Les négociations indirectes qui se déroulent entre le Liban et l’entité sioniste sur le tracé des frontières maritimes, dont le 4ème round a été reportée au 11 novembre, se déroulent dans le plus grand secret.
Ces négociations, placées sous l’égide de l’ONU, sont organisées avec la médiation de Washington. Elles sont indirectes, dans le sens où les membres des délégations libanaise et israélienne, bien qu’installés autour d’une même table, se parlent uniquement par le biais du médiateur américain ou du représentant de l’ONU.
Ces pourparlers ne déboucheront pas sur un traité de paix ou sur un accord de normalisation entre ces Beyrouth et Tel Aviv, techniquement en guerre depuis 1948.
L’objectif est de délimiter la frontière maritime pour tenter de régler un contentieux portant sur 862 km2 riches en hydrocarbures, convoités par ‘Israël’ et revendiqués par le Liban comme partie intégrante de sa zone économique exclusive (ZEE).
Des sources informées ont indiqué au site Midlle East Eye (MEE) que les négociateurs libanais insistaient sur la nécessité de rectifier des modifications opérées par les Israéliens sur des points frontaliers susceptibles d’avoir un impact décisif sur le tracé maritime.
L’accord Paulet-Newcombe de 1923 stipule que « la frontière [avec la Palestine] part de la mer Méditerranée du point appelé Ras al-Naqoura et suit la ligne de crête de cet éperon jusqu’au signal numéro 1 ».
Amine Hoteit, président de la Commission militaire libanaise chargée de vérifier le retrait de l’armée israélienne en mai 2000, affirme que lors de la vérification du retrait israélien, le 8 juin 2000, il avait constaté que le point en question (B1) avait été déplacé de 20 mètres vers le nord en territoire libanais par les Israéliens. La délégation libanaise avait alors dénoncé ce changement auprès de l’ONU et obtenu le retour de cette balise à son endroit d’origine.
« En 2009, j’ai effectué une tournée au Liban-Sud en compagnie de l’ancien président Émile Lahoud [chef de l’État à l’époque de la libération du sud, en 2000) », se souvient le général à la retraite. « Nous avons constaté que les Israéliens, qui avaient pénétré en territoire libanais lors de la guerre de 2006, avaient de nouveau déplacé le point B1 de 25 mètres vers le nord. »
Cette distance peut paraître insignifiante. Mais selon la loi de la mer de 1982, le tracé d’une frontière maritime commence par le premier point de rencontre entre la terre et la mer suivant une ligne médiane qui s’enfonce dans les eaux. Une différence de quelques mètres à peine sur terre peut entraîner la perte ou le gain de dizaines de kilomètres carrés en mer.
Cette ligne médiane part donc du point B1 jusqu’à un point 23, à la jonction entre le Liban, Israël et Chypre. Cependant, Israël retient un point situé 17 kilomètres plus au nord que le point 23, en raison d’une erreur commise par une délégation envoyée par le Premier ministre libanais Fouad Siniora à Chypre en 2007, et découverte par les cartographes et les géomètres de l’armée libanaise.
La ligne tracée par Israël intégrerait la zone disputée dans ses eaux territoriales, alors que celle proposée par le Liban lui permettrait de récupérer toute sa ZEE.
La démarcation de la frontière maritime commence donc par le point B1 à Naqoura. « La distance de 25 mètres permettra de connaître les véritables intentions des Israéliens et de vérifier l’intégrité et l’impartialité du médiateur américain », souligne Amine Hoteit.
Si les Israéliens refusent de ramener le point B1 à son endroit initial, les négociations auront échoué avant même d’avoir commencé.
Colère du médiateur US
Selon des informations citées par le quotidien AlAkhbar, « si la délégation israélienne refuse de partir de ce point, la partie libanaise procédera à la délimitation unilatérale de cette zone et en fera rapport aux Nations Unies, à condition qu’un décret soit approuvé lors de la formation du gouvernement du Premier ministre Saad Hariri ».
La partie libanaise appelle à augmenter la superficie du Liban d’environ 1430 kilomètres carrés.
Et il semble que l’insistance de la partie libanaise sur un domaine qui dépasse ce que les États-Unis ont identifié a dérangé le médiateur américain. Cela a incité l’ambassadrice américaine au Liban, Dorothy Shea, à se rendre au palais présidentiel de Baabda, avec le représentant du secrétaire général des Nations Unies, Jan Kubis. Ils ont discuté ‘des négociations du tracé des frontières maritimes’ avec le président Aoun lors de deux réunions distinctes.
Des sources citées par AlAkhbar ont indiqué que ‘Shea et Kubis n’étaient pas satisfaits de la proposition de la délégation libanaise’, prétendant que ‘cela prolongerait les négociations, alors que Washington veut qu’elles soient rapides’.
Les Américains insistent de reprendre les négociations sur la zone déterminée par l’ambassadeur US Frederick Hof, soit les 863 kilomètres carrés.
Ce n’est pas la première fois que l’Ambassadrice Shea tente d’exercer des pressions sur le Liban. Avant le début du processus des négociations entre les deux parties, elle a tenté en vain de contraindre la délégation libanaise à entamer des négociations directes avec les représentants de l’entité sioniste. Elle n’a pas tardé à prendre contact avec les dirigeants de l’armée libanaise pour les convaincre, mais sa demande a été accueillie par un refus total.
Il convient de rappeler que le fait d’entamer des « négociations indirectes » avec l’entité sioniste sur le tracé des frontières maritimes était l’une des conditions de l’accord-cadre conclu entre le président du Parlement Nabih Berri et les Américains sur ces négociations.