François Hollande avait admis quatre assassinats ciblés dans le livre révélations «Un président ne devrait pas dire ça…». Selon un nouveau livre enquête, il s’agirait plutôt de quarante, en Syrie, au Sahel et en Irak. En dehors de cadre légal réel.
Dans le livre enquête Erreurs fatales dont Le Monde publie les bonnes feuilles, l’auteur, Vincent Nouzille, expose et reconstitue la façon dont les assassinats ciblés, les opérations dites «homo» – pour «homicides» dans le jargon du renseignement et des états-majors militaires – sont décidés. Mais, surtout, comment la liste nominative des cibles, les «High Value Targets» (HVT) ou encore les «High Value Individuals» (HVI), est dressée. Ce qui permettrait d’estimer le nombre de combattants et «terroristes», ou qualifiés comme tels, à une «quarantaine».
«Feu vert» pour tuer à l’étranger
«François Hollande a donc donné des consignes claires aux états-majors militaires et à la DGSE sur le sujet : ils ont son feu vert pour tuer à l’étranger, y compris clandestinement, des chefs terroristes et d’autres ennemis présumés de la France», explique Vincent Nouzille.
Ce dernier décrit notamment comment les conseillers et les services de communication de l’Elysée collaborent afin de donner un semblant de cadre légal à ce qui reste, en l’absence de tout jugement des individus ciblés, des exécutions extrajudiciaires.
Car la plupart de ces opérations ont lieu en «zones grises», c’est-à-dire en marge des conflits, en dehors des lois de la guerre. « Depuis son élection en mai 2012, François Hollande entend incarner une politique plus martiale que ses prédécesseurs, quitte à en payer le prix et à sortir du strict cadre de la légalité», écrit Vincent Nouzille.
Zones grises, zones de non-droit ?
A la décharge de l’exécutif, à l’ère du terrorisme et des guerres asymétriques – conflits où les Etats ne s’opposent pas à d’autres Etats mais à des groupes armés diffus et souvent sans territoire, les déclarations de guerre en bonne et due forme se font rares.
Faut-il pour autant se résoudre à l’arbitraire et à, de facto, l’administration de la peine de mort, sans jugement et par le «fait du prince» ? D’autant que le droit international pénal a prévu ce type d’action et la qualifie de crime de guerre.
A cela, les états-majors ne font valoir qu’un principe, assez fragile du point de vue juridique, celui de la «légitime défense collective», dont la définition revient, de fait, à l’exécutif, lequel se retrouve juge et partie.
«Trente ans d’erreurs» face au terrorisme
Vincent Nouzille, journaliste d’investigation indépendant, et auteur d’une première enquête en 2015 (Les tueurs de la République), publie ainsi un livre à charge, logeant à la même enseigne tous les dirigeants français :
«Que ce soit par aveuglement, naïveté ou passivité, nos présidents successifs ont, depuis plus de trente ans, commis des erreurs fatales face au terrorisme, avec des conséquences graves pour notre sécurité», accuse la quatrième de couverture d’Erreurs fatales.
«Improvisations après les attentats, réformes ratées ou bâclées, gestion chaotique des prises d’otages, marginalisation des juges, déni de la montée du « djihadisme » (takfirisme, ndlr) intérieur, failles du renseignement, confusions diplomatiques, faux pas militaires, comme en Libye ou en Syrie, dérapages en Afrique : la liste est longue», accable-t-il.
Irresponsabilité du chef de l’Etat ?
En la matière, en raison de l’«irresponsabilité» du chef de l’Etat prévue par la constitution et le statut pénal particulier appliqué au président de la République, seule la Cour pénale internationale est compétente. C’est pourquoi, à la suite des révélations verbatim d’Un président ne devrait pas dire ça…, une partie de l’opposition, emmenée par le député Pierre Lellouche, avaient tenté de faire passer une résolution pour diffusion «d’informations secrètes concernant la sécurité nationale».
La manœuvre a rapidement été contrée, le texte n’étant pas même parvenu au vote des députés. Le Bureau de l’Assemblée nationale, par treize voix contre huit a jugé la résolution non recevable. Pierre Lellouche avait alors jugé la décision «scandaleuse», et regretté qu’on ne puisse «faire la lumière sur le détail des informations transmises par François Hollande aux journalistes».
Source : RT