Une délégation du Hezbollah se trouve en Russie depuis le dimanche 14 mars. Elle est présidée par Mohamad Raad, le chef de son bloc parlementaire, Fidélité à la résistance. Elle semble avoir un programme chargé, et devrait se poursuivre 3 jours. En plus de la rencontre avec le ministre de Affaires étrangères Serguei Lavrov, puis éventuellement avec des responsables du ministère, il y aura une réunion avec la Commission des Affaires étrangères au sein de la Douma, avec des responsables du Conseil de l’Union.
Elle s’est faite à la demande du ministère russe des Affaires étrangères, a indiqué M. Raad, dans une interview exclusive avec le site arabophone de l’agence russe Sputnik M. Raad.
Il a tenu à y rappeler que la relation entre la Russie et le Hezbollah date depuis plusieurs années et qu’elle est motivée par des points et des intérêts communs.
Ce lundi, il a rencontré le ministre des Affaires étrangères russe avec lequel il y a eu « une rencontre entre amis et dans une atmosphère amical », selon lui.
« Nous avons évoqué les évolutions de la situation dans la région et au Liban et les moyens de consolider la stabilité dans la région pour éviter qu’une puissance ne s’accapare pas tout, en soutenant le terrorisme et ne s’empare du contrôle de la vie des peuples de la région », a-t-il expliqué selon le site russe RT.
La première visite d’une délégation du Hezbollah remonte à 2011. Elle avait été organisée par le biais de l’ex-ambassadeur russe à Beyrouth Alexander Zasypkin qui avait tissé des liens avec le Hezbollah dans le cadre des relations avec les différents partis libanais.
A la différence de nombreux ambassadeurs occidentaux, M. Zasypkin avait à plusieurs reprises accordé des interviews aux médias du Hezbollah dont la télévision al-Manar et la radio Nour.
La diplomatie des Kornet
Mais c’est en 2006 que les premières affinités s’étaient manifestées entre les deux protagonistes. Durant la guerre contre Israël, le Hezbollah avait, en utilisant les missiles antichars russes Kornet, réalisé un exploit militaire qui restera dans les annales de l’histoire militaire en neutralisant les chars mirkavas, fleurons de l’industrie militaire israélienne.
Plus de 100 chars blindés ont été détruits, endommagés ou paralysés dans la bataille de Wadi l-Hojeir et l’invasion israélienne a été coupée court cette année-là.
La performance de ces Kornet avait alors flatté aussi bien la classe politique que militaire russe.
Par la suite ces Kornet obtenus par le Hezbollah de l’armée syrienne ont été envoyés dans la Bande de Gaza par le chef de la force al-Qods le général martyr Qassem Soleimani.
Main dans la main en Syrie
En fin de compte c’est en Syrie que les Russes et le Hezbollah se sont retrouvés de nouveau. Là aussi c’est le général Soleimani qui joué un rôle crucial en persuadant le président russe d’intervenir pour soutenir le président syrien Bachar al-Assad qui subissait une guerre par procuration, diligentée par les puissances occidentales et les monarchies du golfe, avec l’interposition d’éléments locaux.
Alors que les Russes travaillaient depuis le ciel, le Hezbollah œuvrait sur le sol, au côté de l’armée syrienne et des conseillers iraniens.
Entretemps, au pays du cèdre, une importante relation s’est développée depuis la première visite d’une délégation du Hezbollah à Moscou en 2011. Elle a pris plusieurs aspects diplomatiques, culturels, intellectuels, politiques, stratégiques, médiatiques, estudiantins, et religieux, selon le journaliste libanais Qassem Kassir.
Plusieurs délégations du Hezbollah se sont depuis rendus dans la capitale russe pour des visites officielles.
En 2019, elle était présidée par le député Ali Fayad. Et celle de 2014 par l’ex-ministre de l’industrie et responsable du Hezbollah Hussein Haj Hassan.
« Depuis deux ans, nous nous sommes rendus à Moscou et nous avions discuté des évolutions dans la région et au Liban. Aujourd’hui, à la lumière des transformations intervenues ces dernières années, il faut relancer les discussions sur de nouvelles perspectives », a précisé M. Raad.
