l’Occident de sauver la face ». Le conflit et les conséquences du retrait de l’accord récemment annoncé par les Etats-Unis ne désintègrent pas seulement ce «sauvetage de face temporaire», mais accélèrent l’effondrement de l’ « Occident » à mesure qu’approche la « multipolarisation » de l’UE+US et des différents Etats et blocs, qui se manifeste dans ce contexte comme une rupture avec la politique de la construction de l’UE, qui nécessite une coopération avec des Etats que les Etats-Unis tentent de délégitimer ou de diaboliser, comme la Russie, l’Iran, et la Chine. Étant donné qu’Israël a été le principal lobbyiste de la guerre contre l’Iran, le virage de l’UE vers une politique indépendante vis-à-vis de l’Iran pourrait également avoir de sérieuses implications sur les relations UE-Israël.
Le 10 mai, le brigadier général iranien Hossein Salami a alimenté cette situation délicate en affirmant catégoriquement que l’Europe est incapable d’agir de manière indépendante sur la question de l’accord nucléaire. Le même jour, le président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker, a déclaré que l’Europe devait remplacer les Etats-Unis en tant que « leader mondial » à cause de la décision de Trump d’abandonner l’accord nucléaire.
Ainsi, dans le tableau d’ensemble, le différend sur l’accord nucléaire iranien est un indice de multipolarité naissante et une rupture dans les relations entre les États-Unis et l’UE. C’est un point clé dans la capacité de l’Union Européenne à mener des politiques indépendamment des États-Unis et à coopérer avec des États tels que la Russie, l’Iran et la Chine, qui ont constamment développé des cadres de travail et œuvré à l’évolution d’une architecture internationale multipolaire. L’abandon du dollar américain dans les transactions européennes avec l’Iran serait une incitation majeure dans cette direction et pourrait mettre l’UE et les États-Unis de part et d’autre des barricades géopolitiques.
Par Jafe Arnold
Sources : Fort Russ ; traduction : Réseau international