Le ministre russe des Affaires étrangères a déclaré le samedi 5 mars que Moscou soutiendrait le retour à l’accord nucléaire avec l’Iran (Plan d’action global commun) seulement si Washington garantissait à Moscou que les sanctions actuelles et futures contre lui « ne porteront pas atteinte à l’interaction de la Russie avec l’Iran ».
Sergueï Lavrov a précisé que l’accord était pratiquement prêt mais, d’une part, Téhéran « exige davantage de clarté sur certaines questions », et de l’autre, Moscou a rencontré des problèmes.
Comme l’a déclaré le chef de la diplomatie russe, l’accord avec l’Iran ouvre la porte à ce pays pour coopérer dans le secteur du nucléaire civil et d’autres domaines économiques, notamment avec la Russie. Mais il a ajouté que « l’avalanche de sanctions qui se sont abattues sur la Russie depuis l’Occident et qui n’est pas encore terminée nous pousse à exiger des garanties claires que ces sanctions n’affecteront pas les liens commerciaux, économiques et d’investissement prévus par l’accord avec l’Iran ».
Sachant qu’il a mentionné exprès la future coopération militaire et technique entre la Russie et l’Iran.
À cet égard, Moscou exige des garanties écrites en la matière au moins au niveau du secrétaire d’État américain. Cela signifie que les négociations à Vienne sur le Plan d’action pourraient être suspendues. Les autres participants aux pourparlers de Vienne ne prévoyaient pas un tel tournant.
Selon le négociateur de l’UE Enrique Mora, qui prédisait l’entrée des négociations dans la dernière ligne droite, des « surprises » étaient attendues uniquement du côté de Téhéran, qui gardait dans sa manche « certaines questions d’actualité non réglées ».
Nous assistons à une situation paradoxale. Plus tôt, la diplomatie russe jouait pratiquement le rôle de médiateur principal entre les États-Unis et l’Iran.
La Russie avait beaucoup œuvré pour convaincre l’Iran à faire des compromis. C’est pourquoi cette question a été récemment examinée à Moscou lors d’un entretien entre le président iranien Ebrahim Raïssi et son homologue russe Vladimir Poutine. Plus tôt, ce dernier avait abordé ce thème avec le dirigeant américain Joe Biden. Les deux avaient alors espéré que les négociations relancées en novembre 2021 à Vienne permettraient à tous les participants de déboucher sur une solution optimale.
Mais la situation a changé. Auparavant, c’était Israël qui exigeait des États-Unis qu’ils renoncent à la signature du Plan d’action, et à présent c’est Moscou qui bloque l’accord.
Lors d’une récente visite du premier ministre israélien Naftali Bennett dans la capitale russe, le dossier iranien était à l’ordre du jour au cours de son dialogue avec Vladimir Poutine. Comme l’indique le quotidien israélien The Jerusalem Post, « la crise ukrainienne et le programme nucléaire iranien se trouvent objectivement dans un seul paquet ».
De plus, Israël est inquiet car Moscou a l’intention de développer sa coopération militaire avec Téhéran en dépit des sanctions américaines. C’est un défi russe lancé ouvertement à Washington, qui n’a pas d’accord alternatif sur l’Iran ou d’autres propositions.
Par ailleurs, les États-Unis voudraient régler le « problème iranien » à leur manière: ouvrir le marché au pétrole iranien pour faire baisser les prix et remplacer le pétrole russe en cas d’embargo énergétique contre Moscou. Des conseillers de Joe Biden évoqueraient la possibilité de sa visite en Arabie saoudite « en mars » pour tenter de persuader Riyad d’augmenter la production pétrolière.
À présent, les États-Unis doivent changer leurs priorités au Moyen-Orient. Pour l’instant, ils ont rejeté les exigences de Moscou concernant des « garanties écrites » que les sanctions occidentales décrétées contre la Russie n’impacteront pas ses relations avec l’Iran. Pour l’instant.
En ce qui concerne la position de Téhéran, de toute évidence, ce tournant est une surprise pour lui. L’Iran n’ira pas jusqu’à un conflit armé avec Israël au moins parce qu’il n’est pas avantageux pour lui de se transformer uniquement en « problème israélien ».
Des signes d’une coopération militaire plus étroite sont apparus entre Moscou et Téhéran, et dans certains secteurs ils commencent à adopter une position politique et stratégique commune.
Par Alexandre Lemoine
Source : Observateur continental
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