Pour un gouvernement présidé par Hariri
Dans les médias libanais, les tentatives de scruter le terrain pour en déduire les réels objectifs de cette visite vont bon train.
D’aucuns s’interrogent si la situation libanaise serait au menu des tractations d’autant que le Premier ministre désigné pour former le gouvernement Saad Hariri a tout fait pour voir le chef de la diplomatie russe lors de sa visite à Abu Dhabi. Il avait auparavant essayé en vain d’obtenir un rendez-vous avec le président russe Vladimir Poutine. Son conseiller George Chaabane avait effectué plusieurs rencontres avec des responsables russes ces derniers temps.
De même pour la conseillère du chef de l’Etat Michel Aoun pour les relations avec la Russie, Amal Abou Zeid qui s’était rendu à deux reprises dans ce pays durant ces derniers mois.
Dans un communiqué publié à l’issue de la rencontre avec la délégation du Hezbollah, le ministre des AE russe a « mis l’accent sur la formation au plus vite d’un nouveau gouvernement sous la présidence de Hariri et insisté sur la nécessité de régler les questions insolubles sur l’agenda national, à travers le dialogue, avec la participation des représentants de toutes communautés de la société libanaise dans le cadre exclusivement juridique et sans ingérence étrangère ».
Crise syrienne contre crise yéménite
D’autres médias inscrivent cette visite dans le cadre des efforts entrepris par M. Lavrov pour un règlement politique de la crise syrienne. Pour ce faire il a fait une tournée au Moyen-Orient, dont l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, et évoqué avec leurs responsables le règlement politique de la crise yéménite que les États-Unis prônent de leur côté.
Dans les deux crises, aussi bien l’Iran que le Hezbollah ont leur rôle à jouer. Dans celle du Yémen, le mouvement houthi Ansarullah soutient une médiation du Hezbollah pour mettre fin à la guerre.
Sur la question syrienne, le texte du ministère russe des AE assure soutenir le droit des Syriens a décider de leur avenir d’une manière indépendante, en prenant compte la résolution 2254 de l’ONU ».
Il a aussi noté qu’il importait d’intensifier les efforts internationaux pour faciliter le retour des réfugiés syriens, y compris ceux au Liban, dans leur patrie (Syrie), afin de parvenir à une stabilité fiable dans la région.
Le texte russe n’évoque rien sur la crise yéménite.
La visite, un saut qualitatif
Dans une interview avec la télévision libanaise d’information al-Mayadeen Tv, depuis la capitale russe, le chef de la délégation du Hezbollah a salué le rôle de la Russie qui « déploie des efforts considérables pour accomplir le processus politique en Syrie et dialogue avec tous les protagonistes concernés pour y instaurer la stabilité dans le cadre d’un mécanisme constitutionnel clair pour tous, pour renforcer la sécurité et rétablir les conditions propices au retour des déplacés ».
Il a ajouté: » nous avons parlé des moyens pour vaincre le terrorisme et empêcher son extention en Syrie et au Liban , des exploits réalisés par la résistance en rétablissant la stabilité et la sécurité au Liban et pour empêcher le terrorisme de devenir un outil destiné à faire plier la volonté du peupe libanais »
M. Raad a aussi rapporté qu’il a été question durant la rencontre « de la politique de la nouvelle administration américaine qui refuse les solutions équitables pour mettre fin aux crises ».
Selon lui « cette visite représente un saut qualitatif dans les relations entre la Russie et nous, en particulier après la coopération dans la lutte contre le terrorisme ».
Et de conclure: « La coopération dans la lutte contre le terrorisme s’est traduite par des sacrifices qui ont conduit au développement de relations, notamment régionales et locales. La présence russe dans la région constitue une sorte d’équilibre au niveau international ».
En marge, M. Raad a confirmé que «les détails de la situation liée au vaccin russe et les conditions des étudiants qui étudient en Russie ont également été discutés ».
Source: Médias