Il voulait d’abord faire de l’Arabie saoudite un « paria », puis a tenté un rapprochement en juillet… Joe Biden, échaudé par les décisions de Ryad sur le pétrole, a nettement haussé le ton mardi 11 octobre contre le royaume.
« Il y aura des conséquences pour ce qu’ils ont fait, avec la Russie », a menacé le président américain lors d’une interview avec la chaîne CNN, sans préciser de quelle nature elles seraient.
Il faisait référence à la récente décision de l’Opep+, cartel du pétrole emmené par Ryad, de sabrer ses quotas de production, ce qui pourrait faire flamber les cours – et donc garnir les caisses de la Russie, qui compterait sur ses ventes d’hydrocarbures pour financer la guerre en Ukraine, rapporte l’AFP.
« Au vu des récents événements et des décisions de l’Opep+, le président pense que nous devrions réévaluer la relation bilatérale avec l’Arabie saoudite », avait déjà dit auparavant John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, à la presse.
Joe Biden « est prêt à travailler avec le Congrès pour réfléchir à ce que doit être cette relation », a aussi assuré ce conseiller.
Camouflet
L’Opep+ –les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) menés par l’Arabie saoudite et leurs dix partenaires conduits par la Russie– a infligé un camouflet diplomatique à Joe Biden, qui réclamait au contraire une offre abondante.
Le président américain s’était déplacé en Arabie saoudite en juillet pour rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salmane, après avoir pourtant juré, pendant sa campagne, de faire du royaume un « paria » à la suite du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faiçal ben Farhane a expliqué mardi sur la chaîne Al-Arabiya que la baisse de production représentait une démarche « purement économique prise à l’unanimité des pays membres » de l’organisation, visant à « maintenir un marché du pétrole durable ».
La décision du cartel pétrolier a suscité une vague d’indignation parmi les membres du Congrès américain et en particulier parmi les parlementaires du parti démocrate, celui de Joe Biden.
Le puissant chef de la commission des Affaires étrangères du Sénat Bob Menendez a menacé lundi de bloquer toute future vente d’armes à l’Arabie saoudite.
Le sénateur démocrate Richard Blumenthal et l’élu à la Chambre des représentants Ro Khanna l’ont pris au mot en présentant mardi un projet de législation pour mettre fin à ces exportations.
Ventes d’armes
Le partenariat entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite avait été scellé après la fin de la Seconde Guerre mondiale, assurant au royaume une protection militaire contre un accès au pétrole pour les Américains.
Cette relation émaillée de crises avait été relancée par l’ancien président républicain Donald Trump, avec de pharaoniques ventes d’armes à la clé.
Selon le Stockholm International Peace Research Institute, entre 2016 et 2020, l’Arabie saoudite a pesé 24% du total des exportations d’armement américaines.
La relation est « stratégique » et a fait « progresser la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient », a relevé mardi l’ambassade saoudienne à Washington dans un communiqué. La coopération militaire bilatérale « sert les intérêts des deux pays », a-t-elle ajouté.
L’Arabie saoudite dirige depuis 2015 une coalition militaire qui mène une guerre sans merci contre le Yémen.
Joe Biden, conscient de la fureur des activistes des droits humains, avait justifié son voyage en Arabie saoudite par le souci de la sécurité énergétique mais aussi de la sécurité régionale.
Mais l’image d’un salut familier poing contre poing échangé avec Mohammed ben Salmane n’en a pas fini de se retourner contre Joe Biden. Depuis la décision de l’Opep+, la presse américaine regorge d’éditoriaux assassins sur l’échec de sa « diplomatie du +fist bump+ ».