Un selfie devant une montagne de poubelles, des amas de détritus près des monuments iconiques de Paris. Dans la ville la plus visitée au monde, la grève du ramassage des ordures décidée pour faire barrage à une impopulaire réforme des retraites s’invite dans les déambulations des touristes.
Et, rien ne dit que les choses vont rapidement s’améliorer. Les éboueurs et agents de propreté de la Ville de Paris ont voté mardi matin la poursuite de la grève « au moins jusqu’au 20 mars ».
En milieu de soirée, en raison des « conditions sanitaires », le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a donné instruction au préfet de police de Paris, Laurent Nunez, de demander à la mairie de « réquisitionner » des moyens afin d’évacuer les ordures.
Si la mairie ne donne pas suite à la demande de réquisition, « l’Etat se substituera », a avancé l’entourage du ministre de l’Intérieur, cité par l’AFP. Ce qui signifie que l’Etat réquisitionnera des moyens pour collecter et évacuer les déchets.
Sur les bords de la Seine longeant la cathédrale Notre-Dame, des tas d’immondices obstruent la vue.
Les visiteurs souhaitant contempler la tour Eiffel depuis l’impressionnante esplanade du Trocadéro, lorsqu’ils sortent du métro, longent un mur de sacs plastiques noirs. Dans l’hypercentre, des venelles autrefois romantiques sont constellées de cartons, cagettes, parfois de nourriture avariée.
« J’ai jamais vu ça au Canada », lance Omera, une Canadienne juste après avoir photographié un amoncellement de poubelles à Saint-Michel, dans le Quartier latin. Et de pronostiquer : « Ca va faire partir les touristes, et ils ne vont pas revenir ! ».
Martin Ruiz, un Texan de 18 ans, regrette « l’odeur » : « C’est dégoûtant ». Un sentiment partagé par Angeles Mosqueda, dont la vision de l’opéra de Paris est perturbée par des monceaux de détritus. La Mexicaine se dit « mal à l’aise » face aux émanations « désagréables ».
La Ville lumière, la plus visitée au monde avec 34,5 millions de touristes recensés en 2022 selon les autorités, doit composer avec une importante grogne sociale, liée à une réforme des retraites voulue par le gouvernement du président Emmanuel Macron, à laquelle beaucoup de Français sont hostiles.
Pour faire fléchir l’exécutif, qui souhaite notamment retarder l’âge de départ à la retraite, les syndicats multiplient à l’échelle nationale les mouvements depuis bientôt deux mois : manifestations massives ayant rassemblé des millions de protestataires, journées de grèves dans les écoles, raffineries perturbées, centrales électriques ralenties, trains immobilisés…
A Paris, les éboueurs municipaux, actifs dans la moitié de la capitale, ont aussi décrété une pause depuis plus d’une semaine.
Une fois en retraite, « je sais que je vivrai pauvre », avec une pension de 1.200 euros mensuels grand maximum, inférieure au salaire minimum actuel et donc insuffisante pour s’imaginer un futur confortable, se désole Murielle Gaeremynck, une femme menue de 56 ans, éboueuse depuis deux décennies.
Leurs collègues, salariés d’entreprises privés actifs dans le reste de la capitale, font eux face au blocage des sites d’incinération. Résultat : plus de 7.000 tonnes de déchets n’avaient pas été ramassées mardi, selon la mairie. Un volume qui augmente chaque jour.