Les «responsabilités lourdes et accablantes» de la France, mais pas de complicité de génocide, figurent dans un rapport d’une commission d’historiens sur le Rwanda. La France «est demeurée aveugle face à la préparation» du génocide des Tutsis, souligne le document.
De graves dysfonctionnements dans l’appréciation de la situation et la prise de décisions, mais pas de complicité de génocide au Rwanda: telles sont les conclusions d’un rapport d’historiens sur le rôle de la France avant, pendant et après les massacres qui ont fait quelque 800.000 morts au printemps 1994.
Fruit des travaux menés pendant deux ans par 14 chercheurs à la demande d’Emmanuel Macron, le document d’un millier de pages a été remis vendredi 26 mars au chef de l’État et mis en ligne.
Selon l’Onu, environ 800.000 personnes, Tutsis et Hutus modérés, ont été tuées en trois mois lors de massacres déclenchés après l’attentat contre l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994.
Le rapport décrit des dysfonctionnements et un «aveuglement» de la France dans le processus d’appréciation de la situation à l’époque, mais il écarte l’idée d’une complicité de génocide.
«La crise rwandaise s’achève en désastre pour le Rwanda, en défaite pour la France», peut-on lire. «La France est-elle pour autant complice du génocide des Tutsis? Si l’on entend par là une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer. La France s’est néanmoins longtemps investie au côté d’un régime qui encourageait des massacres racistes. Elle est demeurée aveugle face à la préparation d’un génocide par les éléments les plus radicaux de ce régime.»
Opération Turquoise
Les historiens écartent également les accusations formulées à l’encontre de l’opération militaire Turquoise lancée par Paris sous mandat de l’Onu entre juin et août 1994.
La France «a réagi tardivement», mais l’opération Turquoise «a permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsis du Rwanda exterminés dès les premières semaines du génocide», écrivent les chercheurs.
La commission pointe une gestion de crise hyper centralisée au niveau de l’Élysée, dont le locataire était alors le Président François Mitterrand, lequel entretenait «une relation forte, personnelle et directe» avec le Président Habyarimana.
Dans leurs conclusions, les auteurs du rapport pointent des «responsabilités institutionnelles» auxquelles s’ajoutent «des responsabilités intellectuelles qui, cumulées, font système et témoignent d’une défaite de la pensée».
«Une avancée considérable», selon Macron
L’Élysée espère que ce travail contribuera à apaiser les relations entre Paris et Kigali, empoisonnées par les zones d’ombre entourant le rôle de la France lors de cette dramatique période de l’histoire récente du continent africain.
«Nous espérons que ce rapport pourra mener à d’autres développements dans notre relation avec le Rwanda» et que, «cette fois, la démarche de rapprochement pourra être engagée de manière irréversible», a précisé la présidence. «Au-delà de notre relation avec le Rwanda, nous pensons que ce rapport aura aussi un impact sur l’ensemble de notre relation avec l’Afrique.»
Dans un communiqué, Emmanuel Macron rappelle que «ce rapport sera partagé avec les autorités rwandaises et, au travers de sa publicité, à l’ensemble du peuple rwandais dont la France salue la dignité et la capacité de réconciliation».
Le rapport «marque une avancée considérable dans la compréhension et la qualification de l’engagement» de la France dans ce pays, a estimé le chef de l’État après avoir reçu ses auteurs.
Source: Sputnik