Un article rédigé par Aliph Sabbagh, le chroniqueur pour les questions israéliennes du site de la télévision libanaise d’information al-Mayadeen:
Commentateurs militaires, chercheurs des centres d’études stratégiques, une grande partie des personnalités politiques au pouvoir en « Israël » sont presque unanimes sur le fait que la troisième guerre est inévitable et qu’elle sera plus dévastatrice que n’importe quelle guerre précédente. Ils prévoient aussi qu' »Israël » paiera un prix très élevé.
Des questions ouvertes s’imposent : Quand ? Comment sera-t-elle déclenchée? quelle serait son étendue ? Comment garantir à l’avance ses résultats ? Serait-elle limitée au Hezbollah au Liban ou à la résistance palestinienne dans la bande de Gaza, chaque front à part ? Ou alors les fronts seraient-ils unis? La guerre pourrait être déclenchée à la frontière nord et se transformer en une guerre régionale sur plusieurs fronts ? Les États-Unis seront-ils du côté d' »Israël », en lui donnant le feu vert et une couverture politique et militaire tout au long des jours de la guerre, ou vont-ils, comme d’habitude, limiter cela à quelques jours, après quoi ils chercheront à arrêter la guerre sans qu’ »Israël » n’atteigne ses objectifs ou oeuvreront-ils pour éviter son expansion ?
Toutes ces questions et d’autres sont soulevées sur la table du cabinet politique de sécurité à Tel Aviv, et sont discutées par tous les centres de recherche stratégique en « Israël » et aux USA , qui sont remplis d’anciens généraux des armées américaine et israélienne, d’agents de renseignement vétérans et d’experts stratégiques de différentes nationalités, y compris des nationalités arabes. Tous cherchent à assurer la suprématie et l’hégémonie israéliennes au Moyen-Orient, ce qui nécessite la destruction de toute puissance montante, qu’elle soit économique, scientifique ou militaire.
Ils parlent de la « troisième guerre », et cela peut être compris comme la « troisième guerre du Liban », étant donné que l’agression de 1982 était la première guerre, et l’offensive de 2006 était la deuxième guerre contre le Liban, selon les étiquettes israéliennes.
En parlant d’une « troisième guerre », ils sont convaincus que la prochaine guerre sera régionale, et ne restera pas à l’intérieur des frontières du Liban. Ils parlent de la troisième « guerre », et non d’une « opération ou d’une campagne militaire » supplémentaire.
Quelle est la différence entre la guerre et la campagne militaire ?
Selon les définitions admises par Israël, une campagne militaire est une décision de mener une campagne avec des outils militaires pour atteindre des objectifs prédéterminés.
Quant à la guerre, elle se déroule généralement entre deux pays ou deux parties, dans le but de résoudre le conflit avec des outils militaires, après l’échec des moyens diplomatiques. Il y a ceux qui disent que la guerre, contrairement à la campagne militaire, doit se terminer par une victoire, tandis que la campagne militaire peut se terminer par la réalisation de ses objectifs spécifiques. Quant à la notion de victoire, c’est la reconnaissance de la défaite par l’autre partie, et sa conviction qu’elle est incapable de se battre à nouveau.
Ainsi ‘Israël’ prévoit-il une guerre ou une campagne militaire supplémentaire ? Et comment ça ?
Dans le cadre de ces discussions, le National Security Research Center a publié un livre du colonel Amit Saar (un officier supérieur du renseignement) en mars 2019, intitulé « Comment déclencher une guerre dont personne ne veut ».
L’auteur a traité de deux modèles de guerres qui n’étaient pas planifiées auparavant, comme il le prétend, à savoir la guerre de juillet 2006 et l’offensive Bordure protectrice de 2014. Le cœur de la recherche porte sur la dynamique de l’escalade et l’impact du comportement des parties, notamment israélienne, dans cette dynamique.
Toujours sous ce titre, le Centre « Dado » pour la pensée militaire multidisciplinaire a publié une longue étude préparée par le Dr. Udi (Ehud) Golan, en janvier 2020, et publié par le Centre en mars 2020, dans laquelle il évoque les scénarios de « la bataille entre les guerres » et de « l’escalade imprévue des deux côtés, se transformant en guerre régionale ».
