Après deux jours de polémique, le géant français de l’énergie TotalEnergies a annoncé le vendredi 26 août céder ses parts dans une entreprise accusée de fabriquer du carburant utilisé par des avions russes engagés dans la guerre en Ukraine.
Le champ gazier de Termokarstovoïe, exploité par la société Terneftegaz (codétenue à 49 % par le groupe français et à 5 1% par le russe Novatek), est accusé par le journal Le Monde et l’ONG Global Witness d’avoir fourni du condensat de gaz à une raffinerie russe, qui en a fait du kérosène.
Ce dérivé de pétrole aurait ensuite été expédié pour alimenter des avions russes engagés dans le conflit en Ukraine.
Selon l’enquête publiée mercredi, les expéditions de Terneftegaz ont représenté plus de 8 % de la matière première réceptionnée à Omsk en Russie depuis l’intervention en Ukraine.
Sous pression depuis la parution de l’enquête, TotalEnergies a démenti la destination de ces combustibles, affirmant aussi que les démarches pour céder cette coentreprise avaient commencé il y a plusieurs semaines.
TotalEnergies dément fermement
« Non, TotalEnergies ne produit pas de kérosène pour l’armée russe », a assuré le groupe français vendredi matin. TotalEnergies s’est accordé le 18 juillet avec Novatek (qu’il détient par ailleurs à 19,4 %, NDLR) pour lui céder sa participation de 49 % dans Terneftegaz, et ce « dans des conditions économiques permettant à TotalEnergies de recouvrer les montants investis dans ce champ », indique le communiqué, qui ne donne pas de chiffres.
Novatek a confirmé dans un communiqué qu’il détenait désormais 100 % de ce champ.
Les autorités russes ont été saisies le 8 août d’une demande d’autorisation de cette transaction, elles ont donné leur accord le 25 août, et TotalEnergies et Novatek ont signé ce vendredi l’accord définitif de vente.
Le géant pétrolier ajoute que cette cession relève de ses « principes d’action » fixés dès mars pour ses activités en lien avec la Russie.
Vendredi matin, le groupe a publié des éléments venus de Novatek assurant que ce combustible n’est en aucun cas destiné à l’armée russe.
« Tous les condensats instables produits par nos filiales et sociétés liées à Novatek sont traités dans notre usine de stabilisation de condensats de Purovsky », avant d’être « livrés au complexe industriel de Ust-Luga dans la région de Leningrad, qui fabrique des produits dont du kérosène exclusivement exporté hors de Russie », assurait Novatek dans ce communiqué publié par TotalEnergies.
Le groupe toujours présent en Russie
Depuis l’intervention russe en Ukraine, le groupe français coté en Bourse est critiqué car il est la dernière majeure pétrolière occidentale à ne pas avoir quitté la Russie. L’entreprise s’était justifiée en mars en déclarant que, faute de trouver un acheteur non russe, abandonner ses activités russes « contribuerait donc à enrichir des investisseurs russes en contradiction avec l’objet même des sanctions ».
« La France devrait avoir honte que des entreprises françaises participent aux meurtres d’Ukrainiens et à la mise à sac de nos villes », s’est ému sur Twitter Dmytro Kouleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, à la suite des révélations du Monde. « TotalEnergies, retirez-vous de Russie ! », ajoute-t-il.
Greenpeace France a de son côté qualifié cette cession « d’écran de fumée aux relations commerciales encore actives de TotalEnergies en Russie », appelant le pétrolier à « céder ses participations dans Novatek qui ravitaille l’armée russe ».
Depuis le début de la guerre, TotalEnergies se désengage progressivement de la Russie, pays hautement stratégique : il y produit 16,6 % de ses hydrocarbures et 30 % de son gaz.
Les activités de TotalEnergies y restent essentiellement concentrées autour du gaz liquéfié venu de Yamal LNG. Début avril, le groupe français a ainsi annoncé un « début de repli » de Russie en y dépréciant 4,1 milliards d’actifs, notamment en arrêtant de financer le projet gazier Arctic LNG 2.
Et en juillet, TotalEnergies a cédé sa participation de 20 % dans un champ pétrolier situé en Arctique à la société russe Zarubejneft, un site qui avait produit « plus de 20 millions de tonnes » de pétrole depuis les premières extractions en 1999.
Source: Avec AFP