Le vendredi 9 juillet, le Conseil de Sécurité des Nations unies a accepté à l’unanimité de prolonger d’un an le passage de « Bab al Hawa ». Dans le cadre de cet accord, le secrétaire général de l’ONU doit faire des rapports réguliers sur l’évolution de l’aide qui entre dans la zone dominée par Al-Qaïda. De toute évidence, la Russie et la Chine ont estimé que le moment n’était pas venu d’insister sur ce point. Les problèmes exposés dans cet article ne sont pas résolus.
Un ami m’a envoyé un lien vers un article du site Foreign Policy concernant le poste-frontière entre la Turquie et la Syrie à Bab al Hawa. Il m’a demandé: « Est-ce vrai ? » En quoi l’aide humanitaire serait-elle un mal ?
Il y a eu de nombreux articles de ce type, courts et longs. L’essence de tous ces articles dans les médias occidentaux est que Bab al Hawa doit rester ouvert pour des raisons humanitaires. Nombre de ces articles fustigent la Russie ou tout autre pays, comme la Chine, qui pourrait voter contre le renouvellement de l’autorisation du poste-frontière par les Nations unies.
Arguments en faveur de la fermeture du poste-frontière
Il existe des faits importants, que les médias occidentaux omettent ou déforment généralement. Voici quelques raisons pour lesquelles le poste-frontière de Bab al Hawa ne doit PAS être maintenu ouvert.
– L’aide apporte son soutien au pendant syrien d’Al-Qaïda, Hayat Tahrir al Sham (HTS). Ils contrôlent la région du côté syrien du poste-frontière. Il s’agit d’étrangers et d’extrémistes purs et durs qui ont envahi Idlib depuis la Turquie en 2015, rejoints par ceux qui ont quitté Alep et d’autres villes lorsque les miliciens ont été vaincus par l’armée syrienne. Même si les Nations unies inspectent tous les camions qui entrent dans la province d’Idlib, dans le nord de la Syrie, les livraisons par camion sont en fin de compte contrôlées par HTS (anciennement appelé Jabhat al Nusra).
– Dans les faits, l’aide agit en faveur de la partition de la Syrie. La province d’Idlib et les militants qui la gouvernent cherchent à se séparer définitivement de la Syrie. Ils tentent de turquifier la région par une éducation sectaire, la promotion de la langue turque et même l’utilisation de la monnaie turque.
– Cette aide viole la Charte des Nations unies qui prévoit que tous les États membres doivent s’abstenir de menacer l’intégrité territoriale d’un autre État membre. La Turquie et les États-Unis sont les principaux contrevenants, puisque certaines de leurs troupes militaires occupent illégalement des terres syriennes. Mais il est honteux que les Nations unies se rendent complices en autorisant l’aide dans cette région séparatiste dominée par Al-Qaïda.
– « L’aide » au Nord-Ouest de la Syrie prolonge le conflit au lieu de contribuer à y mettre fin. Il est évident qu’après avoir échoué à renverser le gouvernement syrien par les armes, les puissances occidentales utilisent maintenant d’autres moyens pour attaquer Damas. Elles continuent à s’ingérer dans les affaires intérieures de la Syrie. Sous la houlette des États-Unis, elles ont attaqué la Syrie sur le plan économique tout en apportant leur soutien à la région séparatiste du Nord-Ouest.
– L’aide occidentale à la région dominée par Al-Qaïda détourne l’attention de la douleur, des dommages et de la destruction que les sanctions américaines et européennes ont infligés à la plupart des Syriens. Les sanctions « César », imposées par les États-Unis dans le cadre de la pandémie de covid-19, ont eu un impact épouvantable. En mettant hors la loi la Banque centrale syrienne et en rendant presque impossible le commerce avec la Syrie, les sanctions américaines ont sapé la monnaie syrienne. Le prix de nombreux biens a été multiplié par 4, par 5 et voire par 10. Comme un gangster des temps modernes, les États-Unis ont ouvertement volé le pétrole et le blé de la Syrie orientale. Les États-Unis ont attaqué le réseau électrique en interdisant l’importation des pièces et les travaux d’ingénierie ou de construction pour réparer ou reconstruire les centrales électriques. Les sanctions « César » interdisent le soutien à tout ce qui est lié au gouvernement, y compris les écoles et les hôpitaux.
