Un fonctionnaire chinois, qui accuse les autorités d’avoir dissimulé l’épidémie de Covid-19, a déposé plainte contre elles avant de se retrouver convoqué au commissariat, a appris vendredi l’AFP auprès de l’intéressé.
Cette procédure, qui vise les responsables de la province centrale du Hubei dont dépend la ville de Wuhan où le virus a été découvert fin 2019, semble être une première dans le pays.
Le plaignant, Tan Jun, est employé par l’agglomération d’Yichang, une ville située à quelque 340 kilomètres de Wuhan.
L’épidémie est « un problème très grave (…) il est nécessaire d’appeler la province du Hubei à prendre ses responsabilités », a-t-il expliqué sur un réseau social. M. Tan a confirmé sa démarche à l’AFP.
Le plaignant affirme avoir été convoqué par la police, qui lui a demandé de s’engager par écrit à ne plus s’exprimer en ligne sur ce sujet.
La pression sur les responsables locaux du Hubei s’est accrue après la mort en février du médecin Li Wenliang. Cet ophtalmologue fait désormais figure de héros national pour avoir donné l’alerte dès l’apparition du virus, avant d’être réprimandé par les policiers.
Face à l’émotion et à la colère populaires, les plus hauts responsables locaux du Parti communiste ont ensuite été limogés.
M. Tan leur reproche notamment d’avoir caché la menace du virus en affirmant début janvier qu’il n’était pas transmissible entre humains.
Contacté par l’AFP, un tribunal d’Yichang a indiqué ne pas être compétent pour traiter cette plainte et l’avoir transmise à l’échelon supérieur.
1.300 décès supplémentaires
Cette démarche intervient alors que la Chine a révisé à la hausse son bilan des décès, avec près de 1.300 morts supplémentaires.
Ce nouveau décompte porte à 4.632 le bilan des décès enregistré dans le pays le plus peuplé du monde.
Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, la ville de 11 millions d’habitants placée sous quarantaine à partir de fin janvier explique qu’au plus fort de l’épidémie, certains patients sont décédés chez eux faute de pouvoir être pris en charge dans les hôpitaux.
Ils n’avaient donc pas été comptabilisés jusqu’à présent dans les statistiques officielles qui ne prennent en compte que les personnes décédées à l’hôpital.
Ces nouvelles statistiques font bondir de 50% le bilan de la seule ville de Wuhan, qui s’inscrit désormais à 3.869 morts.
Le total des cas de contamination constaté à Wuhan est lui aussi révisé en hausse mais de seulement 325, à 50.333 cas pour la ville, située dans le centre du pays. Pour l’ensemble de la Chine, le nombre de contaminations dépasse les 80.000.
Des zones d’ombre
Pékin affirme avoir largement endigué l’épidémie mais, à l’étranger, de nombreuses voix ont mis en doute le bilan officiel diffusé par les autorités chinoises.
Le président français Emmanuel Macron a ainsi estimé jeudi qu’il existait des zones d’ombre dans la gestion de l’épidémie par la Chine, déclarant au Financial Times qu’il y avait « manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas ».
« La réponse de la Chine à l’épidémie est irréprochable », a rétorqué vendredi un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Un diplomate chinois en France a pour sa part accusé les occidentaux de vouloir imputer à la Chine la responsabilité de leur propres failles, dues principalement au retard qu’ils ont pris dans la lutte contre la propagation de l’épidémie