Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a annoncé dimanche quitter la présidence de cette région après son pari raté d’obtenir l’indépendance qui a conduit à la perte de presque tous les territoires que les Kurdes disputent à Bagdad.
Parallèlement, des combats suivis de négociations, les Kurdes ont accepté de céder aux forces irakiennes le poste-frontière stratégique de Fichkhabour, situé aux confins des territoires turc, syrien et irakien et par où passe l’oléoduc acheminant le pétrole vers le terminal turc de Ceyhan.
Dans un climat d’extrême tension, les députés kurdes réunis à huis-clos à Erbil ont pris connaissance de la lettre que M. Barzani leur a adressée annonçant qu’il ne serait plus président.
« Après le 1er novembre, je n’exercerai plus mes fonctions et je refuse que mon mandat soit prolongé », affirme l’architecte du référendum d’indépendance du 25 septembre dans cette missive dont l’AFP a obtenu une copie.
Après la lecture de cette lettre, le Parlement a effectué une répartition provisoire de ses pouvoirs d’ici l’élection présidentielle, dont la date n’est pas encore fixée.
Avec 70 voix pour et 23 voix contre, le Parlement kurde a donné son feu vert à la répartition des prérogatives de Massoud Barzani entre les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
La lettre de Massoud Barzani adressée au Parlement kurde sera lue lundi 30 octobre devant les députés.
Un gouvernement de salut national
L’opposition, notamment le parti Goran qui veut un « gouvernement de salut national » à la place de M. Barzani, s’oppose à la répartition proposée par les grands partis kurdes, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de M. Barzani et son rival de l’Union patriotique kurde (UPK), ont indiqué des députés.
Massoud Barzani « symbolise l’échec de la politique kurde et la seule chose qui lui reste à faire est de s’excuser publiquement », a lancé avant l’ouverture de la session Raboun Maarouf, député de Goran. Des partisans du président kurde l’ont aussitôt pris à parti.
Le mandat du premier président kurde élu, qui avait expiré en 2013, avait été prolongé de deux ans par le Parlement. Il s’est poursuivi sans élection ni décision formelle face au chaos engendré par l’offensive du groupe takfiro-wahhabite Daesh.
Les partisans de Barzani attaquent le Parlement
Alors que les parlementaires étaient réunis dans l’assemblée en soirée, des dizaines d’hommes brandissant des bâtons et des pierres se sont précipités vers le bâtiment, frappant des journalistes présents devant, ont rapporté médias et parlementaires.
Des coups de feu ont été entendus depuis les locaux du Parlement du Kurdistan irakien, ont également rapporté des sources kurdes, citées par PressTV.
Les forces de l’ordre ont tiré en l’air pour disperser ces assaillants, a constaté un correspondant de l’AFP.
Les reporters de la chaîne NRT du Kurdistan, envoyés sur place pour faire un reportage sur les événements, ont été passés à tabac. L’un d’entre eux a été grièvement blessé.
Le Parlement kurde avait récemment gelé les prérogatives de M. Barzani à la suite de ce référendum qui a déclenché une crise sans précédent entre Erbil et Bagdad.
Aussitôt après les résultats, le gouvernement central irakien avait envoyé ses troupes reprendre le contrôle de toutes les zones situées hors de la région autonome et dont les combattants kurdes avaient pris le contrôle depuis 2003.
En quelques jours, la quasi-totalité de ces territoires sont repassées aux mains du pouvoir central.
De plus, en reprenant les puits de pétrole de Kirkouk (nord), qui représentaient quasiment la moitié des revenus de la région autonome déjà fortement endettée, Bagdad portait un coup fatal à la viabilité économique du rêve kurde, vieux d’un siècle, de créer un Etat.
Barzani avait cru pouvoir imposer son rêve d’indépendance, malgré le refus d’une majorité de pays voisins et occidentaux, à l’exception d’Israël et de ses alliés.
Pour Kirk Sowell, expert de la politique irakienne, Barzani n’a pas mesuré à quel point l’Irak avait changé après les nombreuses victoires contre Daesh ni compris que le sentiment national était heurté par sa décision.
Source: Médias