L’écrivain et journaliste saoudien Jamal Khashoggi a révélé dans son article pour le journal américain Washington Post sa décision de lever la voix face à la campagne d’arrestations et de répression en Arabie Saoudite, en considérant que le contraire est une trahison pour ceux qui sont jetés en prison.
Dans son article, M.Khashoggi a expliqué que dans le passé, il craignait pour sa famille et son travail, alors que maintenant son choix est totalement différent. Il a décidé de lever la voix comme ses homologues qui ont préféré l’exil, appréhendant l’arrestation, a rapporté la chaîne de télévision libanaise Al-Mayadeen.
Selon lui, l’Arabie Saoudite n’est plus l’Arabie Saoudite et les Saoudiens méritent le meilleur.
Le journaliste saoudien a commenté sur twitter son article : « je n’étais pas amusé à écrire l’article dans le Washigton Post, mais le mutisme ne sert ni à mon pays ni aux prisonniers ».
Dans son article, le journaliste saoudien écrit:
(( Si je vous parle de la peur, de l’intimidation, des arrestations et des diffamations publiques des hommes de religion et de culture qui ont eu le courage d’exprimer leurs opinions, et puis je vous dis que je suis Saoudien, seriez vous surpris ?
Quand le jeune prince héritier Mohammad ben Salman a accédé au pouvoir, il a promis de rendre l’Arabie Saoudite plus ouverte et tolérante. Il a promis de traiter les sujets qui bloquent notre développement comme l’interdiction de la femme de conduire une voiture.
Mais tous ce que je vois aujourd’hui c’est les campagnes d’arrestation. Au cours de la semaine passée des reportages ont parlé de 30 personnes qui ont été capturées par les autorités. Certains d’entre eux sont mes amis intimes. Ce qui se passe insulte les penseurs et les dignitaires religieux qui expriment avec courage leurs opinions opposées à celles du leadership de mon pays .
La scène était dramatique : des hommes de sécurité masqués faisaient irruption dans les maisons, photographiaient toute l’opération, et confisquaient les documents, les livres et les ordinateurs.
Les personnes capturées sont accusées de recevoir de l’argent du Qatar et de faire partie de la grande conspiration qatarie. Nombreux d’autres, dont moi-même, avons préféré l’exil et la fuite de l’arrestation malgré le fait que nous pourrions être arrêtés quand nous reviendrons.
Le sujet m’a énérvé et m’a poussé à contacter d’autres amis saoudiens à l’exil volontaire, à Istanbul et à Londres. Nous sommes au moins sept, serions-nous le noyau des émigrés saoudiens ? nous passons des heures par téléphone pour comprendre cette vague d’arrestations , au cours de laquelle mon ami l’homme d’affaires actif sur twitter Issam Al-Zamel a été capturé, de retour des États-Unis , mardi dernier. Il faisait partie d’une délégation saoudienne officielle. C’est tellement rapide de perdre l’appui chez nous. Mais la situation n’était pas pareil avant dans mon pays.
Entre 2003 et 2010, j’étais chassé de mon post de chef de rédaction dans le journal Al-Watan. J’ai alors travaillé chez l’ambassadeur saoudien en Grande Bretagne, le prince Turki ben Fayçal , comme un consultant médiatique.
C’est bizzare comme le gouvernement te chasse pour ensuite te recruter à son service à l’étranger. Mais, en réalité c’est le contraste saoudien.
Plus durement, l’Arabie Saoudite essaie de refouler aussi bien les différents points de vue des réformistes libéraux que ceux des hommes de religion conservateurs.
Pouquoi un tel climat de peur et d’intimidation a lieu quand un jeune prince charismatique a promis de faire les réformes qu’on attendait , dans le but d’améliorer la vie économique et la rendre plus diversifiée?
Le prince héritier est populaire et son plan de réforme est soutenu par plus de 30 dignitaires religieux, en plus des écrivains et des stars des réseaux sociaux qui ont été arrêtés au beau milieu de la nuit.
Durant les derniers mois, le gouvernement saoudien a mis au pont plusieurs politiques nouvelles et extrémistes. Certaines s’opposent entièrement aux islamistes, d’autres encouragent les citoyens à révéler l’identité d’autres pour les ajouter à la liste noire. Ces personnes arrêtées figuraient sur cette liste. Des écrivains proches du leadership saoudien ont souvent écrit des articles dans lesquels ils demandent d’éradiquer les islamistes.
Ce n’est pas un secret que le prince déteste les Frères Musulmans. Mais je trouve que c’est ridicule qu’un responsable saoudien critique les islamistes alors que l’Arabie Saoudite est la mère de l’Islam politique, même qu’elle se qualifie comme étant l’Etat Islamique de par ses lois. (Nous évitons d’utiliser le mot “constitution” parce que sa traduction à une connotation laïque et nous disons que le Coran est notre constitution).
L’Arabie Saoudite n’a pas besoin de cela aujourd’hui. Nous passons dans une phase économique transitoire soutenue par le peuple, une transformation qui nous libèrera de la dépendance totale envers le pétrole, ce qui devrait donner de la vivacité au travail et à la production. Ce processus est très fatigant.
Il vaut mieux que Mohammad Ben Salman bénéficie des opinions fortifiantes et diverses exprimées par des personnalités publiques comme M.Issam et ses paires capturés.
Avec mes amis à l’étranger, nous nous sentons dans l’impuissance. Nous voulons que notre pays prospère et que la vision 2030 soit mise en exécution. Nous ne sommes pas opposés à notre gouvernement, l’Arabie Saoudite nous importe beaucoup. C’est le seul pays que l’on connaisse et que l’on veuille, mais nous sommes devenus des ennemis.
Sous la pression du gouvernement, le publicateur Al-Hayat, un des journaux les plus lus dans le monde arabe, a annulé ma colonne spéciale. Le gouvernement a voilé mon compte twitter quand j’ai mis en garde contre le soutien exagéré à l’éléction du président américain Donald Trump. Pour cela je suis resté six mois calme en réfléchissant sur la situation de mon pays et sur les choix difficiles que je possède.
C’était douloureux d’avoir vu mes amis arrêtés depuis des années, je n’ai rien dit . je ne voulais pas perdre mon travail et ma liberté, j’avais peur pour ma famille. Ajourd’hui mon choix est différent. J’ai quitté ma maison, ma famille et mon travail et voilà je lève ma voix. Se taire est une trahison pour ceux qui sont séquestrés dans les prisons. J’ai le pouvoir de parler alors que beaucoup d’autres ne l’ont pas.
J’aime que vous sachiez, l’Arabie Saoudite n’était pas comme elle est aujourd’hui. Nous les Saoudiens , méritons le meilleur.))
Traduit par notre rédaction.