Dans son édito pour «Russeurope Express», Jacques Sapir revient sur la crise libanaise, amplifiée par les explosions du 4 août. Si l’économiste insiste sur la nécessité de réformer en profondeur le système politique et économique du pays, il craint en revanche que les recettes du FMI n’aggravent la situation si elles venaient à être appliquées.
Le Liban a fait tragiquement l’actualité au mois d’août. L’explosion survenue sur le port de Beyrouth est venue meurtrir un peu plus un pays qui s’enfonçait déjà dans une crise économique, mais aussi politique, depuis plus de dix-huit mois.
La crise économique est le produit de désordres tant conjoncturels que structurels.
Les services publics ont été partagés entre divers clans oligarchiques qui mettent le pays en coupe réglée. La crise bancaire, qui conduit à une situation de forte inflation, témoigne avant tout de la capacité de l’oligarchie à se partager une rente et à la mettre à l’abri en cas de besoin.
Mais les réformes proposées par les institutions internationales pourraient en réalité détériorer encore plus la situation. Ces réformes, qui ont été soutenues bruyamment par Emmanuel Macron lors de ses deux voyages au Liban, ne feraient qu’entériner la privatisation de fait d’une large partie des services publics. Pourtant, le pays a des avantages économiques incontestables, qui tiennent tout autant à sa géographie qu’a une sphère économique qui reste malgré tout extrêmement vivace.
Si la logique du FMI était mise en place, celui-ci prétendrait imposer des réformes visant à assainir le système bancaire, la banque centrale, les services publics. Mais compte tenu de la structuration de la scène politique libanaise, on peut craindre que ces réformes soient détournées de leur sens: par exemple, la privatisation des services publics profiterait essentiellement à l’oligarchie libanaise. On transférerait ainsi une propriété de fait, liée au clientélisme, à une propriété de droit, qui consoliderait encore plus le pouvoir de ladite oligarchie.
Ces difficultés économiques sont le fruit amer d’une crise du système politique libanais. Le pays a été fondé sur un compromis confessionnel qui, en 1943, était probablement inévitable. Mais au lieu de n’être qu’une solution provisoire, ce compromis s’est enraciné avec les années.
Source: Avec Sputnik