Les marchés n’en finissent plus de plonger. Et avec eux les valeurs du secteur bancaire. Déjà fragilisées par la politique de taux faibles, voire négatifs, pratiquée par la Banque centrale européenne (BCE), laquelle rogne sur leurs marges, les banques de la zone euro souffrent fortement de l’épidémie de coronavirus et de la chute des cours du pétrole.
Aux alentours de 16 h 00, heure française, et alors que le CAC 40 abandonnait plus de 9,7%, les actions bancaires chutaient lourdement: -14% pour la Société Générale, -13,3% pour BNP Paribas, -14,5% pour le Crédit Agricole… Pas mieux à l’étranger, avec une chute de 12,2% de l’Italienne Unicredit, -15,7% pour l’Espagnole Banco Santander. En difficulté depuis plusieurs mois, la Deutsche Bank enregistrait à la même heure une baisse d’environ 16% de la valeur de son action.
«Les banques anticipent les répercussions de la dépression économique qui va traverser le monde. Lorsque l’économie va mal, les banques vont mal. Elles s’attendent à avoir des résultats très dégradés et les déclarations que fera le Président Macron au soir du 12 mars devraient aller en ce sens», explique à Sputnik France Dominique Garabiol, professeur associé à Paris VIII, membre de la Fondation Res Publica et ancien directeur de Banque.
Il faut dire que la requalification en «pandémie» de l’épidémie de coronavirus annoncée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 mars, suivie de la décision surprise du Président américain Donald Trump, annoncée lors d’une allocution solennelle depuis le Bureau ovale de la Maison-Blanche, ont jeté de l’huile sur le feu, dans un contexte déjà bien explosif.
«Pour empêcher de nouveaux cas de pénétrer dans notre pays, je vais suspendre tous les voyages en provenance d’Europe vers les États-Unis pour les 30 prochains jours», a lancé le locataire de la Maison-Blanche, en précisant que le Royaume-Uni, récemment sorti de l’Union européenne, n’était pas concerné.
La décision américaine a été plus que mal accueillie par des marchés, qui s’attendaient plutôt à des décisions afin de soutenir l’économie.
«Les banques peuvent être affectées à plusieurs niveaux. Sur le plan opérationnel d’abord, de nombreux groupes restreignant les déplacements ou les réunions. À Londres, HSBC a renvoyé chez eux une centaine d’employés d’une salle de trading après que l’un de ses salariés a été testé positif. La Banque centrale européenne a demandé pour sa part aux banques de renforcer leurs plans de continuité d’activité», expliquait le 5 mars dernier l’Agence économique et financière (AGEFI).
A cela s’ajoute une autre inquiétude, qui concerne la fragilité de nombreuses entreprises. En février dernier, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) tirait la sonnette d’alarme concernant le montant abyssal de l’endettement des entreprises dans le monde.
Faillite or not faillite?
Ce dernier atteint désormais 13.500 milliards de dollars. Pire, la qualité des emprunteurs baisse. Un récent rapport de l’OCDE notait que 51% des obligations en circulation étaient notées BBB par les agences de notations, contre 39% entre 2000 et 2007. En dessous d’une telle notation, c’est la catégorie dite «spéculative».
En d’autres termes, les entreprises sont plus fragiles et les risques de défaut plus grands, une situation loin d’être idoine pour les banques. «L’impact récessif de l’épidémie sur l’économie peut aussi laisser craindre des difficultés chez certains clients (PME, entreprises de secteurs très exposés) et une montée des créances douteuses, qui se traduiraient mécaniquement par une hausse des provisions, compte tenu des nouvelles règles que les banques sont tenues d’appliquer dans ce domaine», explique l’AGEFI.
«Les banques s’attendent à ce que leurs clients aient des difficultés qui entraîneront des problèmes au niveau du remboursement des prêts, même si elles sont prêtes à mettre en place des systèmes d’accompagnement. Reste que cela se fera sentir en termes de résultats. Il y a également la problématique des fonds investis sur les marchés et qui perdent de l’argent. La question est de savoir combien de temps cela va durer. Mais il est clair qu’il existe une grande incertitude sur les résultats des banques à moyen terme», analyse Dominique Garabiol.
La Banque centrale européenne était attendue au tournant ce 12 mars. Alors que la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre ont d’ores et déjà baissé leurs taux, l’institution basée à Francfort a choisi d’autres options. La BCE a annoncé l’achat de 120 milliards d’euros de dette publique et privée supplémentaire d’ici la fin de l’année par le biais de son programme d’assouplissement quantitatif ou «quantitative easing».
Des banques assez solides?
Concernant les banques, la BCE a temporairement autorisé ces dernières à opérer en dessous des exigences de fonds propres et de liquidité en vigueur. De plus, les conditions du prochain programme de crédit aux banques de la zone euro ont été modifiées afin de les rendre plus favorables et de «soutenir les prêts à ceux le plus affectés par le coronavirus, particulièrement les petites et moyennes entreprises».
Christine Lagarde, patronne de la BCE, a parlé de «choc majeur» pour l’économie en zone euro et a appelé à une «réponse budgétaire ambitieuse et coordonnée». Le 10 mars, elle avait estimé qu’en l’absence d’une réaction européenne, la crise pourrait être d’une ampleur semblable à celle de 2008.
Dominique Garabiol n’anticipe cependant pas de faillite d’établissement bancaire:
«Une faillite bancaire peut être déclenchée par des problèmes de liquidités. Or, depuis la crise de 2.008, la liquidité des banques est très contrôlée et elles sont tenues d’avoir des montants conséquents de liquidités en réserve. Les Banques centrales ont également mis en place des mécanismes d’urgence afin de les soutenir en cas de difficulté. Actuellement, les banques n’ont pas de problèmes de liquidité et elles n’en auront pas à court terme. Je ne vois comment elles pourraient en avoir, car ils reposeraient sur des retraits massifs des clients et je ne vois pas pourquoi ces derniers agiraient de la sorte. Ils ont plus peur du coronavirus que des banques.»
Un message qui se veut rassurant, donc, de la part de cet ancien directeur de banque, qui conclut:
«Les banques sont solides et ont beaucoup de capitaux en réserve. De plus, une crise de solidité ne se traduit pas d’une façon aiguë. En cas de capitalisation défaillante, vous pouvez toujours restructurer. Vous ne subissez pas une faillite retentissante.»