Mais celui qui suit avec perseverance le discours officiel ou semi-officiel en ‘Israël’, et ce qui se passe sur le terrain, est bien conscient que nous sommes face à un titre trompeur d’un scénario bien étudié, dont le but est d’impliquer les USA dans un guerre régionale « involontaire ». Comme si la guerre avait été imposée à «un Israël pauvre et pacifique », qui ne cherche pas les guerres, mais lui sont imposées malgré lui !
La preuve de la validité de cette analyse est que le chercheur susmentionné présente toutes les guerres qu’Israël a menées comme des exemples de guerres qui n’ont pas été planifiées, mais plutôt imposées, y compris la guerre de juin 1967.
L’un des objectifs de ce discours « défensif » est de permettre au gouvernement de justifier plus facilement toute perte humaine envers la population israélienne, car le discours défensif donne une légitimité publique à la guerre, car il s’agit d’une guerre « défensive » qui doit être combattue. De plus, ce discours donne à l’Occident une légitimité et un soutien auxquels Israël ne renonce nullement dans ses agressions contre ses voisins.
A la fin de son étude, Golan dit que l’une des leçons que l’armée israélienne a tirées des guerres après la guerre de juillet 2006, et qui a été plus tard pratiquée, est la nécessité de commencer la bataille « par une attaque militaire majeure, afin d’assurer que la durée de la guerre sera courte, qu’elle sera résolue rapidement ou qu’elle sera arrêtée au moment où Israël le voudra, avec l’aide de forces politiques étrangères capables d’influencer l’autre camp”.
Scénarios de la 3ème guerre
Concernant les scénarios de la troisième guerre, le chroniqueur militaire Ron Ben Yishai (« Ynet », 1er février 2020) a évoqué une réunion des chefs militaires israéliens, européens et américains dont les détails n’ont pas été publiés, et dont il a transmis le contenu:
« La première nuit de l’escalade, tous les principaux acteurs sur le front nord-est s’échangent des frappes, dont l’intensité et le degré de létalité s’intensifient par des actes de représailles ou de vengeance.
‘Israël’ qui bombardera le Liban par voie aérienne pour la première fois depuis la seconde guerre du Liban, bombardera 80 cibles, dont 3 usines de fabrication de roquettes précises. Des civils libanais et des membres du Hezbollah seront tués. Le Hezbollah qui ne restera pas silencieux intensifiera ses frappes. L’on peut comprendre, d’après tous les scénarios discutés lors de cette réunion, qu’Israël agira sur la base de renseignements précis, et que toute attaque devra d’abord être dirigée contre des missiles de précision, sachant que toute opération militaire ou guerre à l’avenir posera un sérieux dilemme. Devrions-nous passer à une troisième guerre, qui sera régionale, et a pour but d’être rapidement tranchée ou continuer dans les batailles entre les guerres ? Tout peut changer”.
Sous le titre « La troisième guerre du Liban, son caractère général et les moyens de la résoudre », Ofer Yisraeli, expert géostratégique international et chercheur au Centre interdisciplinaire d’Herzliya (Makor Rishon 31/12/2019), a écrit :
Pour reporter ou éviter la guerre, et en même temps la résoudre si elle éclate, le gouvernement d’Israël est tenu de mener une série d’opérations politiques et militaires à l’intérieur du Liban et également sur le plan regional, avant, pendant et même après la guerre.
Ce sera un plan global. Israël opère avec une vision large qui comprend de multiples moyens non militaires, tels qu’une campagne diplomatique, économique et psychologique, jusqu’au déclenchement de la guerre et après celle-ci, selon la doctrine de Sun Tzu » (Tzu croit que le but de toute guerre est de réaliser une solution militaire rapide et définitive).
Le meilleur des cas, dit Tzu, est de vaincre votre ennemi sans guerre. Et si cela ne se produit pas, contrecarrer la stratégie de votre ennemi. Si cela n’arrive pas, forger des alliances contre lui. La dernière solution est un affrontement sur le terrain avec l’ennemi, et la pire solution en temps de guerre est d’imposer un siège à l’ennemi.
