La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a ordonné, le jeudi 10 août, le déploiement d’une « force en attente » pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger, et qui devrait intervenir « dans les plus brefs délais », selon le président ivoirien Alassane Ouattara.
La Cedeao, qui espère toutefois toujours parvenir à une résolution pacifique de la crise, n’a précisé aucun calendrier, ni le nombre ou l’origine des militaires composant cette « force en attente ».
Mais jeudi soir, à son retour à Abidjan, le président ivoirien a déclaré que les chefs d’Etat de la Cedeao avaient donné leur feu vert pour que l’opération « démarre dans les plus brefs délais ».
Ouattara a précisé que la Côte d’Ivoire « fournira un bataillon » de 850 à 1.100 hommes, aux côtés du Nigeria et du Bénin notamment, et que « d’autres pays » les rejoindront.
« Les putschistes peuvent décider de partir dès demain matin et il n’y aura pas d’intervention militaire, tout dépend d’eux », a martelé M. Ouattara.
La France et les USA apportent leur soutien à la Cedeao
La France a de son côté apporté « son plein soutien à l’ensemble des conclusions » de la Cedeao et réitéré « sa ferme condamnation de la tentative de putsch en cours au Niger, ainsi que de la séquestration du Président (Mohamed) Bazoum et de sa famille ».
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a lui déclaré que les Etats-Unis soutiennent « le leadership et le travail de la Cedeao » pour le « retour à l’ordre constitutionnel ». « Les Etats-Unis apprécient la détermination de la Cedeao à explorer toutes les options pour une résolution pacifique de la crise », a-t-il ajouté par la suite.
Le bloc ouest-africain n’écarte pas la voie diplomatique pour rétablir M. Bazoum, le président élu renversé le 26 juillet et détenu depuis.
A l’issue du sommet d’Abuja, le président du Nigeria Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de la Cedeao, a dit espérer « parvenir à une résolution pacifique », ajoutant qu’un recours à la force en « dernier ressort » n’était pas exclu.
Il avait déclaré quelques heures auparavant que la négociation avec le régime militaire au Niger devait être le « socle » de « l’approche » de l’organisation.
Et le président de la Commission de la Cedeao, Omar Touray, a lui réaffirmé « l’engagement continu à la restauration de l’ordre constitutionnel, à travers des moyens pacifiques ».
La menace d’un recours à la force avait été brandie la première fois le 30 juillet lors d’un précédent sommet de la Cedeao: un ultimatum de sept jours avait été lancé aux militaires de Niamey pour rétablir le président Bazoum, sous peine d’intervention armée. Mais rien ne s’est passé à son expiration dimanche.
Depuis, les nouveaux maîtres du Niger ont semblé fermés aux tentatives de négociations.
Mardi, une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine (UA) et des Nations unies avait tenté de se rendre à Niamey. En vain, les militaires leur barrant la route en invoquant des raisons de « sécurité ».
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les auteurs du coup d’Etat ont également annoncé la formation d’un nouveau gouvernement, quelques heures avant le début du sommet d’Abuja.
Le gouvernement formé à Niamey est dirigé par un Premier ministre civil, l’économiste Ali Mahaman Lamine Zeine, et comprend 20 ministres. Ceux de la Défense et de l’Intérieur sont des généraux du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) qui a pris le pouvoir, respectivement le général Salifou Mody et le général Mohamed Toumba.
L’annonce de sa formation confirme la détermination du régime militaire qui a renversé Mohamed Bazoum, et apparaît comme un signe de défiance à l’égard des dirigeants de la Cedeao.
Mais tous les pays d’Afrique de l’Ouest ne sont pas hostiles au nouveau pouvoir nigérien: le Mali et le Burkina Faso voisins, eux aussi dirigés par des militaires, ont affiché leur solidarité avec Niamey.
Ils ont même affirmé que si le pays était attaqué par la Cedeao, ce serait « une déclaration de guerre » pour eux.
Mardi, ils ont adressé des lettres conjointes à l’ONU et à l’UA en appelant à leur « responsabilité » pour empêcher « toute intervention militaire contre le Niger dont l’ampleur des conséquences sécuritaires et humanitaires serait imprévisible ».
A Niamey, jeudi après-midi, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans la capitale pour scander des slogans hostiles à la France, aux Etats-Unis, considérés comme des « ennemis du Niger », avant de se disperser dans la soirée.
Dans ses efforts pour rétablir le président Bazoum, la Cedeao peut quant à elle compter sur le soutien des puissances occidentales, en premier lieu les Etats-Unis et la France.
Les nouveaux maîtres de Niamey considèrent la Cedeao comme une organisation « à la solde » de la France, ancienne puissance coloniale et alliée indéfectible du président Bazoum. Ils en ont fait leur cible principale depuis qu’ils ont pris le pouvoir.
Le Pentagone avoue avoir formé certains chefs militaires
Sur un autre plan, le département de la Défense des Etats-Unis a confirmé le 10 août que certains chefs militaires qui ont pris le pouvoir au Niger le 26 juillet, avaient suivi une formation militaire américaine.
« Oui, nous savons qu’une partie des militaires nigériens associés aux événements [qui se déroulent au Niger, ndlr] a été formée dans le passé par les États-Unis », a déclaré le porte-parole du Pentagone, Patrick Ryder, lors d’un point presse.
L’officiel a pourtant affirmé qu’il n’existait aucun lien entre cette formation et « leurs activités actuelles ».
Enquête d’Intercept
Le magazine Intercept avait précédemment rapporté, citant un responsable américain, qu’au moins cinq des officiers arrivés au pouvoir au Niger, avaient participé à des programmes de formation organisés par les États-Unis.