Dans la soirée de ce jour fatidique, le président américain Joe Biden a finalement fait son apparition. Le monde attendait impatiemment la position qu’il allait prendre face à l’opération lancée par la Russie contre l’Ukraine. Pendant la journée, ses alliés occidentaux avaient soufflé le chaud surtout évoquant le scénario des sanctions les plus sévèes et un peu moins celui du recours à la force.
Ayant violemment condamné « une violation du droit international par la Russie », accusant son homologue russe d’avoir « choisi les tambours de la guerre », il a néanmoins exclu le choix militaire:
« Les Etats-Unis n’ont jamais mené et ne mèneront pas d’action militaire en Ukraine », a-t-il affirmé.
Il a en revanche évoqué des sanctions contre des entreprises et des personnalités russes. Il s’agit des banques détenant 1.000 milliards de dollars d’actifs, dont la banque VTB, a-t-il précisé depuis la Maison-Blanche. Il a exclu pour le moment de couper la Russie de Swift, l’un des plus importants réseaux de messagerie bancaire .
Quelques minutes plus tard, le Pentagone déclarait qu’il enverrait 7.000 militaires en Ukraine. Alors que les responsables américains assuraient que les forces russes s’approchent de Kiev et qu’elles continuent d’affluer en grand nombre en Ukraine.
Les États-Unis avaient déjà dévoilé mardi, puis mercredi, des premières salves de représailles économiques, en réponse à la décision de Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des territoires sécessionnistes dans l’est de l’Ukraine.
Selon des médias, (La Presse) ils entendent à la fois ébranler à court terme la Russie en tarissant ses flux financiers, et saper à long terme les projets de diversification industrielle d’un pays ultra-dépendant de ses ventes d’hydrocarbures. Le tout en tapant au portefeuille des oligarques russes. Est d’ores et déjà sanctionné l’entreprise chargée d’exploiter le gazoduc Nord Stream 2.
Ce qui explique les raisons pour lesquelles le président russe s’est adressé en fin de journée aux hommes d’affaires russes. Dans son deuxième discours de la journée, après celui qu’il a prononcé à l’aube, où il a donné le coup d’envoi à l’opération militaire dans le Donbass, précisant ses objectifs dans un discours télévisé.
Ces hommes d’affaires russes, « les oligarques » tel que les qualifient les médias occidentaux, pourraient être les plus lésés. Leur rencontre est plus que nécessaire pour les persuader de consentir les sacrifices prévisibles dues aux sanctions. « Ce qui se passe est une mesure nécessaire, on ne nous a pas laissé d’autres chances de faire autrement », leur a insisté.
Aux portes de Kiev et de Tchernobyl
Sur le terrain, les évolutions militaires semblaient facilement être à l’avantage de la Russie.
A la fin de la journée, le ministère russe de la Défense assurait que les Forces armées russes ont complété tous les objectifs de ce jeudi, dans le cadre de l’opération spéciale.
Depuis l’aube, ses forces armées avaient visé des centaines de cibles dans le Donbass, et plus précisément dans les régions contrôlées par Kiev à Lougansk et Donetsk.
Les raids et les bombardements ont atteint la capitale ukrainienne Kiev ou de puissantes explosions ont été entendues. Des gardes-frontières ukrainiens ont fait état que des unités militaires russes ont pénétré dans la région de Kiev à partir du Bélarus pour mener une attaque avec des missiles Grad sur des cibles militaires. Et il est question de combats meurtriers aux portes de la capitale ukrainienne.
Les Ukrainiens ont aussi fait état de combats menés pour les villes de Guenitchesk, Skadovsk et Chaplynka, dans la région de Kherson, près de la Crimée.
Dans l’après-midi, le conseiller du ministère de l’Intérieur ukrainien Anton Guerachtchenko a indiqué que des combats se déroulaient près du dépôt des déchets nucléaires de la centrale de Tchernobyl.
D’autres villes ukrainiennes ont rapporté des explosions ou des sirènes d’alarme : Odessa à l’est sur la mer noire, Lviv à l’ouest où des bombardements ont été entendus dans certains quartiers de la ville, en provenance des Ukrainiens apparemment et à Marioupol, le principal port de l’est du pays.
Durant ces attaques, le ministère russe de la Défense veillait à assurer qu’aucun missile ni aucune frappe d’artillerie ne sont visés sur les villes ukrainiennes. Et que «Rien ne menace la population civile». Assurant que des armes de haute précision détruisent les infrastructures militaires : aérodromes militaires, aviation, installations de défense antiaérienne des forces armées ukrainiennes.
83 installations militaires ukrainiennes détruites
Selon le ministère russe, les bases aériennes ainsi que les moyens de défense anti-aérienne des forces ukrainiennes ont été neutralisés.
«Les militaires du service des frontières d’Ukraine n’opposent aucune résistance aux unités russes. Les moyens de défense anti-aérienne des forces armées ukrainiennes ont été neutralisés. Les infrastructures militaires des bases aériennes des forces armées ukrainiennes sont neutralisées. Les informations des médias étrangers sur un avion russe prétendument abattu au-dessus du territoire ukrainien ne correspondent pas à la réalité », a-t-il expliqué, cité par les agences russes. L’armée ukrainienne avait auparavant annoncé avoir abattu cinq avions et un hélicoptère russe.