En revanche, l’utilisation de moyens militaires étendus, avec des capacités élevées, avec le déclenchement de la guerre et pendant celle-ci, repose sur la doctrine de Carl von Clausewitz, qui adopte l’équation de l’unité de l’État, de l’armée et du peuple.
D’un point de vue politique, Yisraeli a déclaré : « Israël doit acquérir une légitimité pour mener une future frappe contre le Hezbollah, afin d’éliminer sa puissance militaire au Liban. L’opération nécessite une « attaque » médiatique internationale qui accuse sévèrement le Hezbollah de tout ce qui est se passe au Liban, et le tient pour responsable En parallèle, Israël doit travailler par des canaux politiques ouverts et secrets contre les acteurs internationaux les plus importants dans l’arène politique libanaise, et les inciter à pousser le Hezbollah hors de la sphère d’influence de l’État. Parmi ces acteurs, les Etats-Unis qui financent l’armée libanaise avec des dizaines de millions de dollars par an. Et la France, ancien État colonial au Liban, et profondément influent dans la politique libanaise, et l’organisation défaillante des Nations Unies qui est censée affaiblir l’influence du Hezbollah, et le Royaume d’Arabie saoudite, qui est un tuteur arabe du Liban.
Quant à « l’aspect militaire », dit-il : « C’est l’aspect le plus important, et il devrait être basé sur les principes de base de la guerre et l’essence de la meilleure stratégie pour parvenir à une victoire militaire.
Premièrement, l’armée israélienne devrait s’abstenir de combattre sur deux fronts ou plus. Par conséquent, avant la guerre, il devra travailler pour réduire les frictions avec le Hamas à Gaza et les forces iraniennes en Syrie.
Deuxièmement, il est nécessaire de définir des objectifs clairs pour la guerre, en premier la destruction du Hezbollah et de ses capacités militaires, en plus d’assurer la stabilité de l’État libanais à la fin de la guerre.
Troisièmement, Tsahal doit se préparer à détruire les centres de gravité du Hezbollah – le vaste arsenal de roquettes que l’organisation peut distribuer et planter dans tout le pays, mais aussi son chef, Hassan Nasrallah, dont la neutralisation saperait la capacité et le désir des militants de continuer le combat, et qui devrait aussi nuire aux capacités de l’organisation de se reconstruire à la fin de la guerre.
Quatrièmement, recourir à la surprise est un élément essentiel de toute stratégie réussie.
L’offensive diplomatique d’abord
Dans le cadre de « l’offensive diplomatique » qu’Israël doit mener avec la communauté internationale jusqu’au déclenchement de la guerre, il doit, selon Israëli, convaincre les éminents dirigeants de la scène régionale et internationale que la « troisième guerre du Liban », si elle éclate va changer radicalement les règles du jeu, et qu’Israël ne permettra pas un retour à la situation initiale ou à la situation qui prévalait avant le déclenchement de la guerre. Car la guerre visera à créer une nouvelle réalité future, et cela doit être dans l’intérêt d’Israël. Ce qui serait compatible, d’une manière soudaine ou non, avec les intérêts des citoyens libanais, c’est-à-dire la destruction du Hezbollah en tant qu’organisation militaire et la levée de l’obstacle qu’il pose à la stabilité et à la prospérité de la société libanaise.
Lors de l’examen de ce discours, nous devons tenir compte de la date de sa publication, et il est naturel que la rédaction et la discussion de la recherche aient eu lieu avant cela, c’est-à-dire avant la soi-disant «révolution » du 17 octobre 2019 en Liban.
Nous devons revoir tout ce qui s’est passé sur le front libanais, y compris le retrait des fonds saoudiens des banques libanaises, le bombardement du port de Beyrouth et la perturbation de la formation d’un gouvernement libanais, à moins que ce ne soit conforme aux normes que l’Arabie saoudite, les Etats-Unis, la France et « Israël ». Il faudrait revoir ce qui s’est passé et ce qui se passe sur le front iranien comme déformation de la position iranienne et lui imposer des sanctions maximales, et attaquer les navires de commerce iraniens en mer Rouge ou en Méditerranée, lors de la rédaction de ce document jusqu’à aujourd’hui, plus précisément au cours du dernier mois.
