Voir le chef du gouvernement marocain, Saad Eddine El Othmani, s’assoir le 22 décembre autour d’une même table avec le Conseiller à la sécurité nationale d’Israël et chef d’état-major pour la sécurité nationale, Meir Ben-Shabbat, pour signer l’accord de normalisation avec l’entité hébraïque sous les auspices des États-Unis a suscité la colère des Frères musulmans au Maroc comme dans plusieurs pays arabes.
En effet, étant lui-même secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) proche de la mouvance islamiste internationale, M.El Othmani, qui s’est opposé au mois d’août à tout rapprochement avec Israël, a été accusé «de trahison» par ses confrères arabes.
«Un coup de poignard contre la cause palestinienne»
Dans un message publié sur Twitter, le numéro deux du mouvement palestinien Hamas, Moussa Abou Marzouk, a affirmé: «Nous avons été profondément déçus par la signature de l’accord par Saad Eddine El Othmani, dont nous avions espéré une position historique honorable».
Le Mouvement constitutionnel islamique koweïtien et le Front d’action islamique jordanien ont tous les deux souligné dans des communiqués publiés sur Facebook que l’accord signé avec Israël était «un coup de poignard contre la cause palestinienne, sa résistance à l’occupation et une trahison des positions des peuples arabes qui rejettent toute forme de normalisation avec l’ennemi sioniste». «Cette trahison est encore plus grande venant d’un parti au référentiel islamiste».
Enfin, également sur Facebook, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) algérien, Abderrazak Makri, a indiqué que «la principale personne qui endosse cette honte et cette disgrâce est le Premier ministre marocain, le secrétaire général du PJD, compte tenu de la trahison de ses principes et de sa précédente position anti-normalisation». Il a par ailleurs appelé les militants du PJD à refuser avec force l’accord de normalisation des relations Maroc-Israël.
Le 10 décembre, le Maroc est devenu le quatrième pays arabe à conclure un accord de normalisation avec l’entité sioniste, après les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan. Les autorités marocaines ont néanmoins réaffirmé la position du royaume chérifien envers la cause palestinienne, à savoir une solution à deux États avec Jérusalem-Est comme capitale naturelle de la Palestine.
Deux poids deux mesures?
Cependant, les relations liant Israël à d’autres pays musulmans ne semblent pas déranger ces mêmes organisations. C’est le cas notamment de la Turquie. Comme le souligne Riadh Sidaoui, spécialiste en sciences et études politiques et président du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques et sociales de Genève, «les relations entre le royaume chérifien et l’État hébreu ne pèsent rien comparées à celles que la Turquie entretient avec Israël».
Envenimées en 2010 par l’incursion violente de la Marine israélienne sur le Mavi Marmara, navire turc qui acheminait de l’aide humanitaire vers Gaza, causant la mort d’au moins 10 personnes, les relations se sont normalisées en 2016 sans pour autant avoir d’ambassadeurs dans leurs capitales respectives.
En dépit de cette situation, la coopération militaire, sécuritaire et économique entre les deux États a continué à se renforcer. Entre 2017 et 2018, les importations israéliennes en provenance de Turquie sont passées de trois à 6,2 milliards de dollars, selon le site France diplomatie.
Riadh Sidaoui explique donc, dans une intervention sur sa chaîne YouTube, cette ambivalence dans les positions par le fait que «le double langage était le sport préféré de tous les mouvements politiques issus des Frères musulmans».
Source: Sputnik