Alors que de nombreuses puissances mondiales s’attendent à une forte récession en 2020, la Chine devrait l’éviter. Son activité économique connaît même déjà des frémissements de reprise. De quoi lui donner une avance décisive? Pour Mary-Françoise Renard, économiste et spécialiste de la Chine, «il est trop tôt pour le dire».
Tout un symbole. Dans la nuit du mardi 7 au mercredi 8 avril, les autorités chinoises ont levé le bouclage imposé depuis le 23 janvier aux habitants de la ville de Wuhan, berceau de l’épidémie de coronavirus qui a fait jusqu’ici environ 88.000 morts à travers la planète. Pékin n’a de cesse de le rappeler depuis plusieurs jours: la bataille contre le virus est presque gagnée.
Si les spécialistes affirment qu’afin d’éviter une seconde vague épidémique le déconfinement doit être progressif, la vie reprend peu à peu son cours dans l’empire du Milieu.
Les nouvelles sont mêmes rassurantes sur le front de l’économie. Après des résultats catastrophiques en janvier et en février, l’indice des directeurs d’achat (PMI) du secteur manufacturier chinois a repris du poil de la bête en mars en se portant à 52.
Au-dessus de 50, le chiffre indique une activité économique en expansion, signe qu’une partie des usines ont repris leur activité.
«Dans la mesure où les transports sont repartis, notamment de par le soutien du gouvernement, les gens ont pu retourner travailler dans certaines usines. Reste que la situation est très différente d’une région à l’autre et que la reprise est très lente. Beaucoup d’entreprises ont rouvert mais cela ne signifie pas qu’elles ont une activité normale. Pour le moment il est très difficile de mesurer l’ampleur réelle de la reprise de la production. Mais elle est clairement là», nuance Mary-Françoise Renard, économiste, professeur à l’Université d’Auvergne et responsable de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine.
Si les entreprises majeures ont largement repris leur activité, ce n’est pas le cas des petites et moyennes entreprises qui souffrent encore des conséquences de la pandémie. De plus, la consommation intérieure peine pour l’instant à repartir.
«L’enjeu majeur pour le gouvernement est l’emploi. La Chine n’est pas un État providence. Pour le moment, Pékin n’a pas décrété de grand plan de relance, mais plutôt des mesures ciblées, notamment destinées à soutenir l’emploi. Il faut garder en tête que le pouvoir chinois tient sa légitimité de sa capacité à protéger sa population et à améliorer son niveau de vie. La lutte contre le chômage est donc au centre des politiques qui sont menées», analyse Mary-Françoise Renard.
Si la reprise est faible, elle devrait tout de même permettre à la Chine d’éviter la récession en 2020. La Banque mondiale imagine une croissance de 0,1% dans le pire des scénarios. Cela resterait un résultat inédit depuis l’époque maoïste et bien loin des 6% prévus, mais Pékin éviterait une récession promise à une grande partie des puissances économiques mondiales.
La Chine moins touchées économiquement que les autres puissances?
Les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus devraient être cataclysmiques pour de nombreuses économies. D’après l’Organisation internationale du travail, le monde fait face à la plus grave crise du marché de l’emploi depuis la Seconde Guerre mondiale.
1,25 milliard de travailleurs pourraient être touchés. L’OMC rappelle que des «secteurs entiers des économies nationales ont été fermés» ou «directement touchés» par l’arrêt de l’activité.
Dans un entretien donné aux Echos, les ministres français de l’Économie Bruno Le Maire et des Comptes publics Gérald Darmanin ont annoncé prévoir une chute du PIB de l’ordre de 6% en 2020 et une explosion du déficit public à 7,6%.
«Il s’agit de la plus grande récession en France depuis 1945. Des inconnues demeurent et cette prévision peut encore évoluer, notamment s’agissant de la durée du confinement et des modalités de sortie», a notamment précisé Bruno Le Maire. Et la France serait loin d’être un cas isolé.
Une forte récession semble également se dessiner aux États-Unis, en Italie, en Espagne, en Allemagne, au Japon et dans de nombreuses autres grandes puissances économiques.
De quoi faire de la Chine le prochain maître de l’économie mondial? Pour Mary-Françoise Renard, «il est trop tôt pour le dire»:
«L’impact réel de la crise du coronavirus sur l’économie chinoise n’est pas encore connu. De plus, il ne faut pas oublier que la Chine dépend beaucoup de l’étranger. Premièrement, concernant les chaînes de valeurs, il y a des produits qu’elle ne peut pas acheter et donc pas transformer. Mais surtout, Pékin dépend beaucoup de la demande étrangère qui est en chute libre. Il est vraiment prématuré de dire que la Chine va profiter de cette crise pour devenir la première puissance économie mondiale. C’est bien plus compliqué que cela, surtout à long terme.»
Source: Sputnik