Je veux parler des tentatives d’Israël d’inciter les USA, la Grande-Bretagne et la Roumanie contre l’Iran, sous prétexte de la frappe du navire israélien en la mer d’Oman. Ainsi que la campagne de haine menée par l’Arabie saoudite, les USAm et la France contre le Hezbollah au Liban, et la campagne médiatique internationale qui lui impute toutes les tragédies qui arrivent aux Libanais…
Aucune campagne, aucune guerre
Malgré toutes ces campagnes et préparatifs militaires, politiques et médiatiques, Israël n’a pas osé lancer une guerre ou même une campagne militaire contre le Hezbollah. Pourquoi?
L’essentiel de la réponse à cette question réside dans le fait que personne en Israël ou aux USA ne peut garantir les résultats de la guerre qu’ils s’apprêtent à mener.
Dans les détails :
Premièrement, si Trump n’a pas donné le feu vert à Netanyahu pour partir en guerre, pourquoi Biden donnerait-il le feu vert à Naftali Bennett ? D’autant plus que le secrétaire d’État américain Anthony Blinken ne fait pas confiance aux informations retenues par les renseignements militaires israéliens, et que le défi le plus important pour les USA est la Chine et non pas l’Iran.
Deuxièmement, la récente tentative militaire israélienne de bombarder des sites libanais et la réponse du Hezbollah ont prouvé qu’Israël ne dispose pas de renseignements nécessaires pour la guerre, ni d’estimations correctes de la capacité et de la volonté du Hezbollah de répondre à toute agression israélienne. A cela s’ajoute la récente agression contre la résistance palestinienne à Gaza, assiégée depuis 14 ans.
Troisièmement, la faiblesse du gouvernement de Naftali Bennett, et la possibilité de sa chute immédiate lors du déclenchement d’une guerre contre le Liban, ses deux dirigeants sachant que leur adversaire, Netanyahu, ne les aidera pas dans la guerre.
Quatrièmement, il semble que le public israélien ne soit pas convaincu de la nécessité de faire la guerre, d’autant qu’il souffre du fléau du nouveau Coronavirus, qui ne lui a pas laissé assez de temps jusqu’à ce qu’il redevienne plus meurtrier qu’avant. De plus, le public israélien n’est pas convaincu de la nécessité d’aller en guerre, car toutes les évaluations militaires et de renseignement israéliennes disent que le Hezbollah ne s’intéresse pas à la guerre, et le danger des missiles de précision n’a pas augmenté dans la prise de conscience du grand public. Par conséquent, le public n’est pas prêt à faire des sacrifices dans une guerre qui n’est pas nécessaire.
A partir de là, un certain nombre de professionnels des médias et de chercheurs s’efforcent de surmonter cette barrière, dont la chercheuse dans le domaine de la sécurité nationale, Fenina Shuker, qui a écrit dans le journal Israel Hayom, le 20/7/2021, un article sous le titre : « N’ayez pas peur de la bataille au sol. »
Elle y exhorte les dirigeants politiques et militaires à faire la guerre et à ne pas avoir peur d’une bataille au sol, et déclare : » Il est temps de se débarrasser de la peur et que le front intérieur ne peut pas supporter de sacrifices. Il est temps de prouver que le public est prêt à se sacrifier quand il est convaincu que la guerre est inévitable et qu’elle est sincère. » N’ayez pas peur de la boue libanaise. »
Ainsi, après le récent échec militaire et du renseignement, le gouvernement Bennett-Lapid n’a d’autre choix que de s’en tenir aux scénarios élaborés par Ofer Yisraeli ci-dessus depuis 2019. Celui qui observe les événements est sûr que le gouvernement d' »Israël » dirigé par Bennett- Lapid procède selon ce scénario en pleine coordination avec l’administration Biden, Macron et Mohammed ben Salmane, récemment rejoints par la Grande-Bretagne.
Traduit par notre rédaction