Au milieu de la journée, le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général Igor Konachenkov, a annoncé que les troupes des républiques autoproclamées du Donbass ont réalisé des gains territoriaux. Progressant de trois kilomètres à Donetsk et d’un kilomètre et demi dans Lougansk.
En fin d’après-midi, il assurait que, depuis le début de l’opération, l’armée russe a détruit 83 installations militaires dont 11 aérodromes et quatre avions ukrainiens. Alors que Léonid Passetchnik, président de la République populaire autoproclamée de Lougansk, multipliait ses appels aux forces ukrainiennes à déposer les armes et arrêter une résistance qui ne sert, selon lui, à rien.
Question de bilan: selon la présidence ukrainienne, plus de 40 soldats et une dizaine de civils auraient été tués pendant cette journée. Alors que 13 civils et neuf militaires auraient été tués dans la région de Kherson, dans le sud de l’Ukraine qui est en partie contrôlée par les troupes russes selon l’administration régionale.
Dénazification de l’Ukraine et agissements nazis de la Russie
De part et d’autre entre la Russie et l’Ukraine, les responsables abondaient pour dévoiler les griefs de chacun, usant la même rhétorique parfois.
Précisant les objectifs de l’opération militaire russe en Ukraine, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a dit : «Les objectifs ont été nommés par le président: la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine. Ils représentent une menace pour notre Etat et notre peuple. Les délais seront déterminés sur des critères d’efficacité et de pertinence. Naturellement, ils seront fixés par le commandant suprême des armées [le président russe].»
Côté ukrainien, les déclarations des responsables n’ont pas connu de répit, pour condamner l’opération russe et surtout impliquer les puissances occidentales dans le conflit exigeant des sanctions.
Comparant les agissements de la Russie à celles de « l’Allemagne nazie pendant la seconde guerre mondiale », le président Volodymyr Zelensky a appelé à créer une « coalition anti-Poutine » afin de contraindre la Russie à cesser son opération. « La Russie a attaqué l’Ukraine de façon lâche et suicidaire », a-t-il ajouté. Il a proclamé la loi martiale et annoncé la rupture des relations diplomatiques avec Moscou.
Il y a eu aussi la déclaration de son ministre des Affaires étrangères selon lequel l’opération russe vise à «détruire l’Etat ukrainien, s’emparer de son territoire par la force et établir une occupation».
Sanctions économiques les plus sévères. Moscou ne bronche pas
Pendant toute la journée de ce jeudi, les dirigeants européens n’ont eu de cesse pour passer en boucles, l’un après l’autre, pour condamner dans les termes les plus fermes l’opération russe. Certains ont convoqué les ambassadeurs russes dans leurs pays.
Mais ils ont surtout brandi l’arme des sanctions, laissant la décision du recours à la force à l’OTAN.
Annalena Baerbock, la ministre allemande des Affaires étrangères, a promis que Berlin et ses alliés allaient déployer « les sanctions les plus sévères » contre la Russie. « Nous allons aujourd’hui nous coordonner au sein de l’UE, de l’Otan et du G7 et nous allons mettre en œuvre le paquet complet de sanctions les plus sévères », a-t-elle fait valoir, précisant que ces sanctions auraient des « répercussions » sur l’économie allemande.
Lors d’un discours, le président tchèque Milos Zeman a appelé à exclure la Russie du réseau bancaire SWIFT.
Avant l’annonce de Biden, Boris Johnson faisait part des restrictions qui frapperont certaines entreprises et banques, indiquant qu’il allait geler les actifs de la banque russe VTB et imposer des sanctions à l’égard de la compagnie aérienne Aeroflot.
Mais la Russie ne bronche pas. Elle a riposté en promettant une réplique aux sanctions européennes devant être prises à son encontre, assurant que celles-ci « n’empêcheront pas» l’assistance de Moscou aux républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk. « Conformément au principe de réciprocité, qui est à la base du droit international, nous prendrons des mesures de rétorsion sévères», a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
Recours à la force?
Une question s’impose en fin de ce jour « tournant », selon les termes du président français : les Occidentaux pourraient-ils se contenter de ces sanctions ou voudraint-ils recourir à la force militaire?
Selon le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, l’organisation a « activé les plans de défense afin de pouvoir déployer la capacité de la force de réaction là où ce sera nécessaire », précisant qu’« un sommet en visioconférence » entre ses 30 membres se tiendrait le 25 février. Il devrait donner le dernier mot.
«Des forces terrestres et aériennes défensives supplémentaires vont être déployées dans la partie orientale de l’Alliance, ainsi que des moyens maritimes supplémentaires», a fait savoir auparavant un diplomate auprès de l’agence française de presse.
Quelle que soit la position que cette organisation prendra pour le moment, il est vrai qu’une plaie s’est ouverte en Europe.
Source: Divers