Linda Shawish n’y va pas par quatre chemins pour qualifier le soutien appuyé de Joe Biden à Israël, qui bombarde sans relâche la bande de Gaza. Pour cette coiffeuse américano-palestinienne, les démocrates « soutiennent un génocide ».
Elle a voté démocrate mais ne le fera « absolument pas » à la présidentielle en 2024. « Et si Trump est le candidat républicain, je ne voterai probablement pas du tout », confie cette femme de 45 ans à l’AFP devant Halalco, un magasin musulman populaire de Falls Church, en Virginie (est).
A un an de l’élection, le soutien des Américains arabes et musulmans envers Joe Biden menace de s’effondrer en raison de sa politique au Moyen-Orient, ce qui pourrait faire basculer certains Etats.
Certains de ces électeurs interrogés par l’AFP considèrent que les Etats-Unis ne font pas suffisamment pression sur leur allié israélien pour limiter le nombre de morts parmi la population civile dans la bande de Gaza.
Depuis le début de la guerre, plus de 9.227 civils dont 3.826 enfants y ont été tués dans les bombardements israéliens, selon le Ministère de la Santé à Gaza.
« Quelque chose s’est profondément brisé dans le cœur de nombreux démocrates américains musulmans et arabes », observe Waleed Shahid, ancien porte-parole du sénateur de gauche Bernie Sanders.
« Pour eux, le président ne traite pas les vies palestiniennes et israéliennes à égalité », dit à l’AFP le militant démocrate.
Et au moins 1.400 Israeliens ont été tuées, d’après les autorités israeliennes, en majorité des civils le jour de l’opération Déluge d’al-Aqsa sans précédent du Hamas, le 7 octobre.
Avec 4,5 millions de musulmans, la communauté ne représente que 1,3% de la population américaine, selon un recensement religieux américain non officiel.
Mais l’élection présidentielle se fera « à quelques centaines de milliers de voix près dans une poignée d’Etats », fait remarquer Waleed Shahid.
La perte du vote musulman dans le Michigan, la Virginie, la Géorgie ou l’Arizona, quatre Etats qu’il a remportés en 2020, pourrait ainsi coûter cher à Joe Biden l’an prochain.
A Dar Al-Hijrah, une des principales mosquées du nord de la Virginie, l’imam Naeem Baig affirme que la communauté avait placé de grands espoirs en Joe Biden après le mandat douloureux de Donald Trump, qui avait restreint les voyages aux Etats-Unis depuis plusieurs pays musulmans.
« Sur les questions de justice raciale et économique, on sent que les démocrates ont beaucoup plus à offrir », dit-il à l’AFP.
Selon un sondage du Conseil des relations américano-islamiques, 69% des musulmans ont voté pour Joe Biden en 2020, contre seulement 17% pour Donald Trump.
Mais les images glaçantes de Gaza ont provoqué une forme de traumatisme chez les fidèles, selon Naeem Baig. « Pour l’instant, je ne voterai pas pour le président Biden », assure-t-il.
Né dans un camp de réfugiés de Gaza, Khalid Mekki raconte que des membres de sa propre famille restent injoignables, en raison de coupures des communications par Israël.
« Nous aimons les Etats-Unis, c’est notre pays », confie cet homme d’affaires de 52 ans qui dirige un restaurant à Falls Church. Mais « on ne peut pas avoir du sang sur les mains, pas en mon nom », dit-il.
La déception de certains de ces électeurs a été accentuée par d’autres réactions de Joe Biden.
Le président a mis cinq jours pour appeler la famille d’un enfant américano-palestinien mortellement poignardé à Chicago. Il a aussi publiquement remis en question le bilan des morts fourni par le ministère de la Santé à Gaza, pourtant considéré comme fiable par les organisations internationales par le passé.
Ces derniers jours, la Maison Blanche a adouci son discours en promettant de lancer une stratégie contre l’islamophobie et Joe Biden a montré plus d’empathie vis-à-vis du sort des Palestiniens.
« Les actes parlent plus que les mots », estime Mahdi Bray, un afro-américain musulman de 72 ans, dont la solidarité avec les Palestiniens vient de sa propre expérience de la ségrégation dans le sud des Etats-Unis.
Mais Joe Biden pourrait retrouver grâce à ses yeux, dit-il, s’il exigeait un cessez-le-feu à Gaza, comme une bonne partie de la communauté internationale.
Source: Avec AFP