Sur les quelque 40.000 combattants étrangers qui avaient rejoint les rangs du groupe Etat islamique en Syrie et en Irak, quelques centaines se battent encore dans leurs derniers réduits. Que sont devenus les autres?
Les experts américains interrogés à Washington par l’AFP sont unanimes: ils n’ont pas tous péri dans les combats, même s’ils sont nombreux à avoir succombé pendant les intenses campagnes de bombardements aériens, et vont représenter dans les mois et années à venir une redoutable menace.
« La question est: combien ont été tués? Combien sont encore vivants et prêts à continuer le combat? », demande Seth Jones, directeur de l’International Security and Defense Center du groupe de réflexion Rand Corporation. « Combien ont abandonné la lutte, combien sont partis la continuer ailleurs? Je n’ai pas connaissance d’estimations fiables ».
Les services anti-terroristes internationaux tentent de tenir la comptabilité la plus exacte possible du nombre et des mouvements des volontaires jihadistes, mais la tâche est ardue et les estimations difficiles à obtenir et à vérifier.
Ainsi, de source officielle française, sur les quelque 1.700 français partis en Syrie et en Irak depuis 2013, 400 à 450 auraient été tués, environ 250 sont revenus en France. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a estimé le 8 décembre qu’environ 500 seraient encore présents sur le théâtre irako-syrien, « d’où ils auront du mal à revenir en France ».
Ces estimations laissent donc quelque 500 jihadistes français, certains entraînés, endurcis, formés au maniement des armes et des explosifs, dans la nature.
‘Un aller simple’
Le chercheur Bruce Hoffman, spécialiste du terrorisme à la Georgetown University, a estimé mercredi, lors d’une conférence à Washington, que « bien que nombre d’entre eux aient été tués, des milliers ont survécu et ont pu quitter la Syrie. Aujourd’hui, certains sont certainement dans les Balkans, font profil bas en attendant de trouver un moyen de s’infiltrer en Europe ».
L’arrivée de ces jihadistes endurcis par trois ou quatre ans de combats acharnés en Irak et en Syrie a déjà été remarquée sur certains fronts, assure à l’AFP Thomas Sanderson, directeur de Transnational Threats Project au groupe de réflexion Center for strategic and international studies (CSIS).
« En mai, ils étaient au moins 80, notamment des Yéménites, des Russes, des Saoudiens, des Marocains, à combattre l’armée des Philippines à Marawi, sur l’île de Mindanao, aux côtés du groupe jihadiste Abou Sayyaf », dit-il.
L’arrivée de vétérans du jihad syrien francophones, français ou maghrébins, a récemment été signalée dans la province de Jowsan, dans le nord de l’Afghanistan, où ils ont monté un camp, ont confié des témoins et des responsables locaux à l’AFP.
Certains volontaires internationaux qui avaient rejoint les rangs de l’EI ont profité du chaos qui règne en Syrie et, par endroits, d’accords d’évacuation négociés avec les forces kurdes –fer de lance des opérations terrestres lancées contre eux– pour abandonner leurs armes et se fondre dans la masse des réfugiés civils, qui s’agglutinent dans des camps à travers toute la région.
Des témoignages de contrebandiers, à la frontière entre la Syrie et la Turquie, font état de l’arrivée en Turquie de combattants de l’EI, qui versent de fortes sommes aux passeurs.
Si certains ont ou vont tenter de rentrer dans leurs pays d’origine, où les attendent le plus souvent des procès et de lourdes peines d’emprisonnement, ce ne sera pas le cas de tous, estime Seth Jones.
« Nombreux sont ceux pour qui c’était un aller simple. Ils voulaient rejoindre le califat et y demeurer », dit-il. « Alors je ne crois pas qu’ils seront très nombreux à vouloir rentrer. Certains se cachent et attendent ».
La Libye, les pays du Sahel, l’Afghanistan, les zones tribales pakistanaises, la Somalie, le Yémen et plus généralement les pays que les diplomates et les militaires qualifient de « zones grises » sur la carte du monde sont autant de points de chute potentiels pour les soldats perdus du califat, estiment les experts.
Source: AFP