Tandis que Pékin modernise à marche forcée son arsenal militaire, l’Inde accuse un décalage considérable face à son voisin et rival. Néanmoins, au vu des relations bilatérales dégradées dans l’Himalaya, New Delhi a annoncé l’achat de 56 avions de transport militaire. Il lui en faudra bien plus pour combler son retard selon le général Lamballe.
La course aux armements est-elle lancée en Asie? Après les escarmouches sur le toit du monde entre armées chinoise et indienne en 2020, New Delhi ne ménage pas ses efforts pour renforcer son appareil militaire vieillissant. Face à une Armée populaire de libération (APL) chinoise modernisée, le gouvernement de Narendra Modi a annoncé le 8 septembre l’acquisition de 56 avions de transport militaire. Des C-295MW achetés à Airbus pour un montant de 3 milliards de dollars qui succèdent au contrat des 36 Rafale pour 9,4 milliards de dollars, dont 10 devraient être livrés avant la fin de l’année. «Vu les menaces chinoise et pakistanaise qui pèsent sur elle, l’Inde modernise ses forces armées», confirme le général (2S) Alain Lamballe, spécialiste de l’Asie du Sud au CF2R (Centre français de recherche sur le renseignement) et contributeur à Asie 21.
Des tensions sino-indiennes croissantes
Face au Pakistan, New Delhi n’a qu’une «supériorité numérique extrêmement faible» puisqu’elle ne détient que deux escadrons de plus, soit une trentaine d’avions. Mais l’Inde n’a «pas à se battre uniquement contre le Pakistan, c’est surtout contre la Chine», poursuit notre interlocuteur. L’échauffourée dans l’Himalaya, qui s’est soldée par vingt morts côté indien et quatre côté chinois en juin 2020, a mis au grand jour la détérioration des relations bilatérales autour de leur frontière commune. Appelée Ligne de contrôle effectif («Lign of Actual Control», LAC), cette frontière disputée est longue de plus de 4.000 km.
«60.000 hommes côté indien et 60.000 hommes côté chinois se font face dans le Ladakh et tiennent le terrain car cette ligne de contrôle est devenue une ligne de contact. Désormais, les troupes restent sur place, il y a des relèves à assurer. Il n’est pas question l’hiver de les laisser très longtemps en altitude élevée. Afin de garantir ces relèves, il faut des moyens terrestres mais aussi aériens, parce que l’hiver, les routes sont impraticables du fait de l’enneigement et des mouvements de terrain.»
Le général Lamballe rappelle que l’Inde détient 15.000 km de frontières terrestres et 7.500 km de frontières maritimes. Le territoire est immense et deux de ses voisins sont considérés comme des menaces. Le pays nécessite donc des moyens de transport de portée suffisante et l’IAF (Indian Air Force, la force aérienne indienne) sera en mesure de déplacer rapidement des troupes avec ces «avions de moyenne capacité». L’achat des 56 C-295MW du géant européen vise ainsi à remplacer les Avro 748, qui datent des années 1960.
Précédemment dans les colonnes de Sputnik, Olivier Da-Lage confirmait l’«infériorité» militaire indienne vis-à-vis de l’APL. L’auteur de L’Inde, désir de puissance (Éd. Armand Colin) évoquait une aviation «assez obsolète» et peu fiable. Les avions de chasse produits localement comme les Tejas ont également «connu un certain nombre d’accidents». 83 de ces avions légers ont d’ailleurs été commandés par New Delhi en janvier.
2.000 avions chinois contre 1.000 avions indiens
Pourtant ceux-ci ne peuvent «pas toujours suffire à faire face aux défis» imposés par l’Empire du Milieu dont le budget militaire représente 209 milliards de dollars en 2021, le deuxième du monde après celui des États-Unis, contre «seulement» 64 milliards de dollars pour les forces indiennes. Les forces aériennes indiennes sont «très insuffisantes en qualité et en nombre» par rapport à l’axe sino-pakistanais, confirme l’ancien militaire.
Un chiffre vertigineux, la Chine détient 2.000 avions, de chasse et de transport, soit la troisième flotte aérienne au monde. Selon Business Insider, l’IAF en posséderait seulement la moitié et de moindre qualité.
«L’armée de l’air indienne ne fait absolument pas le poids face à l’armée de l’air chinoise concernant les avions de chasse, mais aussi sur le transport de troupes.»
C’est ce qui explique sa volonté de moderniser sa flotte aérienne avec l’achat de 21 MiG-29 et 12 Su-30MKI à la Russie, mais également de se tourner vers des partenaires occidentaux. Après le contrat des 36 Rafale en 2016 avec la France, New Delhi a commandé en 2020 à Washington 15 hélicoptères Chinook et 22 hélicoptères de combat Apache. Par ailleurs, un accord bien plus important, concernant plus d’une centaine d’avions multirôles, devrait être attribué dans les prochains mois. «Dassault est sur les rangs» avec les Rafale, mais les États-Unis, qui proposent des F-16 et F-18, représentent un concurrent très sérieux.
Nul doute que le rapprochement américano-indien commencé avec Donald Trump et poursuivi par Joe Biden pèsera lourd dans la balance. Les dirigeants indiens et américains devraient d’ailleurs se retrouver à Washington à l’occasion de la réunion du Quad (Quadrilateral Security Dialogue) fin septembre, avec l’Australie et le Japon, afin de contrer la montée en puissance de la Chine dans l’Indopacifique.
Source: Sputnik