Selon une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies de décembre 2020, les mesures coercitives unilatérales telles que la loi «César » sont illégales et constituent une violation de la Charte des Nations unies, du droit international et des droits de l’homme internationaux. Pourtant, en raison de la domination économique mondiale des États-Unis, cette loi est toujours en vigueur et les États-Unis revendiquent le droit d’interdire à tout pays, entreprise ou individu de soutenir ou de commercer avec la Syrie. C’est ce qui rend les revendications humanitaires des États-Unis si ironiques et cyniques.
– L’aide occidentale aux Syriens par le biais de Bab al Hawa est discriminatoire et sert à diviser le pays. Avant le conflit, la province d’Idlib comptait une population totale de 1,5 million de personnes et ce chiffre est inférieur aujourd’hui. Une grande partie de la population est partie lorsque la province a été envahie par les extrémistes. Certains ont fui vers la Turquie, d’autres vers la province de Lattaquié, à l’ouest. Certains militants de l’opposition et leurs partisans ont choisi de se rendre à Idlib plutôt que de se réconcilier avec le gouvernement. Par exemple, lorsque Alep-Est a été reprise par les soldats du gouvernement, des milliers de militants et leurs familles ont été transférés – mais pas des centaines de milliers comme cela avait été prédit à tort dans la vague de propagande ayant précédé la reconquête d’Alep-Est. Ainsi, contrairement à certaines estimations, il y a un million ou moins de personnes à Idlib.
– Les civils du Nord-Ouest de la Syrie sont effectivement soudoyés pour vivre dans cette région par le biais de paiements en espèces et d’une aide beaucoup plus importante. Un millier de camions par mois acheminent l’aide vers le Nord-Ouest de la Syrie. Comme indiqué dans un document de l’OCHA, les gens sont « influencés par l’accès aux services et aux moyens de subsistance ». C’est compréhensible, mais l’effet de division est également évident.
– En revanche, il y a entre 14 et 17 millions de Syriens qui vivent ailleurs en Syrie. Ils ne reçoivent que peu, voire pas du tout, d’aide. Au lieu de cela, ils subissent de plein fouet le poids des mesures coercitives unilatérales vicieuses des États-Unis.
– L’aide aux civils en Syrie doit être distribuée de manière équitable et proportionnelle. Cela peut se faire sous le contrôle ou la supervision d’une agence internationale respectée telle que le Croissant-Rouge/Croix-Rouge. Conformément à la Charte des Nations unies, les pays occidentaux doivent respecter l’indépendance politique du gouvernement syrien et cesser leur ingérence et leurs efforts continus en vue d’un « changement de régime ».
« L’aide humanitaire » est instrumentalisée
De nombreuses ONG occidentales se mobilisent pour Bab al Hawa. Par exemple, l’International Rescue Committee a collecté plusieurs millions de dollars qui auraient dû servir à aider tous les Syriens, mais cela n’a pas été le cas. Leurs communiqués de presse doivent cependant être considérés avec prudence, car – selon leurs déclarations fiscales de 2019 – les gouvernements occidentaux sont leurs principaux bailleurs de fonds avec 440 millions de dollars en 2019. Le PDG, David Miliband, est bien rémunéré, avec plus d’un million de dollars par an. Nous pouvons être sûrs qu’ils sont en contact avec le Département d’État américain.
L’aide humanitaire est un gros business et a été instrumentalisée politiquement. Bien que de nombreuses personnes bien intentionnées travaillent dur, on constate des manœuvres politiques à l’œuvre.
Si la Russie et d’autres pays du Conseil de Sécurité de l’ONU opposent leur veto à l’extension du point de passage de Bab al Hawa, il y a de bonnes raisons à cela.
Par Rick Sterling : Journaliste d’investigation basé dans la baie de San Francisco
Sources : Oriental Review ; traduit par Point de vue Suisse