Dans cette période de tensions internationales, se positionner contre l’impérialisme occidental requiert plus que jamais de la clarté, au risque de participer à sa domination.
Pour illustrer cette mise en garde je prendrai le terrain miné du Moyen-Orient, lieu parmi bien d’autres des convoitises occidentales. Qu’y voyons-nous ? La volonté de l’Occident de garder le contrôle sur une région riche en énergies fossiles, contre l’avis des États concernés. Et à cet effet, tous les coups sont permis. Pour mémoire, je rappelle cette phrase qui semble n’avoir pas pris une ride, du criminel de guerre, H. Kissinger : « Le pétrole est une chose trop importante pour être laissée aux Arabes ».
Les guerres contre l’Irak, la Libye, la Syrie et le Yémen en sont les derniers avatars, et devraient être considérées dans leur ensemble comme la 3è guerre mondiale, étant donné que plus de cent pays y participent directement ou indirectement depuis plusieurs années. Aussi ne faut-il pas réserver le titre de ‘guerres mondiales’ qu’aux seules guerres qui se dérouleraient en Occident et par ce fait, minimiser celles qui sévissent sous d’autres latitudes, n’obtenant que l’appellation ‘d’affrontements’ ou de ‘conflits’ ou autres labels mineurs. Cette sorte de hiérarchisation sémantique est déjà un piège a éviter : les quatre pays cités sont réellement ruinés et dévastés par les guerres qu’y mènent l’Occident et ses vassaux depuis 2003, tant du point de vue de leurs infrastructures que de leur économie, leur culture, ainsi que de leur organisation sociale. Sans parler du bilan humain, catastrophique.
À ces pays, il convient d’ajouter ceux qui, de guerre atypique en guerre éclair sont déstabilisés en permanence par de sordides manigances et complots orchestrés par les agences de nos belles démocraties, tels la CIA, la NSA, le Pentagone, le MI6, le Mossad et autres officines criminelles qui font et défont ces États : le Soudan, la Somalie, l’Afghanistan, le Liban, la Palestine, sans oublier l’Iran menacé comme jamais. Je pourrais y ajouter le Venezuela, le Brésil, la Bolivie et autres Cuba, Corée du Nord, Chine et Russie dès lors que ces gouvernements ont osé montrer quelques velléités à ne pas se soumettre aux ordres – et aux dollars! – de l’Empire assuré jusqu’il y a peu de sa puissance guerrière. Pas un de ceux-là n’échappe à de brutales sanctions ni à la propagande médiatique multipliant les ‘fake news’ à leurs égards.
Et c’est à travers ces exemples que ceux qui se déclarent appartenir au camp de la résistance sont parfois piégés. Les principaux médias occidentaux, passés sous contrôle des pouvoirs en place, sont devenus maîtres dans la désinformation et nous vendent ces guerres de manière biaisée. C’est ainsi que l’on voit défiler ‘experts & spécialistes’ venant nous désigner les bons résistants des mauvais, les modérés des extrémistes, les laïcs des barbus, les modernes des obscurantistes et ainsi de suite dans ce florilège d’appellations qui alimentent la division au sein même de la résistance, l’affaiblissant considérablement, accentuant de la sorte la fracture interne de ces États et facilitant d’autant l’intrusion d’agents extérieurs prêts à les piller et les détruire. Ces mêmes ‘experts’ (sur)médiatisés qui ignorent d’autres dictatures, se félicitant au passage des contrats d’armement juteux avec l’Arabie saoudite ou l’Égypte, brillants exemples de démocraties comme tout le monde sait…
Il est flagrant de constater combien l’Occident nourrit les tensions internes et tout ce qui peut servir à diviser les résistances. A cet effet, la Palestine illustre parfaitement cette technique : les médias ne manquent jamais d’opposer le Fatah au Hamas avec pour résultat la difficulté d’unifier la population dans sa résistance à la colonie israélienne. En Irak, ils ont insisté sur l’opposition féroce entre sunnites et chiites, tendance qu’ils ont attisée dans nombre de pays musulmans. En Syrie, ils n’ont de cesse d’opposer le ‘dictateur’ B. al-Assad à la société civile qui serait comme par enchantement majoritairement contre son président, pendant que nos gouvernements forment, financent et arment des mercenaires de tous bords pour le renverser. De même en Iran, ils alimentent l’opposition des mollahs ‘intégristes’ à une jeunesse moderne qui ne demanderait qu’à basculer dans le camp occidental. Et dans chaque pays visé ces scénarios se répètent. Mais aujourd’hui, allez donc demander à la population libyenne si elle n’était pas plus heureuse du temps du colonel Kadhafi qui avait hissé son pays au niveau de vie le plus élevé en Afrique, que déchirée et laminée par nos arrogantes et voraces ‘démocraties’…
Comme citoyens de la société civile, nous devons éviter d’en rajouter face aux manœuvres sordides de nos gouvernements. Les problèmes internes des pays agressés doivent rester de leur ressort et nous n’avons pas à nous opposer à une forme de résistance plutôt qu’une autre tant que ces pays font l’objet de calculs guerriers de la part des nôtres. Nous devons tout faire pour soutenir les résistances, quelles qu’en soient les formes qui relèvent du strict choix de ceux qui s’y engagent, contre les prédateurs extérieurs.
Quand un cambrioleur s’introduit par effraction dans votre domicile pour s’emparer de vos biens et vous menacer, vous n’en profitez pas pour régler vos problèmes de couple ou autre sujet familial litigieux. Vous vous montrez solidaires et unissez vos efforts pour repousser l’intrus et vous mettre avec votre famille, hors de danger. Une fois à l’abri et le danger écarté, vous pourrez vous atteler à résoudre vos problèmes internes.
Il doit en être de même pour ce qui concerne les États agressés par des menaces extérieures. Éclairés par de funestes exemples passés, nous devons en tirer les leçons, et comme résistants à l’impérialisme nous ne pouvons tomber dans ces pièges sournois. Il convient d’être uni le temps de repousser l’agresseur et une fois le danger éliminé, viendra le temps de s’occuper des problèmes internes. Mais jamais il ne faut alimenter les dissensions intérieures d’un État quand ce dernier fait l’objet de convoitises extérieures. Agir de la sorte est faire le jeu de l’impérialisme occidental.
Sur le terrain, si heureusement ces manœuvres n’aboutissent pas aux résultats escomptés – l’Occident est défait partout – elles freinent l’efficience de la résistance à bouter les agresseurs hors des frontières, prolongeant d’autant la souffrance des peuples. Raison pour laquelle nous ne pouvons ajouter nos voix aux dissensions internes et devons à l’inverse encourager toute forme de résistance.
Quant aux ressortissants de ces pays, qu’ils soient à l’intérieur ou disséminés dans des pays d’accueil, même s’ils sont en opposition à leur gouvernement, profiter des dangers existentiels auxquels ces derniers sont confrontés serait de la lâcheté. Une telle attitude relève de la trahison. Qu’ils réservent leur énergie et leurs actions quand leur pays sera hors de danger et à l’abri des convoitises occidentales jamais rassasiées. Et en attendant, qu’ils unissent leurs forces à celles de la résistance aux agresseurs.
Dès lors, si nous dénonçons l’impérialisme occidental et voulons lui résister, ne nous trompons pas de combat ni d’ennemi : il est des moments où la solidarité prévaut contre toute autre considération.
par Daniel Vanhove
Source: Réseau international