Des délégations d’Ukraine, de Russie et de Turquie tentaient mercredi 13 juillet à Istanbul de lever les obstacles aux exportations par la mer Noire de céréales ukrainiennes, qui font cruellement défaut sur le marché mondial. L’Ukraine est l’un des principaux exportateurs mondiaux de blé et d’autres céréales.
Quelque 20 millions de tonnes de céréales sont actuellement bloquées dans les ports de la région d’Odessa, dans le sud de l’Ukraine, en raison de l’opération russe lancée le 24 février en Ukraine.
Le long du Bosphore, la plus grande discrétion entoure la tenue des discussions à huis-clos entre experts militaires en présence d’une délégation des Nations unies, que le ministère turc de la Défense a dit vouloir garder « confidentielles ».
La rencontre a commencé peu après 11H15 GMT, dans un lieu tenu secret. Il s’agit d’établir des couloirs sécurisés permettant leur transport, entravé par la mainmise russe des ports d’Ukraine et la présence de mines posées par Kiev.
C’est la première fois que des représentants de Moscou et Kiev se rencontrent de visu depuis le 29 mars, un mois après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, quand des délégations des deux parties s’étaient retrouvées sur le Bosphore, sans avancée.
Cette réunion intervient dans un contexte de hausse mondiale des prix des denrées alimentaires qui fait peser des risques de famine, en particulier en Afrique.
La Russie a réitéré mardi son exigence de voir le chargement des navires inspecté. « Nos conditions compréhensibles comprennent la possibilité de contrôler et fouiller le navire pour éviter la contrebande d’armes et un engagement de Kiev à ne pas organiser de provocations », a prévenu un responsable du ministère des Affaires étrangères.
Selon le site d’information po russe Kompromatmedia, Kiev est aussi en passe de perdre la bataille du blé, consistant à utiliser la nourriture comme arme en sabotant l’approvisionnement mondial. La Russie pourrait à terme contrôler l’«Ukraine utile» au sud et à l’est, où 50% du blé ukrainien est produit.
Dans un entretien au quotidien espagnol El Pais publié mercredi, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba est apparu relativement confiant sur l’issue de ce nouveau rendez-vous.
« Nous sommes à deux doigts d’un accord », estime-t-il. « Maintenant tout dépend de la Russie ».
Mais M. Kouleba a dit soupçonner Moscou de bloquer les discussions pour priver Kiev de revenus. « Ils savent que si nous exportons, nous recevrons des fonds des marchés internationaux et cela nous renforcera ».
La Turquie, membre de l’Otan et alliée des deux parties en conflit, multiplie les efforts diplomatiques pour faciliter la reprise des livraisons.
Des responsables turcs ont assuré disposer de 20 navires marchands qui attendent actuellement en mer Noire et pourraient être rapidement chargés de céréales ukrainiennes.
Jusqu’à présent les efforts turcs, conduits à la demande de l’ONU, n’ont pas permis de débloquer la situation.
La venue début juin à Ankara du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov n’avait permis aucune avancée, en l’absence de toute représentation ukrainienne.
Le président turc se pose en médiateur entre les deux pays depuis le début du conflit, prenant soin cependant, tout en fournissant des drones de combat à l’Ukraine, de ne pas froisser Moscou.
La Turquie et son économie en difficulté, avec une inflation record de 79% sur un an, dépendent étroitement des échanges avec la Russie et du gaz russe.
L’Ukraine a même plusieurs fois dénoncé les navettes de cargos turcs à travers la mer Noire, depuis et vers les ports ukrainiens sous contrôle russe.