Les Etats-Unis ont imité lors des exercices un échange de frappes nucléaires avec la Russie, en médiatisant cet événement au maximum. Même si, de toute évidence, il s’agit d’une auto-campagne des militaires en prévision de l’approbation du budget de la défense, il existe un risque que les politiques croient finalement à la possibilité de gagner une guerre nucléaire, écrit le journal britannique The Guardian.
La semaine dernière, les Etats-Unis ont organisé des exercices militaires en imitant un échange de frappes nucléaires avec la Russie. C’est ce qu’a annoncé un haut représentant du Pentagone.
Ce jeu de guerre se démarque par la décision inhabituelle du Pentagone d’informer les journalistes des détails des exercices, parce qu’ils incarnent l’idée très controversée concernant la possibilité d’une bataille en utilisant l’arme nucléaire, et en même temps que l’échange de frappes nucléaires n’entraînera pas un conflit apocalyptique total.
Ces manœuvres se sont déroulées quelques semaines après l’installation, sur ordre du président américain Donald Trump, d’ogives nucléaires de puissance réduite sur des sous-marins pour faire contrepoids aux armes tactiques russes, en estimant qu’une telle mesure dissuaderait Moscou d’en faire usage.
D’après le briefing avec la participation de hauts représentants du Pentagone, le secrétaire à la Défense Mark Esper a participé aux « mini-exercices » du commandement stratégique américain au Nebraska. Lui-même a joué un rôle pendant l’imitation d’une crise dans le scénario où la Russie a lancé une frappe contre un site américain en Europe.
« Selon ce scénario, une situation d’urgence est survenue en Europe déclenchant une guerre contre la Russie, et la Russie a décidé d’utiliser une arme nucléaire de puissance réduite contre un site sur le territoire de l’Otan, a déclaré un représentant du Pentagone. Puis a eu lieu un entretien avec le secrétaire à la Défense, et ensuite avec le président, qui décide au final comment il faut réagir. » D’après ce représentant, « pendant les exercices nous avons imité une riposte en utilisant l’arme nucléaire ». Tout en la qualifiant de « réponse limitée ».
Une réponse limitée sous-entend l’usage d’une quantité réduite d’armes nucléaires ou d’un système de puissance réduite – du missile à lancement sous-marin avec une nouvelle ogive W76-2 embarqué sur des sous-marins en Atlantique fin 2019. Cela a été annoncé seulement fin janvier.
En parlant des exercices de la semaine dernière les responsables du Pentagone ont avancé leurs arguments pour défendre la W76-2.
« C’est une réponse très raisonnable à la doctrine nucléaire de la Russie et à son potentiel nucléaire, qui indiquent que les Russes peuvent utiliser l’arme nucléaire de manière limitée », a déclaré un haut représentant du Pentagone.
La revue National Defense était la première à relayer le briefing en question.
Hans Kristensen, directeur du projet d’information nucléaire de la Fédération de scientifiques américains, a noté que le Pentagone organisait très rarement de tels briefings sur les exercices nucléaires, en supposant qu’il s’agissait d’une publicité de la nouvelle arme récemment ajoutée dans l’arsenal américain.
« Souvenez-vous, seulement quelques semaines se sont écoulées depuis que nous avons reçu la confirmation de la mise en service de cette nouvelle ogive de puissance réduite, a déclaré Hans Kristensen. Et maintenant nous passons à une nouvelle étape dans l’approbation du budget quand les militaires doivent aller au congrès pour défendre la nouvelle ogive nucléaire de puissance réduite, transportée jusqu’à la cible par un missile de croisière mer-sol. C’est précisément ce qui a été joué dans le cadre de cette procédure. »
Les partisans de la maîtrise des armements sont inquiets de la formation d’une telle vision des autorités américaines et russes sur leurs immenses arsenaux nucléaires. Ils en concluent que leur arme nucléaire n’est pas seulement le dernier moyen de dissuasion et de contention, mais qu’elle peut également être utilisée dans des conflits « limités ».