Le nouveau ministre britannique des Finances Jeremy Hunt a annoncé lundi annuler « presque toutes » les baisses d’impôts dévoilées le mois dernier, ce qui constitue un désaveu humiliant pour la Première ministre Liz Truss dont les jours à Downing Street semblent comptés.
M. Hunt, nommé vendredi dans l’urgence après que le « plan de croissance » de son prédécesseur Kwasi Kwarteng a plongé les marchés britanniques dans la tourmente, a martelé lundi lors d’une déclaration télévisée que la priorité du gouvernement était désormais de restaurer « la stabilité ». Quitte à limiter dans la durée les aides aux ménages face à la dramatique envolée des prix de l’énergie.
Le nouveau Chancelier de l’Echiquier, qui s’exprimera au Parlement plus tard lundi, a avancé la présentation de grandes lignes du projet budgétaire de moyen terme britannique qui doit être présenté dans sa totalité le 31 octobre, tentant de calmer les marchés.
Ces derniers sont plongés dans la tourmente depuis la présentation fin septembre de projets de baisses d’impôts massives et d’un soutien colossal aux factures énergétiques par Kwasi Kwarteng. Non pleinement chiffrés et devant être financés par emprunt, ils avaient fait craindre une sortie de route des finances publiques.
La livre avait chuté à un record historique de faiblesse et les taux d’emprunt à long terme de l’Etat avaient flambé.
Les fonds de pension, qui détiennent une large part de ces titres, s’étaient retrouvés fragilisés. Par ricochet les taux d’emprunt pour les ménages et les entreprises s’étaient également envolés, menaçant la santé économique compromise du pays, qui flirte avec la récession.
La Banque d’Angleterre avait dû intervenir pour empêcher la situation de se détériorer en crise financière. Le Fonds monétaire international (FMI) avait enjoint Downing Street de rectifier le tir et de travailler de concert avec la banque centrale, qui lutte contre une inflation à près de 10% et se retrouvait à contre-courant du plan économique de Truss, inflationniste sur la durée.
« Aucun gouvernement ne peut contrôler les marchés. Tous les gouvernements peuvent donner des gages de soutenabilité des finances publiques », a souligné M. Hunt.
« D’autres décisions difficiles » sont à venir pour les dépenses gouvernementales comme les impôts, a-t-il prévenu.
Après une conférence de presse catastrophique vendredi, la Première ministre devait quant à elle rencontrer dans la soirée des parlementaires, pour essayer de les convaincre, si c’est encore possible, qu’elle a encore un avenir à Downing Street.
Les sondages sont catastrophiques et plusieurs députés ont publiquement déclaré que la quatrième Première ministre du Royaume-Uni depuis le référendum du Brexit en 2016 devait partir. Avec au compteur seulement 40 jours au pouvoir, elle risque de devenir le Premier ministre ayant eu le plus court mandat jamais connu outre-Manche.
Les investisseurs ont réagi positivement aux déclarations de M. Hunt: la devise britannique progressait de 1% à 1,1285 dollar vers 10H45 GMT et le rendement des obligations à 30 ans chutait à 4,40%.
Parmi les annonces de lundi, « la plus grosse dépense », le plafond des factures énergétiques pour tous les ménages, « mesure phare pour aider des millions de personnes à traverser un hiver difficile », sera finalement en vigueur jusqu’à avril seulement et non plus pour deux ans.
Au-delà, le Trésor va réfléchir à une nouvelle approche qui « coûtera nettement moins cher au contribuable tout en assurant de l’aide pour les plus nécessiteux ».
Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown, estimait que « l’autorité de la Première ministre est à présent si diminuée que même le point central de sa stratégie, alléger la crise du coût de la vie, est largement amoindri ».
Dans la longue liste de baisses d’impôts qui partent à la poubelle, M. Hunt a énuméré le projet de centres d’achats sans taxes (duty-free) pour les non résidents, l’abaissement du taux d’imposition pour les dividendes, celui du taux d’impôt sur le revenu pour la première tranche de revenus à 19% à partir d’avril 2023…
Sont toutefois maintenues la baisse de la taxe sur les transactions immobilières et l’annulation d’un prélèvement destiné au financement des services de santé.
Deux revirements notables avaient déjà été annoncés: une baisse du taux d’imposition pour les revenus des plus aisés a été annulée et une hausse de l’impôt sur les sociétés qui avait été prévue sous Boris Johnson aura finalement lieu.
L’ensemble de ces mesures fiscales « permettront de lever environ 32 milliards de livres par an », a précisé M Hunt.