Riad Salamé, le gouverneur de la Banque centrale du Liban serait sur le point d’être sanctionné par le Trésor américain car de connivence avec le Hezbollah. L’information s’est propagée comme une tache d’huile au Liban aussitôt qu’elle a été annoncée par la télévision à capitaux saoudiens al-Hadath.
Pourtant depuis l’éclatement de la crise économique et financière au Liban dont une bonne part de la responsabilité lui est imputée, en raison de ses opérations d’ingénierie financière au bénéfice des banques privées, Salamé faisait l’objet de critiques acerbes de la part de l’environnement de la Résistance. Mêmes des journaux libanais dans la ligné pro américaine, comme Janoubiyat, qui est financé par l’USAID l’avait constaté. (A droite) L’édition date de 2016.
En revanche, exécutant à la lettre les demandes du Trésor américain pour le Liban, il était bien vu des Américains. Le 2 mai 2020, le secrétaire d’état adjoint pour le M-O, David Schenker avait assuré que « Washington entretient des relations fructueuses avec Salamé ». Avant la crise, il était encensé dans les médias occidentaux et accumulait les prix qui vantait ses performances.
L’information de la télévision saoudienne al-Hadath qui cite des sources américaines, avance que le Trésor américain a découvert des liens avérés entre le Hezbollah et le président de la BDL Riad Salamé, qu’il est « à un pas de lui imposer des sanctions » et Washington n’est pas du tout satisfaite de lui.
Nouvelle chute de la livre libanaise
Force est de constater qu’elle est aussi intervenue alors que la livre libanaise subissait une nouvelle dévaluation face au dollar américain.
Elle est passée de 64.000 L.L. à 76.500 L.L. le 15 février durant les 7 jours qui avaient précédé cette date, pour ensuite franchir le cap des 80.000 ces deux derniers jours. En 2019, le dollar s’échangeait à 1.507 L.L !
Les causes de cet effondrement : la Banque centrale n’est plus capable de contrôler le taux de change, rivalisée qu’elle est par les changeurs du marché noir qui ont proliféré comme des champignons ces derniers mois. C’est l’avis de l’expert économique libanais Pierre Khoury pour Sky News.
La responsabilité de la BDL
Une autre cause est mise de l’avant par d’autres experts économiques, qui stigmatisent plutôt la responsabilité de la BDL, compte tenu qu’elle a eu recours à imprimer la livre pour financer le Budget générale.
Par conséquent, la masse monétaire en L.L. est passée de 5 trillions en 2019 à 80 trillions en 2023, selon le Président de l’Institut libanais pour les études du marché Patrick Mardini.
Ces mesures seraient destinées selon lui à obliger le Parlement à voter en faveur de la loi du Capital Control, appliquée en cas de crise financière. Restreignant les transferts des fonds entre l’Etat et les institutions financières, elle interdit également tout transfert de fonds à l’extérieur et permet à la banque de ne restituer les dépôts des dépositaires qu’en tranches. La BDL exige également de légiférer toutes violations commises par les banques pour échapper à la justice ou des plaintes ont été portées. Ces dernières sont actuellement en grève ouverte pour protester contre des décisions juridiques.
Le même jour de sa diffusion, des sources américaines interrogées par le journal an-Nahar, proche du 14 mars ont refusé de confirmer ou d’infirmer cette information affirmant : « nous n’accordons aucun intérêt à ces rumeurs lancées par des personnages dans le but d’exacerber la crise économique dont souffre le Liban pour leurs propres intérêts ». Sachant que le média al-Hadath est à capitaux saoudiens, et donc allié de Washington.
Selon l’expert libanais Ali Mourad, la source de ces allégations sont les groupes du Likoud à Washington et plus précisément la Fondation de défense des démocraties et les Saoudiens l’ont reprise à leur compte.
La rencontre de Paris
Le secrétaire de rédaction du quotidien libanais al-Akhbar Ibrahim al-Amine a abordé cette information en y opérant une corrélation avec la rencontre de Paris du lundi 30 janvier qui a réuni, autour de la question de l’élection du président libanais, 5 pays : la France, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Egypte.
