La destruction du pipeline d’ammoniac Togliatti-Odessa risque de porter préjudice à l’Initiative céréalière d’Istanbul, puisque Moscou n’a plus « aucun intérêt » à la prolonger, a déclaré le 8 juin à Sputnik Afrique le politologue Andreï Souzdaltsev, professeur associé au département des relations internationales du Haut Collège d’économie russe.
« L’installation, qui figurait dans l’une des conditions posées par la Russie pour prolonger l’accord sur les céréales, a tout simplement été détruite physiquement, dynamitée […]. Il est clair que l’Ukraine ne pourra pas réparer ce pipeline avant le 18 juillet [date d’expiration de l’accord céréalier, ndlr]. Cet accord ne présente pratiquement plus aucun intérêt pour la Russie, il ne lui apporte rien […]. La Russie n’a aucun intérêt à y rester », a-t-il indiqué.
Selon le politologue, les exigences de Moscou étaient assez modérées. Selon la logique russe, si les céréales ukrainiennes sont exportées, pourquoi les céréales et les engrais russes ne pourraient-ils pas l’être?
« Mais il s’est avéré que les pays occidentaux n’étaient pas de cet avis. La situation actuelle est donc plus propice au retrait de Moscou de l’accord », a-t-il ajouté.
Quel peut être le sort des pays dans le besoin en cas de non prolongation?
Pour M.Souzdaltsev, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, car bien que l’accord sur les céréales soit en vigueur depuis près d’un an, il n’a rien à voir avec la lutte contre la faim dans le monde.
« Pas plus de 3% des navires transportant des céréales ont été envoyés dans des pays souffrant de pénuries alimentaires. Une partie des céréales est allée en Turquie […]. D’autres céréales sont allées dans les pays du sud de l’Europe, où de grands négociants, qui ne sont en fait que des spéculateurs sur le marché des céréales, les ont revendues à des prix exorbitants. L’accord sur les céréales n’a rien à voir avec la réalité de la nécessité de fournir des céréales bon marché aux pays qui en ont besoin, c’est-à-dire les pays africains. C’est un mythe », a-t-il précisé.
À qui profite le non-renouvellement de l’accord?
L’interlocuteur de Sputnik Afrique pense que si l’Initiative d’Istanbul n’est pas renouvelée, cela n’est pas en faveur de Kiev, mais plutôt de certaines forces tierces qui contrôlent les marchés mondiaux des céréales et des engrais et qui ne veulent pas voir de céréales et d’engrais russes sur ces marchés.
Pour lui, des livraisons à grande échelle de produits russes réduiraient les prix élevés sur le marché mondial, ce qui serait bénéfique aux pays qui connaissent des pénuries alimentaires.
« Il s’avère donc que c’est la Russie, et non l’Occident, qui lutte pour que la faim ne sévisse pas dans le monde. Je pense que Kiev, au nom des pays occidentaux, fait même des choses qui ne lui sont pas bénéfiques », a conclu M.Souzdaltsev.
Initialement conclu en juillet 2022, l’accord a été prolongé plusieurs fois et expirera le 17 juillet. Moscou a à plusieurs reprises déclaré que le volet de l’accord qui concerne le déblocage des livraisons de produits agricoles et engrais russes ne fonctionnait pas.
La reprise des exportations d’ammoniac russe, permettant de fabriquer des engrais, par ce pipeline était la condition sine qua non que la Russie posait pour prolonger l’accord.