L’élection de Pedro Castillo à la tête de l’Etat péruvien démontre la popularité toujours importante des idées progressistes et souverainistes au sein des nations latino-américaines. Renforçant par la même occasion l’axe pro-multipolaire, il ne demeure pas moins que les défis persistent – y compris en raison de l’hostilité de nombre d’éléments intérieurs, comme extérieurs.
Selon les résultats officiels, Pedro Castillo, candidat du parti socialiste et anti-impérialiste Pérou libre, a remporté le deuxième tour de la présidentielle avec 50,12% des voix. Cet instituteur et syndicaliste que de nombreux analystes ne voyaient pas comme vainqueur potentiel de cette élection doit entrer en fonction le 28 juillet prochain. Pour autant, il doit toujours faire face à l’opposition de sa rivale perdante, Keiko Fujimori, d’obédience libérale-conservatrice, fille de l’ex-président du pays Alberto Fujimori, visée d’ailleurs par des poursuites liées à la corruption. De même qu’à certains ex-éléments de l’armée, hostiles aux idées progressistes du président élu.
Il faut bien le dire, tout au long de la campagne présidentielle, Fujimori ne cessait d’arborer «l’épouvantail vénézuélien» aux électeurs péruviens, stipulant que les problèmes du Venezuela seront ceux du Pérou en cas de victoire de Pedro Castillo. Une tactique qui vraisemblablement n’a pas convaincu plus de la moitié des votants. Peut-être d’ailleurs qu’aussi pour ces personnes ayant voté pour le candidat socialiste, le Venezuela était loin de représenter un exemple négatif, d’autant plus que la candidate libérale a omis de mentionner les raisons majeures des problèmes apparus dans la république bolivarienne. Comme par exemple les sanctions économiques US, l’interférence de Washington dans les affaires intérieures de Caracas, sans oublier les nombreuses tentatives de déstabilisation et de coups d’Etat.
Si sur le plan intérieur, on compte de nombreux soutiens du vainqueur de l’élection au sein du Pérou dit «profond», ainsi qu’au sein de la population autochtone, sur le plan extérieur Pedro Castillo peut incontestablement compter sur le soutien des leaders progressistes d’Amérique latine : de Cuba, Bolivie, Venezuela, Argentine, notamment. Un fait qui ne peut que déplaire évidemment à l’establishment washingtonien, qui voit en cela l’élargissement de l’alliance progressiste latino-américaine hostile à la politique étasunienne.
Si le programme de Pedro Castillo semble prometteur, dans ce pays riche en ressources minières, ses partisans doivent néanmoins rester sur les gardes face aux risques de déstabilisation, voire de coup d’Etat. A ce titre, le président péruvien par intérim, Francisco Sagasti, a vivement critiqué l’appel de certains militaires retraités en faveur d’une intervention de l’armée dans le but d’empêcher Pedro Castillo de prendre le poste présidentiel.
Cela sans oublier le refus de Keiko Fujimori de reconnaitre sa défaite, sachant que sa participation à la présidentielle était également une tentative de pouvoir fuir les poursuites pénales auxquelles elle doit faire face. Pour autant et jusqu’à maintenant, la mobilisation populaire semble rester, encore une fois, la meilleure réponse aux tentatives qui visent à entraver la prise de fonction présidentielle de Castillo.
Si l’Amérique latine a effectivement une longue tradition de coups d’Etat, souvent opérés d’ailleurs par l’intervention de la CIA aux côtés d’éléments réactionnaires face aux leaders progressistes, depuis les dernières années – au-delà de devoir faire face à l’opposition des partisans de la multipolarité face à ces pratiques, notamment au duo sino-russe au Conseil de sécurité onusien, la mobilisation massive populaire, en l’occurrence la véritable société civile – pas celle à la sauce Soros – aura également démontré toute son efficacité. La Bolivie en est d’ailleurs un parfait exemple.
En ce sens, l’éveil de la conscience populaire, la souveraineté nationale, la solidarité régionale et continentale, ainsi que l’ordre international multipolaire – restent pour le moment des casse-têtes évidents pour les éléments pro-unipolaires, ainsi que leurs parrains, qu’ils soient d’ailleurs de la CIA ou du réseau Soros. Pour le reste, la situation sera à suivre. Les prochaines semaines seront déterminantes pour le choix démocratique péruvien et sa mise en application.
Par Mikhail Gamandiy-Egorov
Source : Observateur continental
Les opinions exprimées par les analystes n’engagent que la responsabilité des auteurs