Bob Menendez a dirigé un groupe de législateurs qui a écrit au département d’État et a demandé que la loi de l’an dernier, Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act, or CAATSA, soit appliquée contre la Russie dans le cas où cette dernière exporte sa dernière technologie défensive à la fine pointe du progrès.
Les États-Unis ont manifestement peur des S-400, car ils comprennent à quel point cette technologie bouscule la domination stratégique du Pentagone obtenue grâce à ses avions et ses missiles et, par conséquent, augmente le coût de toute campagne militaire future. Tout simplement, investir dans ce système équivaut à investir dans l’une des politiques de dissuasion les plus infaillibles contre une agression américaine, et c’est pourquoi un large éventail d’États tels que la Turquie , l’Arabie saoudite, l’Irak, l’Inde et la Chine sont en train de le faire.
Le Qatar avait déjà eu des discussions avec la Russie sur l’achat de ces missiles, mais il semble avoir fait marche arrière sous la pression des Américains.
Il est par contre probable que le Pakistan pourrait s’y intéresser en réaction au fait que le Pentagone a suspendu son assistance militaire à l’État sud-asiatique au début de cette année.
Au total, le schéma identifiable est que les pays de l’ensemble du Rimland eurasiatique sont intéressés à acheter cette technologie, avec pour effet combiné que les États-Unis pourraient éventuellement être exclus du Heartland super-continental si toutes ces ventes prospectives se concluent.
Il y a donc urgence, c’est pourquoi l’Amérique veut sanctionner la Russie pour la vente de ses S-400 à l’étranger. Par inadvertance, cependant, cette frénésie pourrait se retourner contre elle et devenir la meilleure approbation que la Russie aurait pu espérer.
En outre, la menace d’une pression américaine concertée contre Moscou et ses partenaires militaires donne à la Russie l’occasion de mener une vaste coalition anti-sanctions pour développer et étendre des institutions financières et autres alternatives pour limiter les dommages que les États-Unis pourraient porter contre leurs intérêts avec le CAATSA.
Cela pourrait donner l’impulsion au renforcement de l’émergence de l’ordre mondial multipolaire et accélérer la transition post-unipolarité.
Ces ventes de S-400, les sanctions possibles et les mesures d’évitement de ces sanctions liées au CAATSA sont un ballon d’essai pour le jour où la Russie vendra inévitablement sa technologie de missile hypersonique à d’autres pays en leur donnant un moyen de dissuasion percutant pour renforcer leurs moyens défensifs contre toute agression américaine.
La « diplomatie militaire » de la Russie aide les alliés traditionnels américains, comme la Turquie et l’Arabie saoudite, à diversifier leurs relations avec les grandes puissances multipolaires tout en conservant une coopération pragmatique avec les États-Unis, pour une politique étrangère plus indépendante.
Cela leur permet finalement de devenir les pionniers d’un nouveau Mouvement des non-alignés (Neo-MNA) dans la Nouvelle Guerre froide qui s’efforce d’atteindre l’équidistance stratégique entre les États-Unis et la Chine, qui serait impossible à réaliser sans ce rôle d’« équilibre » que leur relation avec la Russie leur fournit. Si on adopte ce point de vue, les ventes de S-400 en Russie sont en fait un pas révolutionnaire dans la direction d’un changement géostratégique majeur, il ne devrait donc pas être surprenant que les États-Unis réagissent aussi hystériquement à ce mouvement.
par Andrew Korybko: commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik
Sources : Oriental Review ; Traduit par le Saker Francophone
Source: Sputnik