Le ton se durcit entre Khartoum et Le Caire, à propos d’un contentieux territorial sur le triangle de Halaïb. Lors d’un entretien télévisé diffusé dimanche, le président soudanais Omar el-Béchir a menacé de porter l’affaire devant l’ONU et a accusé l’Égypte de soutenir des opposants soudanais.
« Halaïb est soudanais et nous ne ferons pas de concessions » au sujet de ce territoire de 20 000 km2 situé sur la mer Rouge et administré par l’Égypte, a déclaré Omar el-Béchir sur la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya. Khartoum portera l’affaire devant « le Conseil de sécurité de l’ONU » si l’Égypte « refuse (un règlement) par la négociation », a ajouté l’homme qui dirige le Soudan d’une main de fer depuis plus de 25 ans.
L’Égypte revendique la frontière de 1899 correspondant au 22e parallèle ; cette interprétation place le triangle de Halaïb sous contrôle égyptien et le Bir Tawil sous contrôle soudanais.
Le Soudan revendique la frontière de 1902 : dans cette optique, le triangle de Halaïb est situé au Soudan et le Bir Tawil en Égypte. En conséquence, les deux pays revendiquent le triangle de Halaïb, mais aucun ne prétend à la souveraineté sur le Bir Tawil, qui est dix fois plus petit que le triangle et n’a aucun accès à la mer.
L’Égypte envoie des troupes dans la région en février 1958, mais les retire le même mois. Bien que les deux pays la revendiquent, elle reste sous contrôle soudanais jusqu’en 1992, lorsque l’Égypte proteste contre l’autorisation donnée par le Soudan à une compagnie pétrolière canadienne dans les eaux situées au large de Halaïb. Des négociations sont engagées, mais la compagnie se retire avant qu’un accord de souveraineté ne soit conclu. En janvier 2000, le Soudan retire ses troupes de la région, cédant de facto son contrôle à l’Égypte, qui l’occupe depuis.
La dispute au sujet du triangle de Halaïb avait resurgi en 1991 après une détérioration des relations entre Khartoum et Le Caire, qui accusait alors le gouvernement islamiste soudanais de soutenir des intégristes égyptiens armés. Depuis, ce territoire a été le théâtre de violents accrochages entre les deux pays. Khartoum a rappelé son « droit de souveraineté » sur deux territoires frontaliers au bord de la mer Rouge administrés par l’Egypte, mais également revendiqués par Khartoum.
Il s’agit d’un vieux contentieux entre les deux pays voisins: le Soudan s’oppose régulièrement à l’administration de Halaïb et Chalatin par l’Egypte en arguant du fait que les deux localités font partie intégrante du Soudan depuis la fin des années 1950.
Khartoum multiplie depuis avril les revendications alors que son voisin égyptien a accepté de rétrocéder deux îlots de la mer Rouge à l’Arabie Saoudite, une décision qui a suscité un vent de contestation dans les rues de la capitale égyptienne.
« Nous n’allons pas abandonner notre droit de souveraineté sur le triangle de Halaïb », a déclaré lundi au Parlement le ministre des Affaires étrangères Ibrahim Gandour.
« Nous avons adopté des mesures politiques et judiciaires pour revendiquer nos droits dans le triangle de Halaïb », a-t-il ajouté.
M. Gandour a également indiqué que Khartoum cherchait à se procurer une copie de l’accord égypto-saoudien sur la rétrocession des îlots inhabités de Tiran et Sanafir au large de la péninsule du Sinaï.
« Nous avons besoin de mesurer l’impact de cet accord sur nos frontières maritimes », a-t-il dit aux parlementaires.
L’accord entre Ryad et Le Caire a suscité l’ire de nombreux Egyptiens dont des centaines ont manifesté courant avril au Caire.
Le président soudanais a affirmé entretenir « d’excellentes relations » avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, mais pas avec son régime qu’il accuse d’accueillir « des opposants soudanais, soutenus par les services de renseignement égyptiens ». Il a par ailleurs affirmé que le Soudan n’offrait pas l’asile à des dirigeants égyptiens de la confrérie des Frères musulmans, ennemi juré du président Sissi.
Au sujet du récent allègement des sanctions économiques américaines contre son pays, le chef de l’État soudanais a indiqué qu’il existait entre son pays et les États-Unis « une feuille de route en cinq points, dont celui du terrorisme qui a été réglé à 100% de l’aveu des Américains ». Il a dit attendre « une décision du Congrès américain » pour que le Soudan soit retiré « de la liste des pays soutenant le terrorisme ».
À la mi-janvier, l’ex-président américain Barack Obama avait justifié la levée de certaines sanctions économiques contre le Soudan en parlant d’avancées « positives » de Khartoum, en particulier au sujet de sa coopération pour « répondre aux conflits régionaux et à la menace du terrorisme ». Depuis 1997, le Soudan est soumis à un embargo commercial pour son soutien présumé à des groupes islamistes radicaux. Le chef et fondateur d’al-Qaïda Oussama ben Laden avait établi ses quartiers à Khartoum entre 1992 et 1996.
Par Bob Woodward
Source : Decryptnewsonline