L’Algérie a rappelé, le samedi 19 mars, son ambassadeur à Madrid pour protester contre un «brusque revirement» de l’Espagne qui s’est dite favorable à un plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara occidental, un dossier dans lequel Alger soutient les indépendantistes du Polisario.
L’Espagne, pourtant très dépendante de l’Algérie pour ses approvisionnements en gaz, dont les prix ont flambé après l’intervention russe en Ukraine, a opéré vendredi un changement de position radical sur ce dossier sensible.
Le gouvernement espagnol a apporté pour la première fois publiquement son soutien au projet d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, alors que Madrid avait toujours adopté une position neutre entre Rabat et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario.
«Très étonnées par les déclarations des plus hautes autorités espagnoles relatives au dossier du Sahara occidental, les autorités algériennes, surprises par ce brusque revirement de position de l’ex-puissance administrant le Sahara occidental, ont décidé le rappel de leur ambassadeur à Madrid pour consultations avec effet immédiat», a indiqué le ministère des Affaires étrangères algérien dans un communiqué.
Flux migratoires
Le chef de la diplomatie espagnole José Manuel Albares avait indiqué vendredi à Barcelone que l’Espagne «considère l’initiative d’autonomie présentée en 2007» par le Maroc, comme «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend» entre Rabat et le Polisario.
Cette nouvelle position a été saluée par les autorités marocaines comme des «engagements constructifs», ouvrant la voie à un dégel des relations bilatérales.
Une brouille diplomatique majeure opposait Rabat et Madrid depuis avril 2021 après l’accueil en Espagne pour y être soigné de la COVID-19, du chef du Polisario Brahim Ghali.
Elle s’était traduite par l’arrivée massive en mai 2021 de migrants d’origine marocaine dans l’enclave espagnole de Ceuta (nord du Maroc), profitant d’un relâchement de la surveillance des frontières côté marocain.
Dans le cadre de la normalisation des relations entre les deux pays, une visite du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez au Maroc, dont la date n’a pas été communiquée, est programmée tandis que le chef de la diplomatie se rendra lui à Rabat «avant la fin du mois», selon le gouvernement espagnol.
Selon Bernabé López, professeur d’études arabes et islamique à l’Université autonome de Madrid, ce geste espagnol sur le Sahara a en particulier pour but d’obtenir de Rabat une gestion des flux migratoires. Afin «qu’il y ait plus de contrôle et non cette absence intentionnée de contrôle de la part du Maroc», juge-t-il.
Le conflit du Sahara occidental, ex-colonie espagnole considérée comme un «territoire non autonome» par l’ONU, oppose depuis des décennies le Maroc aux indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.
Rabat, qui contrôle près de 80% de ce territoire désertique au riche sous-sol et aux eaux très poissonneuses, propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté tandis que le Polisario réclame un référendum d’autodétermination, prévu lors de la signature en 1991 d’un cessez-le feu mais jamais concrétisé.
«Grave erreur»
Le Polisario a dénoncé samedi le changement de position de Madrid, exprimant «beaucoup d’étonnement» face à une position espagnole qui «contredit absolument la légitimité internationale».
Les indépendantistes sahraouis ont appelé les forces politiques à Madrid à «faire pression sur le gouvernement espagnol pour qu’il corrige cette grave erreur».
«Les Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne, la Cour internationale de justice et la Cour européenne de justice et toutes les organisations régionales ne reconnaissent pas une quelconque souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental», a ajouté le Polisario dans un communiqué.
L’Algérie a fourni en 2021 plus de 40% du gaz naturel importé par l’Espagne, dont l’essentiel lui parvient à travers le gazoduc sous-marin Medgaz, d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an.
Une autre partie du gaz algérien arrivait jusqu’en octobre dernier en Espagne à travers un autre gazoduc, le GME, passant par le Maroc. Depuis l’automne, Alger en a suspendu le fonctionnement après la rupture fin août de ses relations diplomatiques avec Rabat.
Source: Avec AFP