Le gouvernement irakien a changé dimanche de ton en accusant les Kurdes de chercher à déclarer la guerre avec la présence dans la province disputée de Kirkouk de combattants du PKK, considéré comme « terroriste » par Ankara et Washington.
Le Conseil de la sécurité nationale, la plus haute instance de la Défense en Irak présidée par le Premier ministre Haider al-Abadi, a dit dans un communiqué y voir « une déclaration de guerre ».
Face à cette « escalade dangereuse », il est « impossible de rester silencieux », et « le gouvernement central et les forces régulières vont accomplir leur devoir de défendre les citoyens (…) et la souveraineté de l’Irak », poursuit le texte.
Le Conseil pointe notamment la présence « de combattants n’appartenant pas aux forces de sécurité régulières à Kirkouk » et cite le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement séparatiste kurde de Turquie.
Cette présence du PKK a toutefois été démentie par des responsables kurdes, mais l’un d’eux a reconnu qu’il y avait des « sympathisants » de cette formation à Kirkouk, évoquant des « volontaires » qui combattaient la milice wahhabite Daech (Etat islamiqueEI).
La déclaration du conseil de sécurité irakien intervient juste après la fin de la réunion des dirigeants kurdes. Ceux-ci ont ignoré l’appel de Bagdad à retirer leurs peshmergas de Kirkouk avant la nuit et à annuler le référendum d’indépendance comme conditions à des négociations, alors que sur le terrain les troupes se font toujours face.
A l’issue de quatre heures de négociations, leur communiqué final ne fait aucune mention d’un retrait des milliers de peshmergas qu’Erbil dit avoir mis en état d’alerte depuis plusieurs jours.
Dans le même temps, des renforts des troupes irakiennes continuaient d’arriver dimanche dans le sud de la province de Kirkouk, où se trouvent les ressources pétrolières, désormais quadrillée par les chars, les blindés et l’artillerie, selon un photographe de l’AFP.
Les dirigeants kurdes ont ignoré dimanche l’appel de Bagdad à retirer leurs peshmergas de Kirkouk avant la nuit et à annuler le référendum d’indépendance comme conditions à des négociations, alors que sur le terrain les troupes se font toujours face.
Dimanche, le président de l’Irak, le Kurde Fouad Massoum avait fait le déplacement depuis Bagdad jusqu’au Kurdistan, tandis qu’un nouveau délai était accordé aux forces kurdes pour quitter les positions prises il y a trois ans et où Bagdad souhaite désormais réinstaller ses forces.
Il expirera dans la nuit, a indiqué un responsable kurde, faisant de nouveau planer la menace de violences, après un premier ultimatum prolongé dans la nuit de samedi à dimanche.
‘Pas de conditions préalables’
Dans leur communiqué en cinq points, le Parti démocratique kurde (PDK) du président de la région autonome Massoud Barzani et son rival l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), le parti de M. Massoum, mettent en garde contre « les interventions militaires ou les mouvements de troupes » qui « constituent une menace pour tout effort sérieux de règlement pacifique des problèmes ».
Ils se disent « entièrement prêts au dialogue ». Mais, a prévenu sur Twitter Hemin Hawrami, conseiller de M. Barzani, ils « refusent des conditions préalables » à ces discussions.
« Le PDK et l’UPK rejettent toutes les demandes d’annuler les résultats du référendum », a-t-il précisé, répondant aux déclarations la veille d’une source proche du Premier ministre irakien Haider al-Abadi qui avait estimé qu' »aucun dialogue ne serait mené tant que les résultats du référendum ne sont pas annulés ».
Les peshmergas –les combattants kurdes– se divisent entre les deux partis. Les forces kurdes présentes dans la province de Kirkouk, que les forces irakiennes cherchent à déloger, dépendent de l’UPK.
Alors que les politiques tentent de reprendre langue, des milliers de combattants se font face dans cette province située au nord de Bagdad, trois semaines après la tenue d’un référendum au Kurdistan qui a exacerbé les tensions.
Saad al-Hadithi, porte-parole du Premier ministre irakien Haider al-Abadi, a affirmé à l’AFP que « les forces gouvernementales irakiennes ne veulent pas et ne peuvent pas porter atteinte aux citoyens, qu’ils soient kurdes ou autres, mais elles doivent faire appliquer la Constitution ».
La loi, a-t-il poursuivi, prévoit que « le gouvernement central exerce sa souveraineté sur les zones que la Constitution définit comme disputées (dont la province de Kirkouk fait partie, NDLR), de même qu’en matière de commerce extérieur, notamment de production et d’export de pétrole ».
L’Irak exige de reprendre le contrôle des positions tenues par les peshmergas depuis la débâcle de l’armée et de la police irakiennes, pris en charge par les Américains depuis l’invasion de l’Irak en 2003, face à la percée fulgurante de la milice wahhabite terroriste Daech (Etat islamique-EI) en juin 2014.
Outre des bases militaires, les combattants du Kurdistan –région qui bénéficie depuis 1991 d’une autonomie étoffée au fil des ans– se sont également emparés d’infrastructures et de champs pétroliers de la province disputée de Kirkouk.
Jusqu’à présent, les forces irakiennes n’ont pas entamé de combat, se contentant de progresser et de reprendre certaines bases désertées peu avant par les peshmergas.
Champs pétroliers
Leur objectif n’est pas la ville de Kirkouk, indiquent même les autorités à Erbil. Elles veulent reprendre « les champs pétroliers, une base militaire et un aéroport » mitoyen.
En outre, Bagdad, dont le budget est grévé par la chute des cours du pétrole et trois années de mobilisation et de combats contre l’EI, entend reprendre la main sur les 250.000 b/j de pétrole des trois champs de la province de Kirkouk: Khormala, pris par les Kurdes en 2008, et Havana et Bay Hassan, pris en 2014.
Le Kurdistan, qui traverse la plus grave crise économique de son histoire, pourrait lourdement pâtir de la perte de ces champs qui assurent 40% de ses exportations pétrolières.
Bagdad, en crise ouverte avec Erbil depuis la tenue le 25 septembre du référendum d’indépendance y compris dans des zones disputées comme Kirkouk, a multiplié les mesures économiques et judiciaires pour faire plier le Kurdistan.
Autre mesure de rétorsion, l’Iran, hostile au référendum, a fermé dimanche trois postes-frontières permettant le passage de biens et de personnes du Kurdistan irakien à son territoire, a indiqué à l’AFP un responsable kurde. Le ministère des Affaires étrangères iranien a toutefois démenti.
Washington, allié à la fois des Kurdes et des forces irakiennes dans la lutte contre l’EI, a affirmé vouloir « calmer les choses ».
Source: Avec AFP