Tous les participants se sont mis d’accord sur la nécessité d’exercer des pressions extrêmes pour pousser les Libanais afin de mener à bien la présidence, en vacances, depuis la fin du mandat du président Michel Aoun fin octobre. Ils ont covenu de refuser la candidature de Michel Souleiman, le chef du parti des Maradas, considéré comme « le candidat du Hezbollah » pour les Saoudiens ou de Bachar al-Assad pour les Qataris, et revenant sur la candidature du commandant de l’armée.
Selon al-Amine, Saoudiens et Qataris ont exigé de menacer de sanctionner quiconque refuse cette candidature, ce que les Français ont rejeté et les Américains ont gardé le silence alors que les Egyptiens sont intervenus réclamant d’adoucir les termes « au risque que les menaces de sanctions ne soient perçues comme une ingérence dans les affaires internes libanaises et ne provoquent les forces capables de torpiller les présidentielles ».
Les responsables libanais grondés
Mais le terme a été utilisé ultérieurement, affirme al-Amine, de la part de tous les diplomates originaires de ces 5 pays, lors de leur rencontre avec le chef du Parlement Nabih Berri, le chef du gouvernement intérimaire Najib Mikati et le ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib.
Washington et Paris ne manquaient pas avant cette rencontre de réprimander les responsables libanais, alors que les Saoudiens juraient qu’ils ne paieront pas un sou que par le biais d’un fond commun avec la France. Tandis que les Américains et les Qataris insistaient qu’ils allaient continuer à soutenir l’armée et les forces de sécurité.
Même l’émissaire de la France à Beyrouth, Pierre Dukan qui est responsable du programme d’aides au Liban a grondé les responsables libanais pour avoir manqué à leurs promesses de réaliser des réformes convenues pendant la visite du président Emmanuel Macron au Liban, au lendemain de l’explosion du port de Beyrouth, seon al-Akhbar.
Le FMI ne veut plus de Salamé
Dukan est connu pour ses positions hostiles au gouverneur de la BDL d’autant que le Fonds monétaire international (FMI) avait stipulé que la restructuration du secteur bancaire devrait se faire selon des règles non établies par la BDL ni par l’Association des banques et leurs partisans dans le Parlement et le gouvernement, car leur perception exonère les banques de toute responsabilité dans l’effondrement financier qui s’est produit.
Il semble selon al-Amine que les Américains se sont alignés sur les positions de l’envoyé français, décidant de renoncer à Salamé, qui avait auparavant annoncé vouloir quitter son poste à la fin de son mandat le mois de juillet prochain. L’accuser de connivence avec le Hezbollah leur serait plus fructueux dans leur campagne de matraquage contre le parti de la résistance, axée autour d’accusations politisées et infondées pour lui imputer la crise économique. Leurs partisans au Liban se sont mis à la tache et ont entrepris sa diabolisation dans le but, une fois de plus d’acculer le Hezbollah.
Sous le coup de plusieurs plaintes devant les tribunaux européens, pour blachiment d’argent et autre griefs, Salamé est certes difficilement défendable. Devenu encombrant, ce serait la meilleur façon de s’en débarasser.
Des accusations qui n’encombrent pas le Hezbollah
Dans son discours jeudi soir, le numéro un du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah n’a nullement évoqué cette nouvelle accusation qui s’ajoutent à toutes les autres destinées à ternir son image, celles entre autres, l’ancienne nouvelle, aussi invraisemblable: qu’il dirige un réseau de stupéfiants depuis l’Amérique latine.
Cette dernière a été relancée dans un nouveau documentaire dont la première partie a été diffusée sur une télévision française publique, la veille de la rencontre de Paris. Une campagne était préparée au Liban pour l’escorter et la relayer. Elle a été éclipsée par le séisme meurtrier qui a frappé le sud de la Turquie et le nord de la Syrie.
D’autres épisodes similaires sont à prévoir.
Le Hezbollah ne semble pas s’en soucier. En revanche, comme le laisse entrevoir le discours de sayed Nasrallah du jeudi, il semble plus préoccupé par des velléités américaines de semer le chaos au Liban via les moyens économiques et financiers. « Dans ce cas, a-t-il menacé, le chaos se propagera dans toute la région jusqu’en Israël, votre filleul », a-t-il menacé.
Source: Divers