Dans un climat de négociation tendu, l’Argentine a prolongé vendredi de plus d’un mois les discussions avec ses créanciers pour tenter de trouver un accord qui lui permettrait de restructurer 66 milliards de dollars de dette.
« L’Argentine et ses conseillers ont l’intention de profiter de cette prolongation pour poursuivre les discussions et permettre aux investisseurs de continuer à contribuer à une restructuration réussie » de la dette, a indiqué le gouvernement dans un communiqué.
Les détenteurs de ces obligations sous législation étrangère ont désormais jusqu’à « 17h00, heure de New York (21h00 GMT) le 24 juillet » pour dire s’ils acceptent l’offre de restructuration présentée par Buenos Aires.
C’est la quatrième prolongation annoncée par le gouvernement du président de centre gauche Alberto Fernandez depuis le début des négociations le 20 avril.
Plus tôt, M. Fernandez avait déclaré que les négociations « avançaient » dans un climat de « bras de fer », mais s’est dit confiant sur la possibilité de « trouver un point d’accord ». « Nous devons éviter que l’Argentine ne soit perçue dans le monde comme un pays qui ne remplit pas ses obligations », a-t-il déclaré.
Les discussions concernent des obligations datant de 2005 et 2010, produits d’une restructuration précédente, ainsi que de nouveaux titres émis à partir de 2016. La première offre rejetée en mai prévoyait un délai de grâce de trois ans et une réduction de 62% des intérêts et de 5,4% du capital.
Deux groupes de créanciers, l’Ad hoc Argentine Bondholder Group, qui groupe 13 fonds internationaux, et le Exchange Bondholder ont accusé vendredi l’Argentine dans un communiqué commun d’avoir « décidé de créer des obstacles qui empêchent une solution négociée ».
Buenos Aires « a essayé de provoquer la division qui met fin à ce qui jusqu’alors avait été un processus de négociation productif », a ajouté ce communiqué. Ces créanciers internationaux ont toutefois assuré qu’ils cherchaient à éviter un défaut de paiement de l’Argentine.
« Les différentes propositions présentées durant les dernières semaines démontrent que tous les acteurs clé ont progressé de manière substantielle vers une restructuration négociée », ont-ils souligné.
Un tel accord de restructuration serait une « réussite pour toutes les parties prenantes, en évitant les coûts légaux et économiques dévastateurs » d’un défaut de paiement, conclut ce communiqué.
Le groupe Ad hoc avait qualifié jeudi les négociations d' »échec » et dit examiner les possibilités de recours devant la justice américaine.
« La date est maintenant fixée au 24 juillet, mais cela ne signifie pas qu’il ne peut y avoir d’accord avant cette date », a indiqué à l’AFP une source gouvernementale. « Il n’y a pas de nouvelle offre et nous négocions avec tous les créanciers », a-t-elle précisé.
Buenos Aires étudie l’amendement de certains points. L’offre révisée, qui n’a pas encore été présentée formellement, pourrait proposer un coupon lié à l’évolution des exportations agricoles, avec un possible paiement additionnel d’intérêt de 0,75% annuel.
« Peu pertinentes »
Alors que le gouvernement offre un taux de recouvrement ne dépassant pas 50 dollars pour chaque tranche de 100 dollars de la valeur nominale des obligations, les créanciers réclament, quant à eux, au moins 55 dollars.
Pour certains observateurs, les divergences sont si faibles que le gouvernement de M. Fernandez devrait maintenant céder pour conclure une des plus grandes restructurations de l’histoire.
« Les différences entre l’Etat et les détenteurs d’obligations, en termes d’analyses de viabilité de la dette, sont de quelques points de pourcentage et deviennent peu pertinentes quant à leur impact sur l’économie. Le rabais obtenu par l’Argentine est très important et il est temps de conclure », estime Carlos Winograd, ancien secrétaire au Commerce et professeur à la Paris School of Economics.
Mais l’Argentine insiste sur le fait qu’elle ne peut pas offrir plus.
La limite « est ce que le pays peut payer. Nous pensons que cette idée de céder pour se débarrasser du problème est ce qui nous conduit au problème d’une restructuration permanente des dettes. Il ne s’agit pas d’obtenir la Une des journaux », estime une source du gouvernement.
L’Argentine est en défaut de paiement depuis le 22 mai, date à laquelle était dû le paiement d’intérêts de 500 millions de dollars sur trois des obligations faisant l’objet des discussions. Malgré le défaut, les négociations ont continué.
Mais la marge de manœuvre du gouvernement est réduite, avec de nouvelles échéances de remboursement prévues fin juin, voire fin juillet en comptant le délai de grâce. Et une économie argentine en mauvais état : elle est en récession depuis 2018, 35% des habitants vivent dans la pauvreté et l’inflation a atteint 53% en 2019, un des taux les plus élevés au monde.
Source: AFP