Le président guinéen Alpha Condé a été destitué à la suite d’un coup d’Etat dirigé par un ancien légionnaire de l’armée française. Cet événement confirme plusieurs aspects et prévisions sur lesquels Observateur Continental avait insisté dans le passé.
S’il est encore trop tôt pour faire des prévisions sur la suite des événements en République de Guinée, il est néanmoins clair que c’était quelque chose d’attendu et de prévisible. Ce que l’on sait aussi, c’est l’exécutant du putsch en question. Il s’agit de Mamady Doumbouya, ancien légionnaire de l’armée française, rappelé en Guinée en 2018 pour prendre la tête du Groupement des forces spéciales.
Selon les autres informations disponibles à son sujet, il a «brillamment» accompli la formation de spécialiste en protection opérationnelle à l’Académie de sécurité internationale (Israël), le cours de formation des commandants d’unité à l’Ecole d’application de l’infanterie (Sénégal), la formation d’officier d’Etat-major (Gabon) et l’Ecole de guerre de Paris.
Bien qu’il soit effectivement tôt pour émettre des hypothèses sur les possibles liens existants entre Mamady Doumbouya et des intérêts externes, son passé de légionnaire pour le compte des français mérite une attention particulière. Tout comme le fait que parmi les principaux insatisfaits du gouvernement guinéen d’Alpha Condé se trouvait précisément Paris.
En décembre de l’année dernière, Observateur Continental avait d’ailleurs consacré un article traitant du double standard élyséen vis-à-vis de Conakry et de Bangui d’un côté, et d’Abidjan de l’autre. Permettant de voir une approche purement orientée sur ses intérêts géopolitiques, avec en couverture les critiques du déroulement des dernières élections présidentielles guinéennes, tout en applaudissant, et c’est logique, la réélection du bon vieil ami françafricain Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, dont les manœuvres en vue d’écarter ses principaux concurrents et représentants de l’opposition ne sont plus à présenter.
Il faut se rappeler aussi qu’Alpha Condé était logiquement dans la ligne de mire des cercles françafricains de l’Elysée, ne serait-ce que pour avoir plusieurs fois remis à leur place des journalistes hexagonaux, comme dans cette interview de septembre 2018. Un entretien ayant fait beaucoup de bruit à l’époque au vu du comportement provocateur et irrespectueux des journalistes français et de la fermeté dans les réponses du président guinéen, qui n’a d’ailleurs pas manqué de poser la question légitime de savoir quel pays africain de l’espace francophone avait vraiment pu décoller.
Mais si les perspectives immédiates en Guinée-Conakry restent encore inconnues, il y a néanmoins plusieurs éléments à faire valoir. Tout d’abord, ces événements en Guinée au-delà de confirmer les prévisions données dans le passé, représentent indéniablement une réponse forte à tous ceux qui critiquent la volonté de nombre de pays africains d’accorder une «trop» grande importance à l’aspect sécuritaire dans la défense de leur souveraineté. Comme c’est notamment le cas pour l’Algérie, la Centrafrique, la Guinée équatoriale ou encore l’Ethiopie – bien que chacun ayant sa propre spécificité.
D’autre part, il devient évident qu’au-delà de posséder une capacité défensive digne de ce nom, il est fort important d’entretenir des organes sécuritaires efficaces, pouvant détecter et mettre hors d’état de nuire les éléments déstabilisateurs, d’autant plus si ces éléments sont téléguidés par les intérêts néocolonialistes des acteurs fort bien connus. Et qu’au vu des multiples échecs subis récemment par les intérêts occidentaux et leurs forces sous-traitantes à divers endroits du monde, y compris dans nombre de pays africains, il était tout à fait logique qu’ils allaient s’en prendre à des Etats moins protégés et peut-être moins sur les gardes que ceux qui ont évité ce type de scénarios.
Une chose demeure également certaine : sans une souveraineté véritable et complète, il ne peut y avoir de quelconque développement. Et sans une capacité défensive digne de ce nom, il est impossible de pouvoir parler d’une quelconque souveraineté. Cela sans oublier la maitrise réelle des éléments intérieurs susceptibles de participer aux déstabilisations pour le compte d’intérêts néocoloniaux. Le reste à suivre.
Par Mikhail Gamandiy-Egorov
Source: Observateur continental
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